L’utilisation des champignons par l’humanité remonte aux temps du Paléolithique. Peu de gens – et même au sein des anthropologues – appréhendent l’influence que les champignons ont eue sur la course de l’évolution humaine. Les champignons ont joué un rôle pivot dans la Grèce antique, l’Inde et l’Amérique. Vrais à leur nature séduisante, les champignons ont toujours attirés des réponses émotionnelles profondes : de l’adulation par ceux qui les comprennent à la peur de ceux qui ne les comprennent pas. Les annales historiques révèlent que des champignons ont été utilisés pour des buts moins bénéfiques. Claude II et le Pape Clément VII furent tous deux tués par des ennemis qui les empoisonnèrent avec des Amanites mortelles. Le Bouddha est mort, selon la légende, d’un champignon qui pousse sous terre. Bouddha se vit offrir un champignon par un paysan qui croyait faire une bonne action. Dans d’anciens vers, ce champignon était lié aux « pieds de cochon » mais ne fut jamais identifié (bien que les truffes poussent sous terre et que les cochons sont utilisés pour les trouver, il n’existe aucune espèce toxique).
La preuve archéologique la plus ancienne de l’utilisation de champignons est probablement l’image Tassili trouvée dans une grotte et qui date de 3500 ans avant Jésus Christ. L’intention de l’artiste est claire. Des champignons à l’aura électrifiée sont dépeints dans le cadre d’une danse chamanique. L’interprétation spirituelle de l’image transcende le temps et est évidente. Durant l’hiver 1991, les restes bien conservés d’un homme furent découverts dans les Alpes italiennes, ils remontent vers 5300 avant JC. Nommé « Homme des glaces » par les médias, il était bien équipé d’un sac, d’une hache et de quelques champignons séchés Piptoporus betulinus ainsi que d’un autre champignon non identifié. Le Piptoporus peut être utilisé comme combustible pour allumer le feu ou encore comme médicament pour triater les blessures. De plus, un thé énergisant aux propriétés immunitaires peut être infusé en faisant bouillir ces champignons. Equipé afin de traverser des régions sauvages, il avait découvert la valeur du Piptoporus. Encore aujourd’hui, cette connaissance peut sauver la vie à quiconque est perdu dans un endroit désertique et sauvage.
La peur de la toxicité du champignon se retrouve dans toutes les cultures, parfois atteignant des hauteurs phobiques extrêmes. Le terme de mycophobe décrit ces individus et cultures chez qui les champignons sont considérés avec peur et aversion. Les cultures mycophobiques sont surtout représentées par l’Angleterre et l’Irlande. Par contraste, les sociétés mycophiles se retrouvent en Asie et en Europe de l’Est, tout particulièrement parmi les polonais, les russes et les italiens. Ces sociétés ont eue une grande histoire de l’utilisation des champignons, avec des centaines de noms servant à décrire les variétés de champignons qu’ils apprécient.
L’utilisation des champignons par diverses cultures fut intensivement étudiée par un banquier nommé Gordon Wasson. Ses études se concentrèrent sur l’utilisation des champignons par les sociétés mésoaméricaines, russes, anglaises et italiennes. Avec la mycologue français Roger Heim, Wasson a publié une recherche sur les champignons Psilocybes de mésoamérique et sur m’amanite en Eurasie et en Sibérie. Les études de Wasson se déroulèrent tout au long d’une existence dédiée à la passion des champignons. Ses publications comprennent : « Champignons, Russie et Histoire » ; « Merveilleux champignons » ; « Mycolâtrie en Mésoamérique » ; « Maria Sabina et son champignon Mazatec » ; et la « Quête de Perséphone : enthéogenèse et les origines de la religion ». Plus qu’aucun autre individu du XXe siècle Wasson étudia l’ethnomycologie. Wasson est décédé le jour de Noël 1986.
Une des découvertes les plus provocantes de Wasson peut être trouvée dans le Soma : Champignon divin de l’immortalité (1976) où il postula que le mystérieux Soma de la littérature védique, un fruit rouge menant à une illumination instantanée pour ceux qui l’ingèrent, était en fait un champignon. Le symbolisme védique déguise scrupuleusement sa véritable identité : Amanita muscaria, le champignon hallucinogène. Nombre de cultures font le portrait de l’Amanita muscaria comme un champignon archétypal. Bien que quelques initiés védiques ne soient pas d’accord avec cette interprétation, les recherches exhaustives de Wasson tiennent toujours la route.
