Introduction aux runes et leur utilisation en charmes et talismanie Asatrù
Par Ish’em
Les runes et leurs séquences nommées FUTHARK sont les constituantes d’un langage primitif indo-européen dont les origines se perdent dans la nuit des temps. On considère généralement qu’elles dérivent de l’alphabet étrusque, cependant d’autres sources non confirmées, ou plutôt non validées, laissent supposer qu’elles seraient plus anciennes. On trouve des inscriptions à caractère runique primitif antérieures aux Étrusques, certaines datées de l’âge de bronze et d’autres plus anciennes encore.
Oralement et phonétiquement on suppose qu’elles sont les sources primitives de langues européennes aussi diverses que l’allemand, l’anglais, le norrois, etc. Par exemple, la rune Is, ou Isa, qui signifie « glace » a donné le mot « ice » en anglais. Nyd qui signifie « besoin » a donné l’anglais « need », Fehur, « feu sauvage » a donné « feuer », « fire »…
Les runes forment un alphabet conceptuel, elles comportent 5 aspects, soit : un nom qui peut varier, une graphie, un sens symbolique, un phonème et un nombre. En cela, elles sont similaires aux alphabets grec ancien et hébraïque.
Runa, raun pourrait avoir signifié « intention », « murmure », « mystère » ou « secret ».
On pensait qu’elles conféraient des pouvoirs aux armes sur lesquelles elles étaient gravées ; qu’elles apportaient protection et bonheur dans le foyer, lorsqu’inscrites sur les poutres des demeures ; qu’elles constituaient des sortilèges ou des leçons sur la façon d’interpréter le lore et les mythes sous un angle spirituel lorsqu’elles étaient dissimulées dans des poèmes ; ou encore servaient à rendre un hommage à tel ou tel honorable défunt, lorsqu’elles étaient inscrites sur des stèles. Leurs utilisations étaient diverses et variées.
Du fait de leurs attributs « archétypaux », ces caractères parlent directement à l’inconscient sous forme de concepts aussi variés que les éléments de la nature, le mouvement cyclique des saisons, l’ordre et le désordre, ou encore les savoirs intuitifs accumulés dans la mémoire collective au fil des temps.
Un futhark n’est pas un alphabet à proprement parler, c’est une séquence : chaque rune est à sa place pour des raisons d’analogies symboliques et phonétiques. Elles n’en changent pas, exception faite d’Odal et Dagaz dont la position peut s’inverser.
L’adepte de la magie runique s’appelait un vitki, ce qui a plus ou moins le sens de « magicien » ou « sorcier ». Ce n’est ni un prêtre (gothart) ni un juge au sein de l’Althing, mais autre chose… Mon opinion est que les vitkars étaient les chaotes des temps ancestraux.
Nombre de vitkars travaillent avec la séquence à 24 caractères du futhark ancien. Il s’agit de la plus documentée et donc la plus accessible, mais aussi la plus logique du fait, par exemple, qu’une journée est divisée en 24 heures…. elles-mêmes divisibles en 3 parties de huit heures, divisibles en 2 parties de 4 heures. Ce caractère binaire est très pratique et divise donc une journée runique en 6 parties de 4 heures…. On pourrait trouver encore d’autres divisions, mais celle-ci correspond à la course du soleil.
Significations et phonétique :
Je ne décrirai pas chaque rune en détail, mais me contenterai de livrer quelques clefs pour leur compréhension, l’intuition comptant beaucoup pour celui qui travaille avec les futharks. Je donnerai donc le phonème anglais, puis germano-scandinave, les principaux symboles liés à la rune, leur phonétique et, dans un premier temps, leur valeur numérique.
Je ne suis ni traditionaliste ni nordisant. Je ne considère pas qu’il faille connaître par cœur le lore viking pour utiliser la magie des runes, même si lire les sagas ou les Eddas reste enrichissant, l’essentiel réside selon moi dans la pratique. Je reviendrai sur ce point. Dans le même ordre d’idée, j’ai tendance à travailler à partir de l’anglais, langue plus facile à appréhender.
Numérologie runique
le système le plus simple assigne comme nombre à la rune sa place dans la séquence. Exemple : Elhaz 15, Wynja 9 Feho 1, etc. J’ai opté pour une version personnelle du travail de Nigel Pennyck (Runes et magie, 1995) qui propose un système permettant de noter les nombres jusqu’à 300, ce qui génère des runes scriptiques, liées ou analytiques des noms des divinités du panthéon Asatrù, sous un autre angle que la mythologie. Les analogies qui en découlent colorent en effet différemment la symbolique mythologique :
1 Unité
2 Énergie spirituelle
3 Piège énergétique, triangle
4 Âme de la création, Odin/Alfaord
5 Microcosme
6 Macrocosme, intelligence holistique
7 Chance
8 Balance, polarité
9 Les neuf mondes issus de l’explosion de Ginnungagap, substance de l’univers, centre des huit vents
10 Potentialité
11 Inertie
12 L’année, les saisons
13 Destruction/création, malchance, ragnarok
14 Involution
15 Le wyrd, l’inéluctable, la destinée
16 Pouvoir divin
17 Immortalité/sagesse
18 Asgard, plan supérieur, renouveau
19 Transmission, symbolisme, résolution
20 Puissance mentale
21 Flux énergétique
22 Communication avec des entités, expansion de la conscience
23 Accès à ce qui n’est pas conscient, influence sur le destin
24 Le temps.
J’utilise ce système à la façon dont les kabbalistes emploient la guématrie.
Prenons par exemple le nom Woden qui se compose de 9 + 23 + 24 + 19 + 10 = 85 = 8 + 5 = 13. On constate que l’on retombe immédiatement sur la symbolique de Woden/Alfaord qui est le créateur/destructeur originel. Avec l’aide de ses frères Vili et Vé, Woden démembre le géant Mimir, qui vit dans l’abîme ginnungagap. Puis tous trois créent le monde avec les différentes parties de son corps. À noter que cette triade, Odin/Vili/Vé, signifie : dieu/volonté/pouvoir.
Si l’on additionne à présent 1 + 3, on obtient 4, qui correspond à la première rune-dieu, celle de l’énergie des Aesirs dont Woden est le chef.
Ce système fonctionne, il est extrêmement puissant pour comprendre les divinités Asatrù autrement que par l’étude du lore, qui tend à induire en erreur en raison de l’abondance des kenningar, souvent obscurs. Un kenning (pluriel : kenningar) est une périphrase à valeur métaphorique. Ce type de figure de style abonde dans la poésie nordique. On trouvera par exemple le soleil appelé « l’éclat des alfes ».
Prenons un autre exemple : Heimdall, divinité gardienne de l’ordre cosmique, surnommé Le Veilleur des Ases, car il surveille Bifrost, le pont des âmes qui part du monde du milieu pour aller au monde supérieur : 9 + 19 + 11 + 20 + 23 + 4 + 22 + 22 = 130. Si l’on réduit le 130 en 13, on obtient le nombre du ragnarok, ce qui, une fois de plus, confirme la cohérence du système puisqu’Heimdall annonce le ragnarok aux autres divinités du panthéon Asatrù.
1 + 3 = 4 : on tombe sur As, la rune qui symbolise l’énergie des Aesirs, dont Heimdall fait partie. Heimdall est donc bien une divinité Aesir, gardienne de l’équilibre entre Création/Destruction.
Pendant le ragnarok intérieur, les énergies d’Heimdall et de Loki vont s’annuler.
Loki est le fils d’une géante nommée Laufey (que l’on pourrait, par analogie phonétique rapprocher de l’anglais « love », amour. Car, d’une certaine manière, la malice et la colère dont Loki fait preuve sont provoquées par l’amour. Sans l’amour il n’y a pas de rage) et d’une autre divinité de nature inconnue, dont on ignore si elle est de type gnomique (chtonienne), vanne (fertilité/nature), ase (sédentarité/monde féodal) ou tout simplement un autre thurse (géant, archétype de type chaotique). Il est souvent appréhendé comme un genre de Satan, de diable, mais c’est une mauvaise interprétation. Son rôle est d’inciter la famille des Ases à se dépasser en les confrontant à leur narcissisme. Malicieux, il n’a de cesse de calomnier les Ases de les mettre en défaut pour les placer en face de leurs responsabilités, avec la verve d’un Lautréamont…Son nom commence par Lag, la rune des flux spirituels. 21 + 23 + 6 + 11 = 61 > 6 + 1 = 7, c’est-à-dire « chance » et « don de soi ». Comme on peut le constater dans les Eddas ou dans l’ouvrage de Georges Dumézil consacré à Loki, il est « chanceux » dans son malheur. Il trouve toujours une voie pour se tirer lui-même ou ses compagnons de mauvaises situations.Par ailleurs il apporte souvent son aide à la famille des aesirs, bien qui ne l’aime pas. Loki n’est donc pas l’archétype malfaisant que l’on croit. Il est plus proche d’une sorte de Djinn ou d’un génie persan.
