Cet ouvrage a pour ambition de proposer, aux lecteurs francophones, un panel de textes, dont certains traduits pour la première fois en français, en espérant qu’ils leur permettront de pénétrer la pensée fascinante de l’un des auteurs les plus ‘contre-culture’ de la fin du XXème siècle.
Peter Lamborn Wilson, dit Hakim Bey (signifiant « M. le Juge » en turc), est un écrivain politique et poète se qualifiant lui-même d’« anarchiste ontologiste ». Il se peut qu’Hakim Bey soit une identité partagée par plusieurs auteurs à tendance anarchiste, dont Wilson, l’objectif étant de mettre en avant moins leur auteurs que les idées elle-mêmes. Et c’est également notre but ici.
Spartakus FreeMann, mai 2008 e.v., au Nadir de Libertalia
Préface
Que la plume de Spartakus Freemann en arrive à enlacer celle d’Hakim Bey, rien de plus normal. En y réfléchissant un peu, on trouvera même l’étreinte rassurante, comme l’est généralement cette impression que les choses sont bien à leur place.
Sur l’auteur de la TAZ, on a beaucoup glosé à la mode scolaire et, surtout, on l’a transposé proprement en essuyant les bords, pour ne pas faire de tache, mais Hakim Bey n’est pas un auteur que l’on peut traduire à froid, ce n’est pas une notice pour meubles en kit. Pour le rendre, sans le desservir, il fallait un feu égal.
C’est que Bey est avant tout un poète. Cependant, parce qu’il raisonne –on refuse généralement la pensée aux poètes– on croit pouvoir le réduire comme une sauce, en faire de la philo prête à consommer. C’est oublier que l’art a cela de particulier qu’une fois prélevés les concepts, comme on soustrait des organes, il ne reste plus que du prêt à pourrir. Oui, j’aurais pu employer le terme disséquer, mais c’est un terme aussi dégradé que poète –ce qui est bien dommage, car c’est précisément le rôle de ces galvaudés que d’empêcher ça.
Evidemment, on se figure que les choses auraient pu être dites autrement, que si l’auteur a préféré suer sang et eau plutôt que de bronzer sur une plage tropicale, c’est un choix tout à fait personnel… Illusion évidemment entretenue par ceux-là même qui s’escriment à congeler les idées, à défaut de pouvoir refroidir les auteurs. Car il faut éviter à tout prix que l’écriture n’affecte le réel. Il en résulte qu’après vingt siècles de littérature, pour parvenir à parler d’amour ou de ferveur un peu décemment, il faut être biologiste, ou génial.
Hakim Bey n’est pas biologiste.
Spartakus Freemann non plus, & c’est pourquoi il arrive à traduire l’oeuvre d’Hakim Bey sans la corrompre.
Qui est exactement cet auteur que l’on prétend vous faire lire ? Selon certains, Hakim Bey s’appelle en réalité Peter Lamborn Wilson. Lui-même se qualifie d’«anarchiste ontologiste», ce qui lui a valu un beau succès & une progéniture de poussins se réclamant de lui, à raison ou à tort. D’autres de ses lecteurs – dont je suis – pensent que c’est une hydre, que plusieurs mains tiennent la plume.
En réalité, peu importe. L’essentiel est que son écriture peut transformer le monde. Mais elle ne veut pas vous convertir; comme l’amour fou, elle veut simplement avaler des galaxies.
Car le Chaos désire votre bien ; le corps est une forme supérieure de spiritualité, faire la fête, la voie du salut, et l’art une politique de rêve, urgente comme le bleu du ciel. D’ailleurs, Babylone a commencé à chuter dès lors que nous avons trouvé Lascaux belle.
Bienvenue, donc, dans un monde rendu à sa normalité.
(Melmothia)
Extrait du texte « Amour Fou », Hakim Bey, traduction Spartakus FreeMann, 2008
L’Amour Fou n’est pas une Démocratie Sociale, ce n’est pas le Parlement du Deux. Les minutes de ses réunions secrètes portent sur des choses éloquentes trop énormes, mais également trop précises pour la prose. Pas ceci, pas cela – son Livre d’Images tremble en nos mains.