Aristote, Platon et Sophocle participèrent tous aux cérémonies religieuses d’Eleusis où un temple était dédié à Déméter, la Déesse de la Terre. Pendant deux millénaires, des milliers de pèlerins voyagèrent sur les 14 kilomètres qui séparent Athènes d’Eleusis, payant l’équivalent d’un mois de salaire pour avoir le privilège de participer à la cérémonie annuelle. Les pèlerins étaient rituellement harcelés sur le chemin, et le tout dans une bonne humeur apparente.
A leur arrivée au Temple, ils se rassemblaient dans le hall des initiations, un grand telestrion. A l’intérieur du temple, les pèlerins s’asseyaient en cercles qui descendaient vers une chambre centrale cachée, où une décoction de champignon était servie. Une chose étrange était un alignement de colonnes, sans besoin structurel apparent, et dont le but échappe aux archéologues. Les pèlerins passaient la nuit ensemble et ils repartaient changés à jamais. Dans ce pavillon empli de piliers, des cérémonies avaient lieu, connues des historiens comme les Mystères d’Eleusis. Aucune révélation des secrets de la cérémonie ne pouvait être faite sous le risque de l’emprisonnement et de la mort. Ces cérémonies continuèrent jusqu’aux premiers siècles de la chrétienté.
En 1977, à une conférence sur les champignons se déroulant en Grèce, Wasson, Hoffman et Carl Ruck firent les premiers le postulat que les Mystères d’Eleusis étaient centrés sur l’utilisation de champignons psychoactifs. Leur papier fut publié plus tard dans un livre dont le titre est « La Voie d’Eleusis : révélations des secrets du mystère » (1978). Qu’Aristote et d’autres fondateurs de la philosophie occidentale entreprirent cette aventure intellectuelle et que ce secret de la cérémonie perdure depuis plus de 2000 ans, souligne l’impact profond que les rites des champignons ont eu sur l’évolution de la conscience occidentale.
Des Champignons et des Hommes. Extrait de « Growing Gourmet & Medicinal Mushrooms », par Paul Stamets. Traduction française par Spartakus FreeMann, Nadir de Libertalia, juin 2004 e.v.
Illustration : Image extraite d’un blog. Source inconnue.
Par Paul Stamets
L’utilisation des champignons par l’humanité remonte aux temps du Paléolithique. Peu de gens – et même au sein des anthropologues – appréhendent l’influence que les champignons ont eue sur la course de l’évolution humaine. Les champignons ont joué un rôle pivot dans la Grèce antique, l’Inde et l’Amérique. Vrais à leur nature séduisante, les champignons ont toujours attirés des réponses émotionnelles profondes : de l’adulation par ceux qui les comprennent à la peur de ceux qui ne les comprennent pas. Les annales historiques révèlent que des champignons ont été utilisés pour des buts moins bénéfiques. Claude II et le Pape Clément VII furent tous deux tués par des ennemis qui les empoisonnèrent avec des Amanites mortelles. Le Bouddha est mort, selon la légende, d’un champignon qui pousse sous terre. Bouddha se vit offrir un champignon par un paysan qui croyait faire une bonne action. Dans d’anciens vers, ce champignon était lié aux « pieds de cochon » mais ne fut jamais identifié (bien que les truffes poussent sous terre et que les cochons sont utilisés pour les trouver, il n’existe aucune espèce toxique).
La preuve archéologique la plus ancienne de l’utilisation de champignons est probablement l’image Tassili trouvée dans une grotte et qui date de 3500 ans avant Jésus Christ. L’intention de l’artiste est claire. Des champignons à l’aura électrifiée sont dépeints dans le cadre d’une danse chamanique. L’interprétation spirituelle de l’image transcende le temps et est évidente. Durant l’hiver 1991, les restes bien conservés d’un homme furent découverts dans les Alpes italiennes, ils remontent vers 5300 avant JC. Nommé « Homme des glaces » par les médias, il était bien équipé d’un sac, d’une hache et de quelques champignons séchés Piptoporus betulinus ainsi que d’un autre champignon non identifié. Le Piptoporus peut être utilisé comme combustible pour allumer le feu ou encore comme médicament pour triater les blessures. De plus, un thé énergisant aux propriétés immunitaires peut être infusé en faisant bouillir ces champignons. Equipé afin de traverser des régions sauvages, il avait découvert la valeur du Piptoporus. Encore aujourd’hui, cette connaissance peut sauver la vie à quiconque est perdu dans un endroit désertique et sauvage.