Nous n’allons pas faire le tour de toutes les entités du panthéon Asatrù, mais je trouve cette façon de fonctionner pertinente.
Il existe un autre système développé par les armanistes du siècle précédent. La séquence armaniste de Guido Von list est basée sur la rune Hagal dont le nombre est 9. Le premier aettir va de 1 à 9, puis à partir de Hagal, chaque position suivante dans la séquence est une somme de 9. N’appréciant pas les idées wolkish et racistes de ces auteurs qui ont fortement inspiré le nazisme, je n’ai pas exploré ce système plus avant.
Le principe est de lier des runes, par phonétisme ou par analogie symbolique dans les vers d’un court poème. On crée d’abord la séquence que l’on veut combiner, puis on la réduit dans un bref texte qui formera un puissant mantra, qu’il est également possible de transformer en un sceau si l’on est un acharné ! Mais il faut toujours commencer d’une manière simple, trois runes liées suffisent pour créer un charme efficace. Je déconseille fortement la magie infamante qui se retourne toujours contre celui qui l’a émise, même si c’était pour se défendre. J’en ai fait la douloureuse expérience.
Il y a 4 étapes à respecter :
1 Étude de la séquence et des vertus/pouvoirs/connaissances que l’on souhaite obtenir.
2 Rédaction d’un vers simple ou les runes seront cachées phonétiquement ou par analogie symbolique.
3 Réduction du vers en un mantra sigillaire.
4 Projection, gravure et oubli.
Imaginons que l’on veuille obtenir l’illumination, la conscience d’un Aesir et la connaissance des charmes foudroyants. Pour cela, on va utiliser Kenaz, Ansuz et Thorn. On réduit cette courte séquence dans un vers, ce qui pourrait donner (toujours en anglais pour ma part) :
Light of the soul is like the fire a burning tree because of Miolnirs’s Thunder.
l’illumination Kenaz (Light, Fire)
L’illumination est comme un éclairage différent sur le réel et elle brûle pour toujours une fois qu’on l’a obtenue. Par ailleurs kenaz symbolise aussi le feu de l’âme.
La conscience d’un Aesir, Ansuz (tree, soul)
Woden est l’ase qui est resté pendu 9 jours à un if pour obtenir l’illumination et le savoir chamanique du seidhr.
Les charmes foudroyants Thorn : (Miolnir’s thunder)
Miolnir est le marteau d’aka-Thor. Il le balance sans arrêt à la tête des géants et les foudroie. La foudre met le feu aux arbres et c’est par ce biais que l’homme préhistorique à obtenu le feu pour la première fois. Par ailleurs, dans ma compréhension, Thorn est la rune des jeteurs de sortilèges, elle peut aussi bien être utilisée en défense qu’en attaque, provoque des changements imprévus et apporte simultanément le savoir des géants et la force protectrice d’aka-Thor.
Ce processus de « sigilisation poétique » peut être mis en œuvre en quelques secondes et demeure efficace longtemps, car les runes étant dissimulées dans le charme, elles sont facilement oubliées.
Maintenant, comme je suis un acharné, biffons le galdr :
Light of the soul is like the fire of a burning tree because of Miolnnir’s Thunder.
LGHTFSKRBNM IOUEA
le mantra sigilaire pourrait être : lugh omt is drenk af.
On s’aperçoit alors que le nom de Lugh apparaît, ainsi que ken et Az et le puissant OM des Indiens.
Ce mantra à une longueur de 15 lettres, il est donc par essence relié à Elhaz, à la protection de la destinée, du wyrd du vitki.
Mais il faut voir plus loin et ce sera la dernière étape : on retransforme le mantra en caractère runique et on calcule sa valeur numérique pour faire apparaître le symbolisme final :
Lag Urzz Gyf HagOd Man Tyr Is Sig Dag Rad Eh Nyd Ken Az Feho
On a le feu naturel, qu’il faut domestiquer pour faire la torche de Kenaz, la rune des Aesirs dont on voulait obtenir la conscience. Il est par ailleurs intéressant de voir apparaître Hagal, ce qui indique qu’on obtient un pouvoir sur la grêle, qui, tout comme la foudre descend du ciel et détruit les scories du sol en le régénérant et le nourrissant, lorsqu’elle fond.
La foudre purifie par le feu de (feho), elle vient d’un Ase (Ansuz, c’est ce qu’on cherchait aussi au début) et détruit par la puissance de la nature. (Hag).
Enfin Gyfu émerge au milieu. C’est la rune de la confiance entre associés, partenaires, et du don de soi. C’est un aspect important de l’ésotérisme skaldique, on ne fait pas les choses pour soi-même, mais pour les autres.
Ce qui nous conduit au terme obtenu : FeGyHA, qui se rapproche de Fylgya.
La Filgya est pour le vitki, son double permanent, le messager de son âme. Elle se manifeste rarement, mais on la reconnaît facilement. Elle apparaît sous la forme d’un animal qui suit le vitki et semble vouloir délivrer un message. Il faut l’écouter, ses apparitions incarnées se produisent souvent à la fin d’une étape ou lors de moment difficiles. La filgya est un élément important de l’ésotérisme Asatrù, il faut la nourrir en permanence et surtout ne pas la blesser, car c’est le double de l’âme du magicien qui le raisonne et lui parle au sein de la conscience. Occasionnellement elle peut apparaître sous une forme humaine — un inconnu qui semble savoir beaucoup de choses sur le vitki. Lorsque l’on commence un travail avec les runes, il est important de l’invoquer et la nommer, car c’est elle qui va guider l’adepte sur la voie des huit vents. C’est un équivalent de l’animal totem des medecine-men amérindiens. La mienne apparaît la nuit sous la forme d’un félin me suivant et feulant avec insistance, je l’ai rencontrée seulement 6 fois en 20 ans de pratique, mais le dialogue avec elle est permanent.
1 + 7 + 9 = 17 : Teiwaz, au final on tombe sur une rune de sagesse et de justice spirituelle, qui semble être le fruit de l’illumination.
On voit que les runes liées se sont transformées et que le charme a débouché sur un symbole d’illumination ésotérique et de sagesse.
Utilisation du charme :
Vous pouvez répéter le mantra lugh omt is drenk af en boucle durant toute une nuit pour l’activer, en le déformant, en inversant les lettres, ou en prononçant les syllabes runiques, afin qu’il pénètre l’inconscient.
Le lendemain, prenez une courte baguette de bois et gravez les runes du mantra dessus et plantez-la dans la nature. Les résultats pourraient vous surprendre.
Ou plus classique : transformez votre mantra en sceau et projetez-le selon la méthode chaote habituelle. Celui-ci agira de la même façon, parce qu’un talisman skaldique ou un sigil fonctionnent de la même manière, par réduction d’analogies symboliques, puis projection et oubli.
Personnellement je trouve qu’il est plus facile d’oublier un talisman runique que l’intention contenue dans un sigil, parce que les futharks sont déjà eux-mêmes un langage qui parle à l’inconscient.
Les runes sont surnaturelles, archétypales. Leur science a été oubliée et elle mériterait d’être dépoussiérée et modernisée. Hélas, les traditionalistes de l’Asatru restent accrochés au passé. Ils cherchent des réponses uniquement dans les vieux manuscrits obscurs. Et ceux qui possèdent des connaissances sérieuses les gardent pour eux ou les font payer à prix d’or.
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Quelques autres galdrar que j’ai créés :
There is a ring to forget if u want to move. (Rad, Jara, Ehwaz)
Health comes with trust. (Beorc, Gyfu,Ing)
If u want to swim into ether first you do have to fall. (Laguz, Hagal, Elhaz)
Emptyness is true awareness (Hagal, Teiwaz, Manaz)
Technique :
En premier lieu, il est important de s’entraîner à prononcer le nom des runes dans l’ordre, d’abord mentalement, puis à voix haute, en progressant séquence par séquence. Une fois le futhark maîtrisé, on peut commencer à les mélanger, les comparer, chercher celles qui se ressemblent, qui s’opposent ou se complètent par leurs significations, leur phonétique, les analogies, etc.
Cette manière d’enchaîner les séquences, de « traquer » comme dirait Carlos Castaneda, va permettre d’élaborer un flux sous conscient permanent qui sera utilisé pour manipuler l’intention et les états de transes lorsque l’on projette un galdr. Les runes sont de l’intentionnalité pure et dure, une pratique mentale fortement liée au chaos ou à la création, à l’abîme et aux archétypes de l’inconscient.