Bien sûr, il chie sur les maîtres d’école & sur la police, mais il se moque tout autant des libertaires & des idéologues – ce n’est pas une pièce bien propre & éclairée. Un charlatan topologue en a dessiné ses corridors & ses parcs abandonnés, son décor d’embuscade lumineusement noir & sombrement rouge maniaque.
Chacun d’entre nous possède la moitié de la carte – comme deux potentats de la Renaissance, nous définissons une nouvelle culture avec nos enlacements anathématisés de corps, avec nos fusions de liquides – les veines imaginales de notre Cité-État mouillent nos vêtements.
L’Anarchisme ontologique n’est jamais revenu de son dernier week-end de pêche. Il y a si longtemps que personne n’est allé se plaindre au FBI, le Chaos se fout du futur de la civilisation. L’Amour fou engendre seulement par accident – son but primordial est l’ingestion de galaxies. Une conspiration de la transmutation.
[…] L’Amour fou implique la sexualité a-ordinaire de la manière dont la sorcellerie demande une conscience a-ordinaire. Le monde post-protestant anglo-saxon endigue sa sensualité qui est réprimée dans la publicité & qui se divise dans le choc des foules : les prudes hystériques contre les clones de moeurs légères & les ex-célibataires. L’Amour fou ne veut pas rejoindre l’armée d’un autre, il ne prend aucune part dans la Guerre des Genres, il est emmerdé par la parité des emplois (en fait, il refuse de travailler pour vivre), il ne se plaint pas, il n’explique pas, ne vote jamais & ne paye jamais d’impôts.
[…] L’Amour fou est toujours illégal, qu’il soit déguisé par le mariage ou en troupe boy-scout – toujours ivre de vin ou de ses propres sécrétions ou de la fumée de ses propres vertus polymorphes. Ce n’est pas un dérangement des sens, mais bien leur apothéose – il n’est pas le résultat de la liberté, mais plutôt son prérequis. Lux et voluptas.
Pour vous procurer ce livre Anarchisme Ontologique, Hakim Bey en format papier ou en .pdf, cliquez ICI.
Par Hakim Bey & Spartakus FreeMann
Cet ouvrage a pour ambition de proposer, aux lecteurs francophones, un panel de textes, dont certains traduits pour la première fois en français, en espérant qu’ils leur permettront de pénétrer la pensée fascinante de l’un des auteurs les plus ‘contre-culture’ de la fin du XXème siècle.
Peter Lamborn Wilson, dit Hakim Bey (signifiant « M. le Juge » en turc), est un écrivain politique et poète se qualifiant lui-même d’« anarchiste ontologiste ». Il se peut qu’Hakim Bey soit une identité partagée par plusieurs auteurs à tendance anarchiste, dont Wilson, l’objectif étant de mettre en avant moins leur auteurs que les idées elle-mêmes. Et c’est également notre but ici.
Spartakus FreeMann, mai 2008 e.v., au Nadir de Libertalia
Préface
Que la plume de Spartakus Freemann en arrive à enlacer celle d’Hakim Bey, rien de plus normal. En y réfléchissant un peu, on trouvera même l’étreinte rassurante, comme l’est généralement cette impression que les choses sont bien à leur place.
Sur l’auteur de la TAZ, on a beaucoup glosé à la mode scolaire et, surtout, on l’a transposé proprement en essuyant les bords, pour ne pas faire de tache, mais Hakim Bey n’est pas un auteur que l’on peut traduire à froid, ce n’est pas une notice pour meubles en kit. Pour le rendre, sans le desservir, il fallait un feu égal.
C’est que Bey est avant tout un poète. Cependant, parce qu’il raisonne –on refuse généralement la pensée aux poètes– on croit pouvoir le réduire comme une sauce, en faire de la philo prête à consommer. C’est oublier que l’art a cela de particulier qu’une fois prélevés les concepts, comme on soustrait des organes, il ne reste plus que du prêt à pourrir. Oui, j’aurais pu employer le terme disséquer, mais c’est un terme aussi dégradé que poète –ce qui est bien dommage, car c’est précisément le rôle de ces galvaudés que d’empêcher ça.
