Napharion : La Chaos Magic, finalement peu présente dans le BM commence à s’intégrer au mouvement. Discrètement abordée par Behemoth, elle fut un temps revendiquée par Aryos (mes confuses pour l’autopub), Saturnian Mist et quelques autres. Tu affirmes que la Chaos Magic est pour toi « une merveilleuse méthode de magie ». Tu peux développer ?
Alcide Vitriol : Dans ses bouquins ésos, le gars d’ARCKANUM remercie Phil Hine et Peter J Carroll, ce qui m’avait agréablement étonné. BATHORY LEGION mentionne Hakim Bey dans une interview récente. C’était déjà là, mais on n’en parlait pas. Karlsson signait des articles dans CHAOS INTERNATIONAL, si je ne m’abuse. Et divers vieux groupes éso Metal tels que le TEMPLE OF THE VAMPIRE ont probablement usé et abusé de Chaos Magic, en prétendant s’appuyer sur une tradition ancestrale, comme la plupart le faisaient à l’époque… « All magic is chaos magic », comme dirait King Satan…
La résistance à ce style de magie se rencontre dans les groupes magiques français où on te répète à foison que c’est juste « la Golden Dawn pour les nuls » ou que les chaotes sont des mecs qui ne font que réinventer la roue tout en pillant les « anciens ». Ce qui n’est pas faux, cela dit, sauf que je conseille fortement aux débutants de commencer par des livres récents et de remonter ensuite à des plus anciens. D’autant que les ouvrages de Chaos Magic sont essentiellement là pour expliquer les mécanismes fondamentaux derrière la magie, dépouillés de tout le décorum et du dogme inévitables dans les vieux bouquins prisonniers de leur époque. Ceux qui critiquent la Chaos veulent y voir un énième système magique en oubliant qu’elle est l’héritière de la révolution psychédélique et qu’ici on est directement dans le changement de réalité à foison. Discordianisme, homme dé, magie de squats et anarchisme… D’ailleurs la Chaos Magic est paradoxalement la magie qui s’affiche le mieux comme contre-culture tout en étant la plus récupérable par le système via le développement personnel (et certains auteurs l’ont bien compris, n’est-ce pas ?), notamment grâce à cet aspect « magie rapide et efficace », sauf qu’au fil de la pratique, tu t’aperçois que ce n’est pas le cas et qu’il faut avoir un peu de bouteille derrière…
En clair, pour moi, la Chaos est bien plus qu’une énième voie magique, car elle influence également tout l’aspect exotérique de ma vie, mais là, cela devient difficile à mettre en mots, car je n’ai pas assez de recul, et que je n’ai aucune envie que « chaote » devienne une énième étiquette.
Melmothia : Ta résolution de ne pas t’enfermer dans un courant et tes affinités avec la Chaos Magic viennent-elles uniquement du désir de compiler des techniques efficaces ou également d’une fièvre de ne jamais rester longtemps les fesses sur la même chaise ? La création de V.I.T.R.I.O.L participe-t-elle de cette même faim de connaître et d’expérimenter ? Tu donnes toujours cette impression de courir en hurlant derrière des étoiles filantes ?
Alcide Vitriol : Limiter la Chaos à une liste de techniques efficaces est un préjugé typique des milieux magiques plus « tradis », même si avec la Chaos, on bosse tout de suite sur l’ennemi numéro 1 qui est le censeur psychique, et qui peut continuer à t’emmerder alors même que tu SAIS que ta magie fonctionne. De là, la difficulté à trouver quelque chose qui fonctionne plusieurs fois de suite… Être « né là-dedans » via sa famille aide beaucoup comme j’ai pu le constater chez certaines personnes (et comme évoqué dans le zine), mais ce n’est pas mon cas, je suis vraiment parti de zéro.