Une fois intégrées, on peut commencer à la projeter et c’est là que les choses deviennent intéressantes. Avec de la persévérance, on parvient à ralentir par exemple la perception du temps en décomposant les mots que l’on entend en caractères runiques, ce flux mental s’interposant avec la perception du réel. Il devient ainsi possible d’intervenir sur la réalité en intercalant des runes dans le discours conscientisé.
Avec le temps, la gestuelle, la visualisation, la « mantralisation », le travail temporel, etc. deviennent un jeu d’enfant et l’on sait très vite quelle rune prier pour débloquer une situation désagréable.
Je prononce rarement les noms des runes à voix haute. Tout doit rester intériorisé et innommé. Dire ce que l’on fait c’est gâcher le travail accompli.
Parvenir à dialoguer ainsi avec les runes peut prendre du temps et il vaut mieux procéder étape par étape, car la tâche peut-être psychologiquement perturbante, surtout dans la phase pré-ragnarok (cette phase correspond au travail préparatoire sur les runes, débouchant sur la destruction du mental par le Wyrd — Ingwaz, « destin, karma » —, le chaos intérieur permettant une renaissance — Dagaz —).
Cette approche est « pur chaos », elle consiste en une manipulation de la conscience, c’est une manière de tricher avec les apparences et la réalité.
Comme dans toute pratique ésotérique il est crucial de tenir un journal des expériences accumulées au fil du temps. Un journal permet de revenir sur telle phase où l’on a appris quelque chose d’important et d’analyser les échecs.
Manipuler les runes devient rapidement un jeu et une passion. Il est assez aisé d’entrer dans cet univers symbolique, d’y prendre du plaisir et de progresser, et l’on finit par comprendre que ces peuples, vikings, vandales, goths, etc., loin d’être des brutes, étaient dotés d’une conscience aiguë du caractère holistique de la réalité.
Enfin, une bonne manière d’appréhender une rune est de décomposer le ou les noms qu’elle porte et d’analyser sa graphie. Kenaz est la flamme d’une torche, Isa une stalagtite, Peorth un cartouche, Odal une tête ou un enclos, Beorc deux montagnes de tailles équivalentes, Teiwaz une lance tirée, etc.
Exemple de décomposition d’une Rune : Manaz :
Les caractères qui forment le nom « manaz » se décomposent en : M, manaz ; deux A, ansuz ; N, nydh et Z, algiz/elhaz. Elle comporte donc des éléments liés à la conscience, au lien avec le divin, au besoin de s’en rapprocher et à la protection qui découle de l’union avec l’aspect holistique du réel.
En outre il faut analyser sa graphie, Manaz peut être vue comme deux Winja les pointes tournées vers l’intérieur, ou bien 2 kenaz symétriques en haut des barres de izaz.
Une fois les bases acquises, ce travail de décomposition est capital pour avancer dans la compréhension des séquences, des antagonismes et des polarités entre phonèmes runiques.
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Les runes ont servi dans l’art du combat, magique ou physique (Runa Glyma), ainsi qu’à l’illumination de nombreux sorciers médiévaux. Elles conféraient le pouvoir de se transformer en animal et de voler, d’avoir la force des ours, la ruse des loups, la puissance des sangliers, l’art martial était basé sur les runes, qui étaient omniprésentes dans la vie des germains et des nordiques pré-catholiques là où l’Empire romain n’a jamais pu s’établir longtemps. Elles étaient aussi utilisées en divination, dans les joutes oratoires, pour la protection du foyer ou incluses dans l’architecture (Cf par exemple les traverses d’Alsace, de Champagne et d’Ardennes).
Il faut cependant se souvenir que Snorri Sturlusson a compilé les Eddas au 13e siècle alors que la culture viking était en train de s’éteindre. Les vikings sont l’apogée de cette culture née dans la nuit des temps, au cœur de l’Europe, ils ont régné sur l’Europe du 8e au 12e siècle puis ont disparu, leur culture ayant été absorbée, combattue et digérée par le christianisme féodal.
Je ne suis ni Asatrù ni Nordisant. Il est difficile d’épouser une culture éteinte il y a 9 siècles. Par contre 20 ans de pratique m’ont convaincu qu’il était possible d’utiliser les futharks pour l’éveil spirituel, dans un panel de pratiques ésotériques chaotes destinées à la transformation et l’illumination personnelle au même titre que le système énochien, l’hermétisme, le Tao Tô King et le Yi king, la pratique du Sijil, la méditation sotto-rinzai-zazen, les passionants systèmes nagualistes précolombiens, la roue de médecine amérindienne, le shivaisme, le Jaînisme, le Vaudou, le temps du rêve aborigène… Tout est bon à prendre du moment que l’on obtient un résultat.
Au-delà des Eddas, des sagas et de la nature elle-même, les nombreuses sources désormais disponibles, notamment le grand nombre d’ouvrages parus depuis le siècle dernier et tout ce qui est publié sur internet, dépoussièrent le lore et rendent aux runes leur noblesse. Il n’y a plus vraiment de « secret » comme en 1999, lorsque j’ai découvert le Seirdh via un ouvrage d’Yves Kodratoff nommé sobrement Les Runes. Tout est disponible sur le web, dans les librairies spécialisées ou bien tout simplement sur les plateformes de vente en ligne type Rakuten, Amazon ou AliBaBa.
Le terme RUNFALAICH, cité par l’auteur anglais Nigel Pennyck, dans la conclusion de son Runes et Magie est cher à mon cœur. Runfalaich désigne la communauté spirituelle de ceux qui emploient les runes dans leur vie quotidienne. Ce mot ne fait pas allusion à la religion Asatrù, mais bien aux Vitkars et seulement aux Vitkars. Les runes et le Seirdh viennent naturellement à ceux qui sont destinés à devenir des chamans païens. Ce chemin comporte bien entendu des obstacles, des doutes, des épreuves, mais la joie et l’enrichissement spirituel qu’il apporte combleront de bonheur celui qui se destine au Runfalaich.
PREMIER AETT
Feho|Fehur : feu primordial, sauvage. Se prononce « F. »
Ur|Uruz : force, Ur tire sa force de la terre et des grands Aurochs qui la parcouraient avant de disparaître. Se prononce « ou/oo »
Thorn/Thurizaz : protection, éclair, puissance du mental. Dans la tradition Asatrù cette rune est fortement liée à aka-Thor ainsi qu’aux géants du givre (Thurses). Elle se prononce « Th » (f, v)
Az|Ansuz : Rune du divin. Étymologiquement cette rune est liée aux aesirs, les dieux d’Asgard. Ansuz représente le divin sous son aspect régulateur, équilibrant et source de sagesse. Se prononce « aa » (un a long).
Rad|Reidho : Rad est la roue du véhicule et la route, une rune importante pour le voyage astral. Elle signifie la chevauchée, telle Wottan sur son cheval à huit pattes Sleipnir, le voyageur sorti de son corps physique et guidé par Rad ne peut se perdre. Se prononce « r »
Kaun|Kenaz : flamme, lumière illuminante, connaissance. Kenaz est liée au pouvoir transformant de la lumière, elle a la forme de la flamme de la torche qui guide le chercheur en quête de savoir magique dans la ténèbre de l’occultisme. C’est la rune qui guide le vitki dans la mort et le ramène à la vie. Se prononce « k, c »
Gyfu|Gebo : don de soi, confiance en l’autre. Gyfu est liée aux rapports entre les êtres humains. On pourrait dire que c’est une rune communautaire, celle de l’entraide positive dans un but commun. Se prononce « g ».
Wynja|Wunjo : joie, volonté, persévérance. La volonté et la réussite qui en découle procurent une joie sereine. C’est un point d’équilibre lié à l’accomplissement personnel. Se prononce comme un « w » à l’anglaise.
Voilà pour l’aett de Frey. Il est lié à l’illumination et au savoir intérieur. Et donc à la sagesse.
DEUXIEME AETT
Hag|Hagalaz : Grêle. Rune mère, hagalaz est la rune du pouvoir transformant. La grêle tombe du ciel, change la surface et s’écoule dans la terre. C’est un lien entre le monde du dessus, la terre du milieu où nous vivons et les mondes souterrains. Dans la tradition Asatrù elle est liée à Urd, la Norne des temps anciens. En divination c’est une rune importante qui indique une situation de blocage, elle signifie ainsi le besoin d’un changement radical pour avancer et elle est fortement liée aux forces de l’inconscient. Se prononce « h ».