Evidemment, on se figure que les choses auraient pu être dites autrement, que si l’auteur a préféré suer sang et eau plutôt que de bronzer sur une plage tropicale, c’est un choix tout à fait personnel… Illusion évidemment entretenue par ceux-là même qui s’escriment à congeler les idées, à défaut de pouvoir refroidir les auteurs. Car il faut éviter à tout prix que l’écriture n’affecte le réel. Il en résulte qu’après vingt siècles de littérature, pour parvenir à parler d’amour ou de ferveur un peu décemment, il faut être biologiste, ou génial.
Hakim Bey n’est pas biologiste.
Spartakus Freemann non plus, & c’est pourquoi il arrive à traduire l’oeuvre d’Hakim Bey sans la corrompre.
Qui est exactement cet auteur que l’on prétend vous faire lire ? Selon certains, Hakim Bey s’appelle en réalité Peter Lamborn Wilson. Lui-même se qualifie d’«anarchiste ontologiste», ce qui lui a valu un beau succès & une progéniture de poussins se réclamant de lui, à raison ou à tort. D’autres de ses lecteurs – dont je suis – pensent que c’est une hydre, que plusieurs mains tiennent la plume.
En réalité, peu importe. L’essentiel est que son écriture peut transformer le monde. Mais elle ne veut pas vous convertir; comme l’amour fou, elle veut simplement avaler des galaxies.
Car le Chaos désire votre bien ; le corps est une forme supérieure de spiritualité, faire la fête, la voie du salut, et l’art une politique de rêve, urgente comme le bleu du ciel. D’ailleurs, Babylone a commencé à chuter dès lors que nous avons trouvé Lascaux belle.
Bienvenue, donc, dans un monde rendu à sa normalité.
(Melmothia)
Extrait du texte « Amour Fou », Hakim Bey, traduction Spartakus FreeMann, 2008
L’Amour Fou n’est pas une Démocratie Sociale, ce n’est pas le Parlement du Deux. Les minutes de ses réunions secrètes portent sur des choses éloquentes trop énormes, mais également trop précises pour la prose. Pas ceci, pas cela – son Livre d’Images tremble en nos mains.
Bien sûr, il chie sur les maîtres d’école & sur la police, mais il se moque tout autant des libertaires & des idéologues – ce n’est pas une pièce bien propre & éclairée. Un charlatan topologue en a dessiné ses corridors & ses parcs abandonnés, son décor d’embuscade lumineusement noir & sombrement rouge maniaque.
Chacun d’entre nous possède la moitié de la carte – comme deux potentats de la Renaissance, nous définissons une nouvelle culture avec nos enlacements anathématisés de corps, avec nos fusions de liquides – les veines imaginales de notre Cité-État mouillent nos vêtements.
L’Anarchisme ontologique n’est jamais revenu de son dernier week-end de pêche. Il y a si longtemps que personne n’est allé se plaindre au FBI, le Chaos se fout du futur de la civilisation. L’Amour fou engendre seulement par accident – son but primordial est l’ingestion de galaxies. Une conspiration de la transmutation.
[…] L’Amour fou implique la sexualité a-ordinaire de la manière dont la sorcellerie demande une conscience a-ordinaire. Le monde post-protestant anglo-saxon endigue sa sensualité qui est réprimée dans la publicité & qui se divise dans le choc des foules : les prudes hystériques contre les clones de moeurs légères & les ex-célibataires. L’Amour fou ne veut pas rejoindre l’armée d’un autre, il ne prend aucune part dans la Guerre des Genres, il est emmerdé par la parité des emplois (en fait, il refuse de travailler pour vivre), il ne se plaint pas, il n’explique pas, ne vote jamais & ne paye jamais d’impôts.
[…] L’Amour fou est toujours illégal, qu’il soit déguisé par le mariage ou en troupe boy-scout – toujours ivre de vin ou de ses propres sécrétions ou de la fumée de ses propres vertus polymorphes. Ce n’est pas un dérangement des sens, mais bien leur apothéose – il n’est pas le résultat de la liberté, mais plutôt son prérequis. Lux et voluptas.
Illustration de Philippe Jozelon.