Pour ma difficulté à rester longtemps sur une chaise, je vois qu’on me connaît bien ici. Ce peut être une qualité autant qu’un défaut, comme le rappelle Orryelle dans le documentaire sur la Chaos Magic. Un changement de paradigme ne peut se comprendre vraiment que lorsque tu t’en es pris un en pleine tronche, que tu l’as SUBI, avant d’en ressortir, de comprendre les mécanismes sous-jacents et de pouvoir le reproduire. La fièvre peut évidemment venir tout simplement de l’échec à trouver une voie ou un courant qui t’intéresse assez pour t’engager, tellement tu te méfies des personnes et de l’égrégore, car au fond même l’IOT, pour continuer sur la Chaos, réside une énième structure pyramidale. Mais bon, j’ai mis près de dix ans à trouver ma voie dans les arts martiaux self-défense et rien ne garantit que je ne m’engagerai pas dans autre chose plus tard… La faim d’expérimenter peut te bouffer aussi, j’en sais quelque chose, jusqu’à t’aliéner ton entourage. Et oui à certains moments on a vraiment l’impression de passer son temps à courir après des étoiles en hurlant (rire jaune), mais certaines périodes de vide et de manque d’inspiration peuvent être utiles, « sleep on it » comme dit le proverbe… Parfois il faut juste arrêter de s’acharner et laisser pisser pour s’y remettre plus tard de manière plus sereine. Ma conception et pratique de la magie sont-elles sereines pour autant ? Absolument pas, même si j’y travaille, mais disons que lorsque tu commences à entrevoir les capacités inexplorées du cerveau pour ouvrir des portes, mener une vie « normale » devient de plus en plus compliqué, surtout quand tu dois évoluer dans une société de Moldus et que tu ne peux pas vivre la nuit pour dormir le jour, d’où une certaine fébrilité. Certains ont peur que ça explose, en ce qui me concerne, je trouve que ça n’explose pas encore assez.
Melmothia : En dehors de la Chaos Magic, quels courants et systèmes ont ta préférence ? Lesquels rejettes-tu et pourquoi ?
Alcide Vitriol : Je ne rejette absolument rien, j’ai même versé aux frontières du New Age (qui au passage est bien plus dangereux que le satanisme), alors merci bien ! Mes préférences vont vers la Chaos et son approche globale du monde, ainsi que vers tout ce qui touche à la Sorcellerie et à la bonne vieille Goétie, du moins aujourd’hui. C’est dur pour moi de répondre tant j’ai le nez (et pas que ça d’ailleurs) dedans en permanence, je ne fais même plus vraiment de différence entre LHP, RHP, les étiquettes, les coups et les douleurs.
Napharion : Tu as dit quelque part regretter le manque de contenus inspirés de l’ONA dans le BM, ne penses-tu pas qu’avec le nombre de personnes fragiles présentes dans la scène BM et le manque de recul de certains auditeurs, l’introduction de ce genre de contenus reviendrait à craquer une allumette à côté d’une bouteille de gaz ?
Alcide Vitriol : L’ONA a moult concepts fascinants et d’autres qui te font lever les yeux au ciel, si on sort de l’aspect fascisant et de son folklore, là on a vraiment quelque chose d’intéressant. Ce qui me gêne est que pas mal de concepts de l’ONA se disent rebelles, mais vont en fait totalement dans le sens du système : l’obsession de s’élever au-dessus des autres, la glorification de la prédation, etc. Il paraît que certains courants de l’ONA sont totalement sortis du délire racialiste. Ce n’est pas vraiment l’impression que j’ai quand je lis des publications récentes à ce sujet, mais il faudrait aussi que je sorte un peu le nez du milieu Metal. Mais il serait possible de faire vraiment quelque chose d’intéressant avec tout ça en se libérant des dogmes.
Pour ce qui est des gens « fragiles », c’est rigolo, comme me disait quelqu’un récemment le BM est essentiellement composé de gens fragiles et hyper sensibles qui jouent les gros durs parce qu’ils ont en ont marre de se faire appeler madame quand ils sont de dos… Ils peuvent aller jusqu’à confondre ce rôle avec leur vraie personnalité par un déferlement de violence et en prenant leur statut de cassos pour quelque chose de romantique, alors que c’est quasiment toujours la conséquence de soucis psychologiques inhérents à de vieux problèmes familiaux. Le Black Metal fut dès ces débuts politisé et facilement récupérable par les extrêmes puisqu’il est essentiellement basé sur la haine, la nostalgie et le fantasme… Certes, un petit nombre de personnes a certainement choisi de mener une forme de vie extrême liée à des pratiques magiques hardcore, mais ce n’est qu’une toute petite minorité qui a CHOISI de le faire, loin de ceux qui n’ont fait qu’obéir à leurs pulsions et réagir à leur environnement… Tu t’es battu contre tout le monde, tu as déclaré la guerre à la société et même au cosmos, mais as-tu déjà seulement essayé de te battre contre toi-même ?