Nyd|Not : besoin, nécessité, absence. Nyd est liée aux forces du chaos et doit être utilisée avec parcimonie. Invoquer Nyd c’est à la fois appeler le chaos et lutter contre, pour s’en libérer. Se prononce « n ».
Is|Isaz : Glace. Elle est l’opposée polaire de Ken. En magie Is permet de figer une situation, mais polarisée par Kenaz elle donne aussi la fluidité de l’eau qui permet le changement. Se prononce « i ».
Les trois runes précédentes sont les runes de la magie liante et infamante.
Jara/Jeran : cycle, saison. Jara est la rune du renouveau permanent. Quelque chose se termine, à été accompli et autre chose commence. Elle a plusieurs graphies, dont deux qu’il est important de connaître. Deux Kenaz imbriquées sans se toucher dans le sens des aiguilles d’une montre accélèrent un processus ; dans le sens inverse, ce symbole tend à provoquer un ralentissement. Personnellement, je m’en sers pour initier ou mettre un terme aux techniques de gnose lors de l’activation d’un sigil, en la visualisant qui tourne sur un axe. Le son est « y ».
Eoh/Eihwaz : c’est une rune importante. Eoh est associée à l’if. Yggdrasil, l’arbre monde est un if, Woden s’y est pendu pour acquérir la science des futharks. C’est la rune du culte des morts et des renaissances intérieures. On l’utilise pour se lancer dans les voyages extatiques. Elle gouverne par ailleurs les cinq éléments de la tradition européenne ancienne, et est associée à Skadi ou Woden selon la saison. Sa phonétique est « eo ».
Peorth/Pertho : Peorth est liée au hasard et au jeu. Elle correspond aux règles, au bon sens et aux résultats qui découlent de l’application de la logique. La magie n’est-elle pas, selon certains, une manipulation du hasard ? Ensuite elle va désigner ce qui entre en existence, ce qui prend corps dans la matrice. Une utilisation possible de peorth est l’analyse du Wyrd, le destin, l’inéluctable et elle peut servir à se remémorer des expériences passées et à en tirer des enseignements. La phonétique est « p »
Elhaz/Algiz : C’est une rune de protection. Sa forme est celle d’un homme qui prie Hemdall (le gardien d’Asgard et de Bifrost, le pont qui relie le monde d’en haut au monde du milieu, Midgard), les bras levés vers le ciel. Lorsque j’ai un mauvais feeling, que je ressens de mauvaises ondes je trace cette rune du regard en la prononçant mentalement et cela s’éloigne. Les germains la gravaient sur les poutres des maisons pour les protéger contre le vol et c’est un motif classique de l’architecture médiévale. Le son est « zz ».
Sigel/Sowello : c’est une rune de victoire, celle du soleil. Elle a une sombre histoire contemporaine puisque c’est celle qui fut choisie pour les SS, les unités d’élite du régime nazi. Elle était gravée sur leur couteau de mort qui ne leur était remis qu’à la fin de leur funeste formation. En réalité, elle représente les forces bénéfiques du soleil. Elle dissout les ténèbres et engendre la vie par sa chaleur et ses radiations, d’où son assignation à la notion de victoire. Elle peut être utilisée dans les techniques de guérison ondaniste en canalisant le magnétisme du soleil. La visualiser iridescente est un bon exercice de canalisation de l’önd, qu’on capture dans Ingwaz pour le réutiliser plus tard. L’önd est l’équivalent européen du prana, du ki, du mana. Le son est « s ».
Voilà pour l’aett de Heimdal qui est lié symboliquement aux éléments et aux processus naturels.
TROISIEME AETT
Tyr/Teiwaz : C’est la deuxième rune-dieu. Elle est liée à Tyr/Ziu et au sens de la justice. La justice des Aesirs, non celle des hommes. C’est une rune qui amène la réussite du juste, qui se sacrifie pour une cause. Elle est reliée directement à cette notion de sacrifice pour le bien de tous, par le mythe de Tyr se faisant arracher la main par le loup Fenris lorsque les Aesirs l’enchaînent. On trouve donc une notion de courage et d’acceptation de la fatalité dans cette rune. Fais ce que tu dois et fais-le avec le sourire. Elle peut être mantralisée dans les épreuves difficiles de la vie, pour conjurer le mauvais œil et retourner sur le bon chemin. Mais chaque fois qu’elle est utilisée dans un charme, elle demande une contrepartie. Pas forcément un sacrifice, mais peut être arrêter d’agir en dilettante et faire les choses correctement. Le son est « t ».
Beorc/Berkannaz : Encore une rune de cycle permanent, mais associée au processus de guérison. Il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas, elles se voient cependant. Elle a un côté salvateur en ce qu’elle permet d’accepter l’idée qu’on est petit face aux montagnes et aux forces de la nature. En magie extatique de type Seidrh elle est utilisée pour le bannissement et la fermeture des rituels, pour éloigner les résidus. Le son est « b ».
Eh/Ehwaz : rune de mouvement. C’est la rune des chevaux, du déplacement. Elle servira à activer les galdr et à les projeter. Alors que Beorc ferme un rituel extatique, Ehwaz le lance. C’est la rune des charmes liés. On l’utilise quand tout est prêt et que la séquence à projeter a été assemblée et réduite à sa forme la plus simple.
Voilà un exemple de charme qui utilise ehwaz pour détourner quelqu’un de son chemin : he was a king travelling through ice and he falled in a deep hole. Nous y trouvons ehwaz rad isa nyd et hagal. C’est un charme noir qui utilise ehwaz pour lier rad (mouvement astral) isa (blocage du mouvement) nyd (attire la fatalité et donc le malaise) et hag (fait tomber le chaos, sens de chute). Le son est un « e » expiré, « eh ».
Man/Mannaz : rune de la conscience humaine. Somme de l’ensemble des qualités de l’homme acquises par l’expérience. Elle pourrait avoir un sens de retour à soi. Je l’utilise pour me recentrer après avoir pratiqué une gnose. Elle est liée au microcosme et possède des analogies avec le retour aux sources, à la régénération. Une analyse de sa forme montrerait deux Isa et Kenaz s’annulant l’une l’autre ou deux Wynja reliées par la pointe. Deux Wynja reliées correspondent à une accumulation de volonté et de joie, ainsi mannaz est une rune de cohésion. Le son est « m ».
Lag/Laguz : rune de l’eau, rune des forces liquides de la nature, le courant des rivières, la puissance des marées, la vague et le ressac. Elle est donc liée à l’énergie et aux fluctuations de l’önd. Elle peut servir à dissoudre des blocages psychiques ou bien à rendre plus fluide la circulation de l’önd dans le corps. La phonétique est « l ».
Ing/ingwaz : Troisième rune-dieu après Ansuz et Teiwaz. Rune de concentration et de rassemblement des idées. Elle peut servir à canaliser les énergies et les idées, les analogies pour les réutiliser plus tard dans un travail ésotérique. Elle facilite la réflexion et l’élaboration des rituels, des charmes ou des talismans. Ingwaz à donné toutes les terminaisons en Ing de la langue anglaise et possède donc un sens de processus se déroulant et à venir e. e is going to, is making, is happening, etc. Le son est « ng ».
Odal/Othallan : c’est une rune fortement liée au savoir intuitif, à la logique et à la maîtrise des choses. Je l’associe à l’innerself, au savoir intérieur. Travailler avec Odal m’a permis de développer mon intuition. Elle a des analogies avec la notion de libération. Mais la liberté ce n’est pas faire n’importe quoi, c’est aussi respecter les autres et leur espace vital. Ce qui nous amène au respect des règles de la vie familiale et sociétale. En magie, comme Ing elle servira à réfléchir à l’élaboration des rituels, mais là ou Ing canalise pour réutiliser plus tard, les effets d’Odal sont immédiats et se concentrent sur un espace personnel et terrestre.
Dag/Dagaz : dag signifie « jour » et à donné le mot « tag » en allemand et « day » en anglais. Mais un tag est aussi un repère. C’est une puissante rune de blocage et elle peut servir à neutraliser les pensées intrusives. Le jour succède à la nuit, il y a donc une notion de polarité, un travail sur dag peut amener des associations d’idées intéressantes.
Voilà pour le troisième aett. Celui de Tyr, c’est l’aett du pouvoir et de la connaissance ésotérique.
Introduction aux runes par Ish’em
Juillet 2021.
Sources : Les travaux de Nigel Pennyck, Yves Kodratoff, Eddred Thorson, Freya Aswynn.