La peur de la toxicité du champignon se retrouve dans toutes les cultures, parfois atteignant des hauteurs phobiques extrêmes. Le terme de mycophobe décrit ces individus et cultures chez qui les champignons sont considérés avec peur et aversion. Les cultures mycophobiques sont surtout représentées par l’Angleterre et l’Irlande. Par contraste, les sociétés mycophiles se retrouvent en Asie et en Europe de l’Est, tout particulièrement parmi les polonais, les russes et les italiens. Ces sociétés ont eue une grande histoire de l’utilisation des champignons, avec des centaines de noms servant à décrire les variétés de champignons qu’ils apprécient.
L’utilisation des champignons par diverses cultures fut intensivement étudiée par un banquier nommé Gordon Wasson. Ses études se concentrèrent sur l’utilisation des champignons par les sociétés mésoaméricaines, russes, anglaises et italiennes. Avec la mycologue français Roger Heim, Wasson a publié une recherche sur les champignons Psilocybes de mésoamérique et sur m’amanite en Eurasie et en Sibérie. Les études de Wasson se déroulèrent tout au long d’une existence dédiée à la passion des champignons. Ses publications comprennent : « Champignons, Russie et Histoire » ; « Merveilleux champignons » ; « Mycolâtrie en Mésoamérique » ; « Maria Sabina et son champignon Mazatec » ; et la « Quête de Perséphone : enthéogenèse et les origines de la religion ». Plus qu’aucun autre individu du XXe siècle Wasson étudia l’ethnomycologie. Wasson est décédé le jour de Noël 1986.
Une des découvertes les plus provocantes de Wasson peut être trouvée dans le Soma : Champignon divin de l’immortalité (1976) où il postula que le mystérieux Soma de la littérature védique, un fruit rouge menant à une illumination instantanée pour ceux qui l’ingèrent, était en fait un champignon. Le symbolisme védique déguise scrupuleusement sa véritable identité : Amanita muscaria, le champignon hallucinogène. Nombre de cultures font le portrait de l’Amanita muscaria comme un champignon archétypal. Bien que quelques initiés védiques ne soient pas d’accord avec cette interprétation, les recherches exhaustives de Wasson tiennent toujours la route.
Aristote, Platon et Sophocle participèrent tous aux cérémonies religieuses d’Eleusis où un temple était dédié à Déméter, la Déesse de la Terre. Pendant deux millénaires, des milliers de pèlerins voyagèrent sur les 14 kilomètres qui séparent Athènes d’Eleusis, payant l’équivalent d’un mois de salaire pour avoir le privilège de participer à la cérémonie annuelle. Les pèlerins étaient rituellement harcelés sur le chemin, et le tout dans une bonne humeur apparente.
A leur arrivée au Temple, ils se rassemblaient dans le hall des initiations, un grand telestrion. A l’intérieur du temple, les pèlerins s’asseyaient en cercles qui descendaient vers une chambre centrale cachée, où une décoction de champignon était servie. Une chose étrange était un alignement de colonnes, sans besoin structurel apparent, et dont le but échappe aux archéologues. Les pèlerins passaient la nuit ensemble et ils repartaient changés à jamais. Dans ce pavillon empli de piliers, des cérémonies avaient lieu, connues des historiens comme les Mystères d’Eleusis. Aucune révélation des secrets de la cérémonie ne pouvait être faite sous le risque de l’emprisonnement et de la mort. Ces cérémonies continuèrent jusqu’aux premiers siècles de la chrétienté.
En 1977, à une conférence sur les champignons se déroulant en Grèce, Wasson, Hoffman et Carl Ruck firent les premiers le postulat que les Mystères d’Eleusis étaient centrés sur l’utilisation de champignons psychoactifs. Leur papier fut publié plus tard dans un livre dont le titre est « La Voie d’Eleusis : révélations des secrets du mystère » (1978). Qu’Aristote et d’autres fondateurs de la philosophie occidentale entreprirent cette aventure intellectuelle et que ce secret de la cérémonie perdure depuis plus de 2000 ans, souligne l’impact profond que les rites des champignons ont eu sur l’évolution de la conscience occidentale.