Melmothia : Je vais rebondir sur cette question en prenant le contre-pied de Napharion : crois-tu qu’il puisse exister un courant ésotérique qui ne soit pas soluble dans la pochette qui-va-bien et le slogan infernal ? Pour le dire autrement : quel ingrédient faudrait-il ajouter, selon toi, pour qu’il se passe quelque chose de vraiment magique ou mystique dans la scène BM ?
Alcide Vitriol : Bah, de toute façon, tous les courants sont amenés à se détériorer avec le temps, tout comme les groupes. Tout devrait avoir une date de péremption, comme une bonne vieille TAZ. Et d’ailleurs, le problème ce n’est pas tant les courants eux-mêmes que les individus qui sont derrière – humains trop humains. Pour le BM il faudrait surtout que les gens acceptent le CHANGEMENT, de jeter un œil au-delà du look et des dogmes, mais il est difficile, voire impossible, de recréer la magie qui s’est manifestée en Scandinavie dans les années 90 et qui s’est terminée un peu façon Charles Manson comme d’habitude… On est dans la magie aéonique encore, et il y avait évidemment des forces derrière… Certains perpétuent l’héritage dans leur coin, mais dans une société du paraître, la tâche est ardue et ceux-là sont un peu trop obsédés par leur désir de faire du passé idéalisé un dogme, jusqu’à frôler le ridicule.
Ce qu’il faudrait, j’en ai eu un aperçu : des événements loin de tous les regards (ce qui est de plus en plus difficile), avec des gens triés sur le volet, qui mélangeraient concert et rituels magiques effectués par des participants sachant ce qu’ils font. Une TAZ Black Metal quoi, d’où toute consommation serait exclue. Je ne pense pas être le seul à avoir compris cela au vu de certains événements montés ci et là, mais encore une fois il est très difficile de ne pas se laisser rattraper par la matrice… « When you try to bring people a free spirituality, watch out for the police raid », comme disait l’autre.
Melmothia : Ce que tu dis me semble plutôt pertinent. Je voudrais juste revenir sur ce que tu appelles « des forces derrière ». Tu penses que les acteurs de la scène BM qui en sont venus au crime étaient « sous influence » ?
Alcide Vitriol : On peut se poser la question pour pas mal de figures historiques, que ce phénomène soit lié à l’intervention d’égrégores devenus autonomes ou de forces antédiluviennes. Quant à certains acteurs de la scène BM, je pensais plus à de bonnes grosses larves hein, ou à des démons appâtés par des trous dans l’aura. Il n’y a qu’à voir, en relisant des vieux zines des années 90, le traitement dark à outrance que certains faisaient subir à des divinités bien connues, au point d’en faire tout autre chose… Les gars avaient beaucoup moins de recul que maintenant, étaient plus sauvages et paradoxalement plus fragiles en raison du jeu de rôle qu’ils s’étaient approprié (et, je pense, de leur manque de connaissances global en matière de protections). Après évidemment qu’une petite minorité bossait sérieusement et avait ouvert des portes fort tangibles. Bon il faut aussi rappeler que le Black Metal a beaucoup à voir avec une contre-initiation, voire le Grand Œuvre à l’envers comme on peut le voir dans les bouquins du 218… Il y a de plus en plus de lumière en ce moment, un Black Metal de plus en plus lumineux, technique et raffiné. Mais regarde l’interview d’Erica Frevel dans mon zine et lis son petit bouquin : considère ce que ça implique si ça marche… Peu nombreux sont ceux qui voudraient la suivre là-dedans, étant donné que sa démarche implique, entre autres, de bafouer littéralement les lois des dieux et des hommes.
Melmothia : Je sais qu’on t’a déjà posé la question, mais je vais te la reposer parce que je sais que ça te fait plaisir : qui sont les lecteurs de V.I.T.R.I.O.L ?
Alcide Vitriol : Eh bien, pour avoir commencé à envoyer les paquets je peux dire qu’avec les réseaux qui s’étendent, on sort clairement du lectorat Metal stricto sensu, ce qui me fait plaisir, car j’ai l’intention d’élargir grandement le pedigree des interviewés, voire des collaborateurs du zine… Passe le Mot.
Napharion : Tu restes maître du jeu avec ta Babalon, mais l’équipe du zine pourrait-elle s’agrandir ?