Introduction aux runes et leur utilisation en charmes et talismanie Asatrù
Par Ish’em
Les runes et leurs séquences nommées FUTHARK sont les constituantes d’un langage primitif indo-européen dont les origines se perdent dans la nuit des temps. On considère généralement qu’elles dérivent de l’alphabet étrusque, cependant d’autres sources non confirmées, ou plutôt non validées, laissent supposer qu’elles seraient plus anciennes. On trouve des inscriptions à caractère runique primitif antérieures aux Étrusques, certaines datées de l’âge de bronze et d’autres plus anciennes encore.
Oralement et phonétiquement on suppose qu’elles sont les sources primitives de langues européennes aussi diverses que l’allemand, l’anglais, le norrois, etc. Par exemple, la rune Is, ou Isa, qui signifie « glace » a donné le mot « ice » en anglais. Nyd qui signifie « besoin » a donné l’anglais « need », Fehur, « feu sauvage » a donné « feuer », « fire »…
Les runes forment un alphabet conceptuel, elles comportent 5 aspects, soit : un nom qui peut varier, une graphie, un sens symbolique, un phonème et un nombre. En cela, elles sont similaires aux alphabets grec ancien et hébraïque.
Runa, raun pourrait avoir signifié « intention », « murmure », « mystère » ou « secret ».
On pensait qu’elles conféraient des pouvoirs aux armes sur lesquelles elles étaient gravées ; qu’elles apportaient protection et bonheur dans le foyer, lorsqu’inscrites sur les poutres des demeures ; qu’elles constituaient des sortilèges ou des leçons sur la façon d’interpréter le lore et les mythes sous un angle spirituel lorsqu’elles étaient dissimulées dans des poèmes ; ou encore servaient à rendre un hommage à tel ou tel honorable défunt, lorsqu’elles étaient inscrites sur des stèles. Leurs utilisations étaient diverses et variées.
Du fait de leurs attributs « archétypaux », ces caractères parlent directement à l’inconscient sous forme de concepts aussi variés que les éléments de la nature, le mouvement cyclique des saisons, l’ordre et le désordre, ou encore les savoirs intuitifs accumulés dans la mémoire collective au fil des temps.
Un futhark n’est pas un alphabet à proprement parler, c’est une séquence : chaque rune est à sa place pour des raisons d’analogies symboliques et phonétiques. Elles n’en changent pas, exception faite d’Odal et Dagaz dont la position peut s’inverser.
L’adepte de la magie runique s’appelait un vitki, ce qui a plus ou moins le sens de « magicien » ou « sorcier ». Ce n’est ni un prêtre (gothart) ni un juge au sein de l’Althing, mais autre chose… Mon opinion est que les vitkars étaient les chaotes des temps ancestraux.
Nombre de vitkars travaillent avec la séquence à 24 caractères du futhark ancien. Il s’agit de la plus documentée et donc la plus accessible, mais aussi la plus logique du fait, par exemple, qu’une journée est divisée en 24 heures…. elles-mêmes divisibles en 3 parties de huit heures, divisibles en 2 parties de 4 heures. Ce caractère binaire est très pratique et divise donc une journée runique en 6 parties de 4 heures…. On pourrait trouver encore d’autres divisions, mais celle-ci correspond à la course du soleil.
Significations et phonétique :
Je ne décrirai pas chaque rune en détail, mais me contenterai de livrer quelques clefs pour leur compréhension, l’intuition comptant beaucoup pour celui qui travaille avec les futharks. Je donnerai donc le phonème anglais, puis germano-scandinave, les principaux symboles liés à la rune, leur phonétique et, dans un premier temps, leur valeur numérique.
Je ne suis ni traditionaliste ni nordisant. Je ne considère pas qu’il faille connaître par cœur le lore viking pour utiliser la magie des runes, même si lire les sagas ou les Eddas reste enrichissant, l’essentiel réside selon moi dans la pratique. Je reviendrai sur ce point. Dans le même ordre d’idée, j’ai tendance à travailler à partir de l’anglais, langue plus facile à appréhender.
Numérologie runique
le système le plus simple assigne comme nombre à la rune sa place dans la séquence. Exemple : Elhaz 15, Wynja 9 Feho 1, etc. J’ai opté pour une version personnelle du travail de Nigel Pennyck (Runes et magie, 1995) qui propose un système permettant de noter les nombres jusqu’à 300, ce qui génère des runes scriptiques, liées ou analytiques des noms des divinités du panthéon Asatrù, sous un autre angle que la mythologie. Les analogies qui en découlent colorent en effet différemment la symbolique mythologique :
1 Unité
2 Énergie spirituelle
3 Piège énergétique, triangle
4 Âme de la création, Odin/Alfaord
5 Microcosme
6 Macrocosme, intelligence holistique
7 Chance
8 Balance, polarité
9 Les neuf mondes issus de l’explosion de Ginnungagap, substance de l’univers, centre des huit vents
10 Potentialité
11 Inertie
12 L’année, les saisons
13 Destruction/création, malchance, ragnarok
14 Involution
15 Le wyrd, l’inéluctable, la destinée
16 Pouvoir divin
17 Immortalité/sagesse
18 Asgard, plan supérieur, renouveau
19 Transmission, symbolisme, résolution
20 Puissance mentale
21 Flux énergétique
22 Communication avec des entités, expansion de la conscience
23 Accès à ce qui n’est pas conscient, influence sur le destin
24 Le temps.
J’utilise ce système à la façon dont les kabbalistes emploient la guématrie.
Prenons par exemple le nom Woden qui se compose de 9 + 23 + 24 + 19 + 10 = 85 = 8 + 5 = 13. On constate que l’on retombe immédiatement sur la symbolique de Woden/Alfaord qui est le créateur/destructeur originel. Avec l’aide de ses frères Vili et Vé, Woden démembre le géant Mimir, qui vit dans l’abîme ginnungagap. Puis tous trois créent le monde avec les différentes parties de son corps. À noter que cette triade, Odin/Vili/Vé, signifie : dieu/volonté/pouvoir.
Si l’on additionne à présent 1 + 3, on obtient 4, qui correspond à la première rune-dieu, celle de l’énergie des Aesirs dont Woden est le chef.
Ce système fonctionne, il est extrêmement puissant pour comprendre les divinités Asatrù autrement que par l’étude du lore, qui tend à induire en erreur en raison de l’abondance des kenningar, souvent obscurs. Un kenning (pluriel : kenningar) est une périphrase à valeur métaphorique. Ce type de figure de style abonde dans la poésie nordique. On trouvera par exemple le soleil appelé « l’éclat des alfes ».
Prenons un autre exemple : Heimdall, divinité gardienne de l’ordre cosmique, surnommé Le Veilleur des Ases, car il surveille Bifrost, le pont des âmes qui part du monde du milieu pour aller au monde supérieur : 9 + 19 + 11 + 20 + 23 + 4 + 22 + 22 = 130. Si l’on réduit le 130 en 13, on obtient le nombre du ragnarok, ce qui, une fois de plus, confirme la cohérence du système puisqu’Heimdall annonce le ragnarok aux autres divinités du panthéon Asatrù.
1 + 3 = 4 : on tombe sur As, la rune qui symbolise l’énergie des Aesirs, dont Heimdall fait partie. Heimdall est donc bien une divinité Aesir, gardienne de l’équilibre entre Création/Destruction.
Pendant le ragnarok intérieur, les énergies d’Heimdall et de Loki vont s’annuler.
Loki est le fils d’une géante nommée Laufey (que l’on pourrait, par analogie phonétique rapprocher de l’anglais « love », amour. Car, d’une certaine manière, la malice et la colère dont Loki fait preuve sont provoquées par l’amour. Sans l’amour il n’y a pas de rage) et d’une autre divinité de nature inconnue, dont on ignore si elle est de type gnomique (chtonienne), vanne (fertilité/nature), ase (sédentarité/monde féodal) ou tout simplement un autre thurse (géant, archétype de type chaotique). Il est souvent appréhendé comme un genre de Satan, de diable, mais c’est une mauvaise interprétation. Son rôle est d’inciter la famille des Ases à se dépasser en les confrontant à leur narcissisme. Malicieux, il n’a de cesse de calomnier les Ases de les mettre en défaut pour les placer en face de leurs responsabilités, avec la verve d’un Lautréamont…Son nom commence par Lag, la rune des flux spirituels. 21 + 23 + 6 + 11 = 61 > 6 + 1 = 7, c’est-à-dire « chance » et « don de soi ». Comme on peut le constater dans les Eddas ou dans l’ouvrage de Georges Dumézil consacré à Loki, il est « chanceux » dans son malheur. Il trouve toujours une voie pour se tirer lui-même ou ses compagnons de mauvaises situations.Par ailleurs il apporte souvent son aide à la famille des aesirs, bien qui ne l’aime pas. Loki n’est donc pas l’archétype malfaisant que l’on croit. Il est plus proche d’une sorte de Djinn ou d’un génie persan.