Alcide Vitriol : Merci de me rappeler à quel point je faisais dans les clichés il y a tout juste trois ans, et donc que j’ai évolué un tantinet. Elle fait tout effectivement. On devait même ajouter l’un de ses projets musicaux au CD, mais cela ne s’est finalement pas réalisé. Pour ce qui est d’agrandir l’équipe, on y a fortement songé, quand on a tourné le clip dans des conditions, disons pas toujours faciles. On aurait préféré une équipe entière sur ce coup-là, merci bien.
Melmothia : le clip est très beau d’ailleurs et j’imagine que c’est ta copine qu’il faut féliciter. Mais pourquoi dans ce genre esthétique, les gens bougent toujours au ralenti devant un feu de camp ?
Alcide Vitriol : Hé oh, ces idées viennent quand même de visions que j’ai eues dans un lieu que je fréquente pour diverses choses ! Et puis le symbolisme du clip est assez évident pour qui maîtrise les bases je pense. Je voulais quelque chose de plus moderne et psychédélique au début, mais d’une part nous n’avions pas les moyens à deux et d’autre part, cela aurait trop juré avec le contenu du zine et l’apport sonore du CD, mais étant donné la direction prise pour la prochaine publication : rien n’est vrai, tout est possible. Après il est vrai que le zine s’inscrit aussi dans certains clichés de l’époque, ne serait-ce que par les artistes choisis pour l’artwork, dont un dont je ne dirais jamais assez combien il m’a déçu. C’est tout le problème maintenant : un artiste surdoué devient très vite une énième marque dans le Metal et encore plus vite obsolète quand il commence à bosser avec tout le monde. J’ai plusieurs exemples bien connus en tête, rien que pour la France, mais je vais éviter de balancer des noms, car le pire c’est que la démarche est sincère… Bon ça pourrait être pire, j’aurais pu utiliser un drone, qui doit être le truc le plus à la mode en ce moment pour les clips.
Melmothia : Comment penses-tu que les relations entre ésotérisme et musique, particulièrement la scène Metal, vont évoluer dans les années à venir ? Tu as une idée de ce qui s’annonce ?
Alcide Vitriol : Bah, vu l’état de la scène Metal en ce moment, du moins en ce qui concerne le live… Il faut retourner dans les grottes les gens ! La scène ne s’en portera que mieux ! Je n’en sais rien, on est en pleine mode Insta Witch, si on se réfère aux éons cycliques façon Peter J Carroll, on devrait enfin bénéficier d’un creux de la vague, mais je n’en suis pas sûr, car les temps vont devenir de plus en plus incertains, l’Europe va évidemment retomber dans ses vieux démons et la magie sera de plus en plus happée par la politique ou être victimes de nouvelles chasses aux sorcières. Enfin pour l’instant ce sont surtout d’auto proclamées sorcières qui font la chasse aux sorcières si tu vois ce que je veux dire (clin d’œil). Je vis dans ma cambrousse un peu isolé de tout ça, je n’ai pas spécialement souffert de l’année COVID, bien au contraire, pour des raisons que je n’évoquerai pas.
Honnêtement le sort de la magie m’intéresse bien plus que le sort du Metal. Je trouve toute cette incertitude assez excitante, mais je dois bien être le seul… Même le plus crétin des crétins doit savoir qu’on est à la fin de quelque chose et doit se retrouver à parler de sa recherche Google « Kali Yuga » pendant l’apéro. Parfois l’effondrement doit être encouragé, même si ça fait du mal à tout le monde au passage. Après tout dans certains courants LHP modernes, il est dit qu’on fabrique le surhomme du futur, un peu comme dans les prophéties de Robert Anton Wilson. Hé bien allons-y, et au pire ce sera pour la prochaine incarnation dans le passé, s’il n’y a plus de vie possible pour établir un futur.
Melmothia : Merci beaucoup, Alcide, de nous avoir accordé de ton temps. On se revoit pour la sortie des zines en version française ?
Alcide Vitriol : C’est cela même : God Bless, Satan Caress, Chaos is the Law, Hail Eris, Merci Bien…
VITRIOL, entrevue avec Alcide, seconde partie.
V.I.T.R.I.O.L.
DEUXIÈME PARTIE
Napharion : La Chaos Magic, finalement peu présente dans le BM commence à s’intégrer au mouvement. Discrètement abordée par Behemoth, elle fut un temps revendiquée par Aryos (mes confuses pour l’autopub), Saturnian Mist et quelques autres. Tu affirmes que la Chaos Magic est pour toi « une merveilleuse méthode de magie ». Tu peux développer ?
Alcide Vitriol : Dans ses bouquins ésos, le gars d’ARCKANUM remercie Phil Hine et Peter J Carroll, ce qui m’avait agréablement étonné. BATHORY LEGION mentionne Hakim Bey dans une interview récente. C’était déjà là, mais on n’en parlait pas. Karlsson signait des articles dans CHAOS INTERNATIONAL, si je ne m’abuse. Et divers vieux groupes éso Metal tels que le TEMPLE OF THE VAMPIRE ont probablement usé et abusé de Chaos Magic, en prétendant s’appuyer sur une tradition ancestrale, comme la plupart le faisaient à l’époque… « All magic is chaos magic », comme dirait King Satan…
La résistance à ce style de magie se rencontre dans les groupes magiques français où on te répète à foison que c’est juste « la Golden Dawn pour les nuls » ou que les chaotes sont des mecs qui ne font que réinventer la roue tout en pillant les « anciens ». Ce qui n’est pas faux, cela dit, sauf que je conseille fortement aux débutants de commencer par des livres récents et de remonter ensuite à des plus anciens. D’autant que les ouvrages de Chaos Magic sont essentiellement là pour expliquer les mécanismes fondamentaux derrière la magie, dépouillés de tout le décorum et du dogme inévitables dans les vieux bouquins prisonniers de leur époque. Ceux qui critiquent la Chaos veulent y voir un énième système magique en oubliant qu’elle est l’héritière de la révolution psychédélique et qu’ici on est directement dans le changement de réalité à foison. Discordianisme, homme dé, magie de squats et anarchisme… D’ailleurs la Chaos Magic est paradoxalement la magie qui s’affiche le mieux comme contre-culture tout en étant la plus récupérable par le système via le développement personnel (et certains auteurs l’ont bien compris, n’est-ce pas ?), notamment grâce à cet aspect « magie rapide et efficace », sauf qu’au fil de la pratique, tu t’aperçois que ce n’est pas le cas et qu’il faut avoir un peu de bouteille derrière…
En clair, pour moi, la Chaos est bien plus qu’une énième voie magique, car elle influence également tout l’aspect exotérique de ma vie, mais là, cela devient difficile à mettre en mots, car je n’ai pas assez de recul, et que je n’ai aucune envie que « chaote » devienne une énième étiquette.
Melmothia : Ta résolution de ne pas t’enfermer dans un courant et tes affinités avec la Chaos Magic viennent-elles uniquement du désir de compiler des techniques efficaces ou également d’une fièvre de ne jamais rester longtemps les fesses sur la même chaise ? La création de V.I.T.R.I.O.L participe-t-elle de cette même faim de connaître et d’expérimenter ? Tu donnes toujours cette impression de courir en hurlant derrière des étoiles filantes ?
Alcide Vitriol : Limiter la Chaos à une liste de techniques efficaces est un préjugé typique des milieux magiques plus « tradis », même si avec la Chaos, on bosse tout de suite sur l’ennemi numéro 1 qui est le censeur psychique, et qui peut continuer à t’emmerder alors même que tu SAIS que ta magie fonctionne. De là, la difficulté à trouver quelque chose qui fonctionne plusieurs fois de suite… Être « né là-dedans » via sa famille aide beaucoup comme j’ai pu le constater chez certaines personnes (et comme évoqué dans le zine), mais ce n’est pas mon cas, je suis vraiment parti de zéro.