Nous n’allons pas faire le tour de toutes les entités du panthéon Asatrù, mais je trouve cette façon de fonctionner pertinente.
Il existe un autre système développé par les armanistes du siècle précédent. La séquence armaniste de Guido Von list est basée sur la rune Hagal dont le nombre est 9. Le premier aettir va de 1 à 9, puis à partir de Hagal, chaque position suivante dans la séquence est une somme de 9. N’appréciant pas les idées wolkish et racistes de ces auteurs qui ont fortement inspiré le nazisme, je n’ai pas exploré ce système plus avant.
Sigilisation poétique :
Le principe est de lier des runes, par phonétisme ou par analogie symbolique dans les vers d’un court poème. On crée d’abord la séquence que l’on veut combiner, puis on la réduit dans un bref texte qui formera un puissant mantra, qu’il est également possible de transformer en un sceau si l’on est un acharné ! Mais il faut toujours commencer d’une manière simple, trois runes liées suffisent pour créer un charme efficace. Je déconseille fortement la magie infamante qui se retourne toujours contre celui qui l’a émise, même si c’était pour se défendre. J’en ai fait la douloureuse expérience.
Il y a 4 étapes à respecter :
1 Étude de la séquence et des vertus/pouvoirs/connaissances que l’on souhaite obtenir.
2 Rédaction d’un vers simple ou les runes seront cachées phonétiquement ou par analogie symbolique.
3 Réduction du vers en un mantra sigillaire.
4 Projection, gravure et oubli.
Imaginons que l’on veuille obtenir l’illumination, la conscience d’un Aesir et la connaissance des charmes foudroyants. Pour cela, on va utiliser Kenaz, Ansuz et Thorn. On réduit cette courte séquence dans un vers, ce qui pourrait donner (toujours en anglais pour ma part) :
Light of the soul is like the fire a burning tree because of Miolnirs’s Thunder.
l’illumination Kenaz (Light, Fire)
L’illumination est comme un éclairage différent sur le réel et elle brûle pour toujours une fois qu’on l’a obtenue. Par ailleurs kenaz symbolise aussi le feu de l’âme.
La conscience d’un Aesir, Ansuz (tree, soul)
Woden est l’ase qui est resté pendu 9 jours à un if pour obtenir l’illumination et le savoir chamanique du seidhr.
Les charmes foudroyants Thorn : (Miolnir’s thunder)
Miolnir est le marteau d’aka-Thor. Il le balance sans arrêt à la tête des géants et les foudroie. La foudre met le feu aux arbres et c’est par ce biais que l’homme préhistorique à obtenu le feu pour la première fois. Par ailleurs, dans ma compréhension, Thorn est la rune des jeteurs de sortilèges, elle peut aussi bien être utilisée en défense qu’en attaque, provoque des changements imprévus et apporte simultanément le savoir des géants et la force protectrice d’aka-Thor.
Ce processus de « sigilisation poétique » peut être mis en œuvre en quelques secondes et demeure efficace longtemps, car les runes étant dissimulées dans le charme, elles sont facilement oubliées.
Maintenant, comme je suis un acharné, biffons le galdr :
Light of the soul is like the fire of a burning tree because of Miolnnir’s Thunder.
LGHTFSKRBNM IOUEA
le mantra sigilaire pourrait être : lugh omt is drenk af.
On s’aperçoit alors que le nom de Lugh apparaît, ainsi que ken et Az et le puissant OM des Indiens.
Ce mantra à une longueur de 15 lettres, il est donc par essence relié à Elhaz, à la protection de la destinée, du wyrd du vitki.
Mais il faut voir plus loin et ce sera la dernière étape : on retransforme le mantra en caractère runique et on calcule sa valeur numérique pour faire apparaître le symbolisme final :
Lag Urzz Gyf HagOd Man Tyr Is Sig Dag Rad Eh Nyd Ken Az Feho
21 + 2 + 7 + 9 + 23 + 20 + 17 + 11 + 24 + 5 + 19 + 10 + 6 + 4 + 1 = 179
Ce nombre donne Feho Gyfu Hag > FeGyHa.
On a le feu naturel, qu’il faut domestiquer pour faire la torche de Kenaz, la rune des Aesirs dont on voulait obtenir la conscience. Il est par ailleurs intéressant de voir apparaître Hagal, ce qui indique qu’on obtient un pouvoir sur la grêle, qui, tout comme la foudre descend du ciel et détruit les scories du sol en le régénérant et le nourrissant, lorsqu’elle fond.
La foudre purifie par le feu de (feho), elle vient d’un Ase (Ansuz, c’est ce qu’on cherchait aussi au début) et détruit par la puissance de la nature. (Hag).
Enfin Gyfu émerge au milieu. C’est la rune de la confiance entre associés, partenaires, et du don de soi. C’est un aspect important de l’ésotérisme skaldique, on ne fait pas les choses pour soi-même, mais pour les autres.
Ce qui nous conduit au terme obtenu : FeGyHA, qui se rapproche de Fylgya.
La Filgya est pour le vitki, son double permanent, le messager de son âme. Elle se manifeste rarement, mais on la reconnaît facilement. Elle apparaît sous la forme d’un animal qui suit le vitki et semble vouloir délivrer un message. Il faut l’écouter, ses apparitions incarnées se produisent souvent à la fin d’une étape ou lors de moment difficiles. La filgya est un élément important de l’ésotérisme Asatrù, il faut la nourrir en permanence et surtout ne pas la blesser, car c’est le double de l’âme du magicien qui le raisonne et lui parle au sein de la conscience. Occasionnellement elle peut apparaître sous une forme humaine — un inconnu qui semble savoir beaucoup de choses sur le vitki. Lorsque l’on commence un travail avec les runes, il est important de l’invoquer et la nommer, car c’est elle qui va guider l’adepte sur la voie des huit vents. C’est un équivalent de l’animal totem des medecine-men amérindiens. La mienne apparaît la nuit sous la forme d’un félin me suivant et feulant avec insistance, je l’ai rencontrée seulement 6 fois en 20 ans de pratique, mais le dialogue avec elle est permanent.
1 + 7 + 9 = 17 : Teiwaz, au final on tombe sur une rune de sagesse et de justice spirituelle, qui semble être le fruit de l’illumination.
On voit que les runes liées se sont transformées et que le charme a débouché sur un symbole d’illumination ésotérique et de sagesse.
Utilisation du charme :
Vous pouvez répéter le mantra lugh omt is drenk af en boucle durant toute une nuit pour l’activer, en le déformant, en inversant les lettres, ou en prononçant les syllabes runiques, afin qu’il pénètre l’inconscient.
Le lendemain, prenez une courte baguette de bois et gravez les runes du mantra dessus et plantez-la dans la nature. Les résultats pourraient vous surprendre.
Ou plus classique : transformez votre mantra en sceau et projetez-le selon la méthode chaote habituelle. Celui-ci agira de la même façon, parce qu’un talisman skaldique ou un sigil fonctionnent de la même manière, par réduction d’analogies symboliques, puis projection et oubli.
Personnellement je trouve qu’il est plus facile d’oublier un talisman runique que l’intention contenue dans un sigil, parce que les futharks sont déjà eux-mêmes un langage qui parle à l’inconscient.
Les runes sont surnaturelles, archétypales. Leur science a été oubliée et elle mériterait d’être dépoussiérée et modernisée. Hélas, les traditionalistes de l’Asatru restent accrochés au passé. Ils cherchent des réponses uniquement dans les vieux manuscrits obscurs. Et ceux qui possèdent des connaissances sérieuses les gardent pour eux ou les font payer à prix d’or.
*
Quelques autres galdrar que j’ai créés :
There is a ring to forget if u want to move. (Rad, Jara, Ehwaz)
Health comes with trust. (Beorc, Gyfu,Ing)
If u want to swim into ether first you do have to fall. (Laguz, Hagal, Elhaz)
Emptyness is true awareness (Hagal, Teiwaz, Manaz)
Technique :
En premier lieu, il est important de s’entraîner à prononcer le nom des runes dans l’ordre, d’abord mentalement, puis à voix haute, en progressant séquence par séquence. Une fois le futhark maîtrisé, on peut commencer à les mélanger, les comparer, chercher celles qui se ressemblent, qui s’opposent ou se complètent par leurs significations, leur phonétique, les analogies, etc.