Pour ma difficulté à rester longtemps sur une chaise, je vois qu’on me connaît bien ici. Ce peut être une qualité autant qu’un défaut, comme le rappelle Orryelle dans le documentaire sur la Chaos Magic. Un changement de paradigme ne peut se comprendre vraiment que lorsque tu t’en es pris un en pleine tronche, que tu l’as SUBI, avant d’en ressortir, de comprendre les mécanismes sous-jacents et de pouvoir le reproduire. La fièvre peut évidemment venir tout simplement de l’échec à trouver une voie ou un courant qui t’intéresse assez pour t’engager, tellement tu te méfies des personnes et de l’égrégore, car au fond même l’IOT, pour continuer sur la Chaos, réside une énième structure pyramidale. Mais bon, j’ai mis près de dix ans à trouver ma voie dans les arts martiaux self-défense et rien ne garantit que je ne m’engagerai pas dans autre chose plus tard… La faim d’expérimenter peut te bouffer aussi, j’en sais quelque chose, jusqu’à t’aliéner ton entourage. Et oui à certains moments on a vraiment l’impression de passer son temps à courir après des étoiles en hurlant (rire jaune), mais certaines périodes de vide et de manque d’inspiration peuvent être utiles, « sleep on it » comme dit le proverbe… Parfois il faut juste arrêter de s’acharner et laisser pisser pour s’y remettre plus tard de manière plus sereine. Ma conception et pratique de la magie sont-elles sereines pour autant ? Absolument pas, même si j’y travaille, mais disons que lorsque tu commences à entrevoir les capacités inexplorées du cerveau pour ouvrir des portes, mener une vie « normale » devient de plus en plus compliqué, surtout quand tu dois évoluer dans une société de Moldus et que tu ne peux pas vivre la nuit pour dormir le jour, d’où une certaine fébrilité. Certains ont peur que ça explose, en ce qui me concerne, je trouve que ça n’explose pas encore assez.
Melmothia : En dehors de la Chaos Magic, quels courants et systèmes ont ta préférence ? Lesquels rejettes-tu et pourquoi ?
Alcide Vitriol : Je ne rejette absolument rien, j’ai même versé aux frontières du New Age (qui au passage est bien plus dangereux que le satanisme), alors merci bien ! Mes préférences vont vers la Chaos et son approche globale du monde, ainsi que vers tout ce qui touche à la Sorcellerie et à la bonne vieille Goétie, du moins aujourd’hui. C’est dur pour moi de répondre tant j’ai le nez (et pas que ça d’ailleurs) dedans en permanence, je ne fais même plus vraiment de différence entre LHP, RHP, les étiquettes, les coups et les douleurs.
Napharion : Tu as dit quelque part regretter le manque de contenus inspirés de l’ONA dans le BM, ne penses-tu pas qu’avec le nombre de personnes fragiles présentes dans la scène BM et le manque de recul de certains auditeurs, l’introduction de ce genre de contenus reviendrait à craquer une allumette à côté d’une bouteille de gaz ?
Alcide Vitriol : L’ONA a moult concepts fascinants et d’autres qui te font lever les yeux au ciel, si on sort de l’aspect fascisant et de son folklore, là on a vraiment quelque chose d’intéressant. Ce qui me gêne est que pas mal de concepts de l’ONA se disent rebelles, mais vont en fait totalement dans le sens du système : l’obsession de s’élever au-dessus des autres, la glorification de la prédation, etc. Il paraît que certains courants de l’ONA sont totalement sortis du délire racialiste. Ce n’est pas vraiment l’impression que j’ai quand je lis des publications récentes à ce sujet, mais il faudrait aussi que je sorte un peu le nez du milieu Metal. Mais il serait possible de faire vraiment quelque chose d’intéressant avec tout ça en se libérant des dogmes.
Pour ce qui est des gens « fragiles », c’est rigolo, comme me disait quelqu’un récemment le BM est essentiellement composé de gens fragiles et hyper sensibles qui jouent les gros durs parce qu’ils ont en ont marre de se faire appeler madame quand ils sont de dos… Ils peuvent aller jusqu’à confondre ce rôle avec leur vraie personnalité par un déferlement de violence et en prenant leur statut de cassos pour quelque chose de romantique, alors que c’est quasiment toujours la conséquence de soucis psychologiques inhérents à de vieux problèmes familiaux. Le Black Metal fut dès ces débuts politisé et facilement récupérable par les extrêmes puisqu’il est essentiellement basé sur la haine, la nostalgie et le fantasme… Certes, un petit nombre de personnes a certainement choisi de mener une forme de vie extrême liée à des pratiques magiques hardcore, mais ce n’est qu’une toute petite minorité qui a CHOISI de le faire, loin de ceux qui n’ont fait qu’obéir à leurs pulsions et réagir à leur environnement… Tu t’es battu contre tout le monde, tu as déclaré la guerre à la société et même au cosmos, mais as-tu déjà seulement essayé de te battre contre toi-même ?
Melmothia : Je vais rebondir sur cette question en prenant le contre-pied de Napharion : crois-tu qu’il puisse exister un courant ésotérique qui ne soit pas soluble dans la pochette qui-va-bien et le slogan infernal ? Pour le dire autrement : quel ingrédient faudrait-il ajouter, selon toi, pour qu’il se passe quelque chose de vraiment magique ou mystique dans la scène BM ?
Alcide Vitriol : Bah, de toute façon, tous les courants sont amenés à se détériorer avec le temps, tout comme les groupes. Tout devrait avoir une date de péremption, comme une bonne vieille TAZ. Et d’ailleurs, le problème ce n’est pas tant les courants eux-mêmes que les individus qui sont derrière – humains trop humains. Pour le BM il faudrait surtout que les gens acceptent le CHANGEMENT, de jeter un œil au-delà du look et des dogmes, mais il est difficile, voire impossible, de recréer la magie qui s’est manifestée en Scandinavie dans les années 90 et qui s’est terminée un peu façon Charles Manson comme d’habitude… On est dans la magie aéonique encore, et il y avait évidemment des forces derrière… Certains perpétuent l’héritage dans leur coin, mais dans une société du paraître, la tâche est ardue et ceux-là sont un peu trop obsédés par leur désir de faire du passé idéalisé un dogme, jusqu’à frôler le ridicule.
Ce qu’il faudrait, j’en ai eu un aperçu : des événements loin de tous les regards (ce qui est de plus en plus difficile), avec des gens triés sur le volet, qui mélangeraient concert et rituels magiques effectués par des participants sachant ce qu’ils font. Une TAZ Black Metal quoi, d’où toute consommation serait exclue. Je ne pense pas être le seul à avoir compris cela au vu de certains événements montés ci et là, mais encore une fois il est très difficile de ne pas se laisser rattraper par la matrice… « When you try to bring people a free spirituality, watch out for the police raid », comme disait l’autre.
Melmothia : Ce que tu dis me semble plutôt pertinent. Je voudrais juste revenir sur ce que tu appelles « des forces derrière ». Tu penses que les acteurs de la scène BM qui en sont venus au crime étaient « sous influence » ?
Alcide Vitriol : On peut se poser la question pour pas mal de figures historiques, que ce phénomène soit lié à l’intervention d’égrégores devenus autonomes ou de forces antédiluviennes. Quant à certains acteurs de la scène BM, je pensais plus à de bonnes grosses larves hein, ou à des démons appâtés par des trous dans l’aura. Il n’y a qu’à voir, en relisant des vieux zines des années 90, le traitement dark à outrance que certains faisaient subir à des divinités bien connues, au point d’en faire tout autre chose… Les gars avaient beaucoup moins de recul que maintenant, étaient plus sauvages et paradoxalement plus fragiles en raison du jeu de rôle qu’ils s’étaient approprié (et, je pense, de leur manque de connaissances global en matière de protections). Après évidemment qu’une petite minorité bossait sérieusement et avait ouvert des portes fort tangibles. Bon il faut aussi rappeler que le Black Metal a beaucoup à voir avec une contre-initiation, voire le Grand Œuvre à l’envers comme on peut le voir dans les bouquins du 218… Il y a de plus en plus de lumière en ce moment, un Black Metal de plus en plus lumineux, technique et raffiné. Mais regarde l’interview d’Erica Frevel dans mon zine et lis son petit bouquin : considère ce que ça implique si ça marche… Peu nombreux sont ceux qui voudraient la suivre là-dedans, étant donné que sa démarche implique, entre autres, de bafouer littéralement les lois des dieux et des hommes.
Melmothia : Je sais qu’on t’a déjà posé la question, mais je vais te la reposer parce que je sais que ça te fait plaisir : qui sont les lecteurs de V.I.T.R.I.O.L ?
Alcide Vitriol : Eh bien, pour avoir commencé à envoyer les paquets je peux dire qu’avec les réseaux qui s’étendent, on sort clairement du lectorat Metal stricto sensu, ce qui me fait plaisir, car j’ai l’intention d’élargir grandement le pedigree des interviewés, voire des collaborateurs du zine… Passe le Mot.
Napharion : Tu restes maître du jeu avec ta Babalon, mais l’équipe du zine pourrait-elle s’agrandir ?
Alcide Vitriol : Merci de me rappeler à quel point je faisais dans les clichés il y a tout juste trois ans, et donc que j’ai évolué un tantinet. Elle fait tout effectivement. On devait même ajouter l’un de ses projets musicaux au CD, mais cela ne s’est finalement pas réalisé. Pour ce qui est d’agrandir l’équipe, on y a fortement songé, quand on a tourné le clip dans des conditions, disons pas toujours faciles. On aurait préféré une équipe entière sur ce coup-là, merci bien.