Cette manière d’enchaîner les séquences, de « traquer » comme dirait Carlos Castaneda, va permettre d’élaborer un flux sous conscient permanent qui sera utilisé pour manipuler l’intention et les états de transes lorsque l’on projette un galdr. Les runes sont de l’intentionnalité pure et dure, une pratique mentale fortement liée au chaos ou à la création, à l’abîme et aux archétypes de l’inconscient.
Une fois intégrées, on peut commencer à la projeter et c’est là que les choses deviennent intéressantes. Avec de la persévérance, on parvient à ralentir par exemple la perception du temps en décomposant les mots que l’on entend en caractères runiques, ce flux mental s’interposant avec la perception du réel. Il devient ainsi possible d’intervenir sur la réalité en intercalant des runes dans le discours conscientisé.
Avec le temps, la gestuelle, la visualisation, la « mantralisation », le travail temporel, etc. deviennent un jeu d’enfant et l’on sait très vite quelle rune prier pour débloquer une situation désagréable.
Je prononce rarement les noms des runes à voix haute. Tout doit rester intériorisé et innommé. Dire ce que l’on fait c’est gâcher le travail accompli.
Parvenir à dialoguer ainsi avec les runes peut prendre du temps et il vaut mieux procéder étape par étape, car la tâche peut-être psychologiquement perturbante, surtout dans la phase pré-ragnarok (cette phase correspond au travail préparatoire sur les runes, débouchant sur la destruction du mental par le Wyrd — Ingwaz, « destin, karma » —, le chaos intérieur permettant une renaissance — Dagaz —).
Cette approche est « pur chaos », elle consiste en une manipulation de la conscience, c’est une manière de tricher avec les apparences et la réalité.
Comme dans toute pratique ésotérique il est crucial de tenir un journal des expériences accumulées au fil du temps. Un journal permet de revenir sur telle phase où l’on a appris quelque chose d’important et d’analyser les échecs.
Manipuler les runes devient rapidement un jeu et une passion. Il est assez aisé d’entrer dans cet univers symbolique, d’y prendre du plaisir et de progresser, et l’on finit par comprendre que ces peuples, vikings, vandales, goths, etc., loin d’être des brutes, étaient dotés d’une conscience aiguë du caractère holistique de la réalité.
Enfin, une bonne manière d’appréhender une rune est de décomposer le ou les noms qu’elle porte et d’analyser sa graphie. Kenaz est la flamme d’une torche, Isa une stalagtite, Peorth un cartouche, Odal une tête ou un enclos, Beorc deux montagnes de tailles équivalentes, Teiwaz une lance tirée, etc.
Exemple de décomposition d’une Rune : Manaz :
Les caractères qui forment le nom « manaz » se décomposent en : M, manaz ; deux A, ansuz ; N, nydh et Z, algiz/elhaz. Elle comporte donc des éléments liés à la conscience, au lien avec le divin, au besoin de s’en rapprocher et à la protection qui découle de l’union avec l’aspect holistique du réel.
En outre il faut analyser sa graphie, Manaz peut être vue comme deux Winja les pointes tournées vers l’intérieur, ou bien 2 kenaz symétriques en haut des barres de izaz.
Une fois les bases acquises, ce travail de décomposition est capital pour avancer dans la compréhension des séquences, des antagonismes et des polarités entre phonèmes runiques.
*
Les runes ont servi dans l’art du combat, magique ou physique (Runa Glyma), ainsi qu’à l’illumination de nombreux sorciers médiévaux. Elles conféraient le pouvoir de se transformer en animal et de voler, d’avoir la force des ours, la ruse des loups, la puissance des sangliers, l’art martial était basé sur les runes, qui étaient omniprésentes dans la vie des germains et des nordiques pré-catholiques là où l’Empire romain n’a jamais pu s’établir longtemps. Elles étaient aussi utilisées en divination, dans les joutes oratoires, pour la protection du foyer ou incluses dans l’architecture (Cf par exemple les traverses d’Alsace, de Champagne et d’Ardennes).
Il faut cependant se souvenir que Snorri Sturlusson a compilé les Eddas au 13e siècle alors que la culture viking était en train de s’éteindre. Les vikings sont l’apogée de cette culture née dans la nuit des temps, au cœur de l’Europe, ils ont régné sur l’Europe du 8e au 12e siècle puis ont disparu, leur culture ayant été absorbée, combattue et digérée par le christianisme féodal.
Je ne suis ni Asatrù ni Nordisant. Il est difficile d’épouser une culture éteinte il y a 9 siècles. Par contre 20 ans de pratique m’ont convaincu qu’il était possible d’utiliser les futharks pour l’éveil spirituel, dans un panel de pratiques ésotériques chaotes destinées à la transformation et l’illumination personnelle au même titre que le système énochien, l’hermétisme, le Tao Tô King et le Yi king, la pratique du Sijil, la méditation sotto-rinzai-zazen, les passionants systèmes nagualistes précolombiens, la roue de médecine amérindienne, le shivaisme, le Jaînisme, le Vaudou, le temps du rêve aborigène… Tout est bon à prendre du moment que l’on obtient un résultat.
Au-delà des Eddas, des sagas et de la nature elle-même, les nombreuses sources désormais disponibles, notamment le grand nombre d’ouvrages parus depuis le siècle dernier et tout ce qui est publié sur internet, dépoussièrent le lore et rendent aux runes leur noblesse. Il n’y a plus vraiment de « secret » comme en 1999, lorsque j’ai découvert le Seirdh via un ouvrage d’Yves Kodratoff nommé sobrement Les Runes. Tout est disponible sur le web, dans les librairies spécialisées ou bien tout simplement sur les plateformes de vente en ligne type Rakuten, Amazon ou AliBaBa.
Le terme RUNFALAICH, cité par l’auteur anglais Nigel Pennyck, dans la conclusion de son Runes et Magie est cher à mon cœur. Runfalaich désigne la communauté spirituelle de ceux qui emploient les runes dans leur vie quotidienne. Ce mot ne fait pas allusion à la religion Asatrù, mais bien aux Vitkars et seulement aux Vitkars. Les runes et le Seirdh viennent naturellement à ceux qui sont destinés à devenir des chamans païens. Ce chemin comporte bien entendu des obstacles, des doutes, des épreuves, mais la joie et l’enrichissement spirituel qu’il apporte combleront de bonheur celui qui se destine au Runfalaich.
PREMIER AETT
Feho|Fehur : feu primordial, sauvage. Se prononce « F. »
Ur|Uruz : force, Ur tire sa force de la terre et des grands Aurochs qui la parcouraient avant de disparaître. Se prononce « ou/oo »
Thorn/Thurizaz : protection, éclair, puissance du mental. Dans la tradition Asatrù cette rune est fortement liée à aka-Thor ainsi qu’aux géants du givre (Thurses). Elle se prononce « Th » (f, v)
Az|Ansuz : Rune du divin. Étymologiquement cette rune est liée aux aesirs, les dieux d’Asgard. Ansuz représente le divin sous son aspect régulateur, équilibrant et source de sagesse. Se prononce « aa » (un a long).
Rad|Reidho : Rad est la roue du véhicule et la route, une rune importante pour le voyage astral. Elle signifie la chevauchée, telle Wottan sur son cheval à huit pattes Sleipnir, le voyageur sorti de son corps physique et guidé par Rad ne peut se perdre. Se prononce « r »
Kaun|Kenaz : flamme, lumière illuminante, connaissance. Kenaz est liée au pouvoir transformant de la lumière, elle a la forme de la flamme de la torche qui guide le chercheur en quête de savoir magique dans la ténèbre de l’occultisme. C’est la rune qui guide le vitki dans la mort et le ramène à la vie. Se prononce « k, c »
Gyfu|Gebo : don de soi, confiance en l’autre. Gyfu est liée aux rapports entre les êtres humains. On pourrait dire que c’est une rune communautaire, celle de l’entraide positive dans un but commun. Se prononce « g ».
Wynja|Wunjo : joie, volonté, persévérance. La volonté et la réussite qui en découle procurent une joie sereine. C’est un point d’équilibre lié à l’accomplissement personnel. Se prononce comme un « w » à l’anglaise.
Voilà pour l’aett de Frey. Il est lié à l’illumination et au savoir intérieur. Et donc à la sagesse.
DEUXIEME AETT
Hag|Hagalaz : Grêle. Rune mère, hagalaz est la rune du pouvoir transformant. La grêle tombe du ciel, change la surface et s’écoule dans la terre. C’est un lien entre le monde du dessus, la terre du milieu où nous vivons et les mondes souterrains. Dans la tradition Asatrù elle est liée à Urd, la Norne des temps anciens. En divination c’est une rune importante qui indique une situation de blocage, elle signifie ainsi le besoin d’un changement radical pour avancer et elle est fortement liée aux forces de l’inconscient. Se prononce « h ».