Melmothia : le clip est très beau d’ailleurs et j’imagine que c’est ta copine qu’il faut féliciter. Mais pourquoi dans ce genre esthétique, les gens bougent toujours au ralenti devant un feu de camp ?
Alcide Vitriol : Hé oh, ces idées viennent quand même de visions que j’ai eues dans un lieu que je fréquente pour diverses choses ! Et puis le symbolisme du clip est assez évident pour qui maîtrise les bases je pense. Je voulais quelque chose de plus moderne et psychédélique au début, mais d’une part nous n’avions pas les moyens à deux et d’autre part, cela aurait trop juré avec le contenu du zine et l’apport sonore du CD, mais étant donné la direction prise pour la prochaine publication : rien n’est vrai, tout est possible. Après il est vrai que le zine s’inscrit aussi dans certains clichés de l’époque, ne serait-ce que par les artistes choisis pour l’artwork, dont un dont je ne dirais jamais assez combien il m’a déçu. C’est tout le problème maintenant : un artiste surdoué devient très vite une énième marque dans le Metal et encore plus vite obsolète quand il commence à bosser avec tout le monde. J’ai plusieurs exemples bien connus en tête, rien que pour la France, mais je vais éviter de balancer des noms, car le pire c’est que la démarche est sincère… Bon ça pourrait être pire, j’aurais pu utiliser un drone, qui doit être le truc le plus à la mode en ce moment pour les clips.
Melmothia : Comment penses-tu que les relations entre ésotérisme et musique, particulièrement la scène Metal, vont évoluer dans les années à venir ? Tu as une idée de ce qui s’annonce ?
Alcide Vitriol : Bah, vu l’état de la scène Metal en ce moment, du moins en ce qui concerne le live… Il faut retourner dans les grottes les gens ! La scène ne s’en portera que mieux ! Je n’en sais rien, on est en pleine mode Insta Witch, si on se réfère aux éons cycliques façon Peter J Carroll, on devrait enfin bénéficier d’un creux de la vague, mais je n’en suis pas sûr, car les temps vont devenir de plus en plus incertains, l’Europe va évidemment retomber dans ses vieux démons et la magie sera de plus en plus happée par la politique ou être victimes de nouvelles chasses aux sorcières. Enfin pour l’instant ce sont surtout d’auto proclamées sorcières qui font la chasse aux sorcières si tu vois ce que je veux dire (clin d’œil). Je vis dans ma cambrousse un peu isolé de tout ça, je n’ai pas spécialement souffert de l’année COVID, bien au contraire, pour des raisons que je n’évoquerai pas.
Honnêtement le sort de la magie m’intéresse bien plus que le sort du Metal. Je trouve toute cette incertitude assez excitante, mais je dois bien être le seul… Même le plus crétin des crétins doit savoir qu’on est à la fin de quelque chose et doit se retrouver à parler de sa recherche Google « Kali Yuga » pendant l’apéro. Parfois l’effondrement doit être encouragé, même si ça fait du mal à tout le monde au passage. Après tout dans certains courants LHP modernes, il est dit qu’on fabrique le surhomme du futur, un peu comme dans les prophéties de Robert Anton Wilson. Hé bien allons-y, et au pire ce sera pour la prochaine incarnation dans le passé, s’il n’y a plus de vie possible pour établir un futur.
Melmothia : Merci beaucoup, Alcide, de nous avoir accordé de ton temps. On se revoit pour la sortie des zines en version française ?
Alcide Vitriol : C’est cela même : God Bless, Satan Caress, Chaos is the Law, Hail Eris, Merci Bien…
Retour à la première partie.
Vitriol Zine : https://vitriolzine.bandcamp.com/merch
La consolation des ombres : https://youtu.be/9kXdq1GISfc
Angleterre/England: TODESTRIEB RECORDS
Pologne/Poland: OLD TEMPLE RECORDS
Grèce/Greece: FRYKTOS BURNINGS
Australie/Australia: HARUM SCARUM PRODUCTIONS
Allemagne/Germany: MAGUS FAUSTOOS CROWLEY
Finlande/Finland: THE SINISTER FLAME
Pays Bas/Netherlands: NEW ERA PRODUCTIONS