Nyd|Not : besoin, nécessité, absence. Nyd est liée aux forces du chaos et doit être utilisée avec parcimonie. Invoquer Nyd c’est à la fois appeler le chaos et lutter contre, pour s’en libérer. Se prononce « n ».
Is|Isaz : Glace. Elle est l’opposée polaire de Ken. En magie Is permet de figer une situation, mais polarisée par Kenaz elle donne aussi la fluidité de l’eau qui permet le changement. Se prononce « i ».
Les trois runes précédentes sont les runes de la magie liante et infamante.
Jara/Jeran : cycle, saison. Jara est la rune du renouveau permanent. Quelque chose se termine, à été accompli et autre chose commence. Elle a plusieurs graphies, dont deux qu’il est important de connaître. Deux Kenaz imbriquées sans se toucher dans le sens des aiguilles d’une montre accélèrent un processus ; dans le sens inverse, ce symbole tend à provoquer un ralentissement. Personnellement, je m’en sers pour initier ou mettre un terme aux techniques de gnose lors de l’activation d’un sigil, en la visualisant qui tourne sur un axe. Le son est « y ».
Eoh/Eihwaz : c’est une rune importante. Eoh est associée à l’if. Yggdrasil, l’arbre monde est un if, Woden s’y est pendu pour acquérir la science des futharks. C’est la rune du culte des morts et des renaissances intérieures. On l’utilise pour se lancer dans les voyages extatiques. Elle gouverne par ailleurs les cinq éléments de la tradition européenne ancienne, et est associée à Skadi ou Woden selon la saison. Sa phonétique est « eo ».
Peorth/Pertho : Peorth est liée au hasard et au jeu. Elle correspond aux règles, au bon sens et aux résultats qui découlent de l’application de la logique. La magie n’est-elle pas, selon certains, une manipulation du hasard ? Ensuite elle va désigner ce qui entre en existence, ce qui prend corps dans la matrice. Une utilisation possible de peorth est l’analyse du Wyrd, le destin, l’inéluctable et elle peut servir à se remémorer des expériences passées et à en tirer des enseignements. La phonétique est « p »
Elhaz/Algiz : C’est une rune de protection. Sa forme est celle d’un homme qui prie Hemdall (le gardien d’Asgard et de Bifrost, le pont qui relie le monde d’en haut au monde du milieu, Midgard), les bras levés vers le ciel. Lorsque j’ai un mauvais feeling, que je ressens de mauvaises ondes je trace cette rune du regard en la prononçant mentalement et cela s’éloigne. Les germains la gravaient sur les poutres des maisons pour les protéger contre le vol et c’est un motif classique de l’architecture médiévale. Le son est « zz ».
Sigel/Sowello : c’est une rune de victoire, celle du soleil. Elle a une sombre histoire contemporaine puisque c’est celle qui fut choisie pour les SS, les unités d’élite du régime nazi. Elle était gravée sur leur couteau de mort qui ne leur était remis qu’à la fin de leur funeste formation. En réalité, elle représente les forces bénéfiques du soleil. Elle dissout les ténèbres et engendre la vie par sa chaleur et ses radiations, d’où son assignation à la notion de victoire. Elle peut être utilisée dans les techniques de guérison ondaniste en canalisant le magnétisme du soleil. La visualiser iridescente est un bon exercice de canalisation de l’önd, qu’on capture dans Ingwaz pour le réutiliser plus tard. L’önd est l’équivalent européen du prana, du ki, du mana. Le son est « s ».
Voilà pour l’aett de Heimdal qui est lié symboliquement aux éléments et aux processus naturels.
TROISIEME AETT
Tyr/Teiwaz : C’est la deuxième rune-dieu. Elle est liée à Tyr/Ziu et au sens de la justice. La justice des Aesirs, non celle des hommes. C’est une rune qui amène la réussite du juste, qui se sacrifie pour une cause. Elle est reliée directement à cette notion de sacrifice pour le bien de tous, par le mythe de Tyr se faisant arracher la main par le loup Fenris lorsque les Aesirs l’enchaînent. On trouve donc une notion de courage et d’acceptation de la fatalité dans cette rune. Fais ce que tu dois et fais-le avec le sourire. Elle peut être mantralisée dans les épreuves difficiles de la vie, pour conjurer le mauvais œil et retourner sur le bon chemin. Mais chaque fois qu’elle est utilisée dans un charme, elle demande une contrepartie. Pas forcément un sacrifice, mais peut être arrêter d’agir en dilettante et faire les choses correctement. Le son est « t ».
Beorc/Berkannaz : Encore une rune de cycle permanent, mais associée au processus de guérison. Il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas, elles se voient cependant. Elle a un côté salvateur en ce qu’elle permet d’accepter l’idée qu’on est petit face aux montagnes et aux forces de la nature. En magie extatique de type Seidrh elle est utilisée pour le bannissement et la fermeture des rituels, pour éloigner les résidus. Le son est « b ».
Eh/Ehwaz : rune de mouvement. C’est la rune des chevaux, du déplacement. Elle servira à activer les galdr et à les projeter. Alors que Beorc ferme un rituel extatique, Ehwaz le lance. C’est la rune des charmes liés. On l’utilise quand tout est prêt et que la séquence à projeter a été assemblée et réduite à sa forme la plus simple.
Voilà un exemple de charme qui utilise ehwaz pour détourner quelqu’un de son chemin : he was a king travelling through ice and he falled in a deep hole. Nous y trouvons ehwaz rad isa nyd et hagal. C’est un charme noir qui utilise ehwaz pour lier rad (mouvement astral) isa (blocage du mouvement) nyd (attire la fatalité et donc le malaise) et hag (fait tomber le chaos, sens de chute). Le son est un « e » expiré, « eh ».
Man/Mannaz : rune de la conscience humaine. Somme de l’ensemble des qualités de l’homme acquises par l’expérience. Elle pourrait avoir un sens de retour à soi. Je l’utilise pour me recentrer après avoir pratiqué une gnose. Elle est liée au microcosme et possède des analogies avec le retour aux sources, à la régénération. Une analyse de sa forme montrerait deux Isa et Kenaz s’annulant l’une l’autre ou deux Wynja reliées par la pointe. Deux Wynja reliées correspondent à une accumulation de volonté et de joie, ainsi mannaz est une rune de cohésion. Le son est « m ».
Lag/Laguz : rune de l’eau, rune des forces liquides de la nature, le courant des rivières, la puissance des marées, la vague et le ressac. Elle est donc liée à l’énergie et aux fluctuations de l’önd. Elle peut servir à dissoudre des blocages psychiques ou bien à rendre plus fluide la circulation de l’önd dans le corps. La phonétique est « l ».
Ing/ingwaz : Troisième rune-dieu après Ansuz et Teiwaz. Rune de concentration et de rassemblement des idées. Elle peut servir à canaliser les énergies et les idées, les analogies pour les réutiliser plus tard dans un travail ésotérique. Elle facilite la réflexion et l’élaboration des rituels, des charmes ou des talismans. Ingwaz à donné toutes les terminaisons en Ing de la langue anglaise et possède donc un sens de processus se déroulant et à venir e. e is going to, is making, is happening, etc. Le son est « ng ».
Odal/Othallan : c’est une rune fortement liée au savoir intuitif, à la logique et à la maîtrise des choses. Je l’associe à l’innerself, au savoir intérieur. Travailler avec Odal m’a permis de développer mon intuition. Elle a des analogies avec la notion de libération. Mais la liberté ce n’est pas faire n’importe quoi, c’est aussi respecter les autres et leur espace vital. Ce qui nous amène au respect des règles de la vie familiale et sociétale. En magie, comme Ing elle servira à réfléchir à l’élaboration des rituels, mais là ou Ing canalise pour réutiliser plus tard, les effets d’Odal sont immédiats et se concentrent sur un espace personnel et terrestre.
Dag/Dagaz : dag signifie « jour » et à donné le mot « tag » en allemand et « day » en anglais. Mais un tag est aussi un repère. C’est une puissante rune de blocage et elle peut servir à neutraliser les pensées intrusives. Le jour succède à la nuit, il y a donc une notion de polarité, un travail sur dag peut amener des associations d’idées intéressantes.
Voilà pour le troisième aett. Celui de Tyr, c’est l’aett du pouvoir et de la connaissance ésotérique.
Introduction aux runes par Ish’em
Juillet 2021.
Sources : Les travaux de Nigel Pennyck, Yves Kodratoff, Eddred Thorson, Freya Aswynn.
Image par anna_pavlovna from Pixabay