Le lendemain, rendez-vous pris à 16h avec Morgan, pour aller sur un site qu’il a découvert, au pied de la montagne avec un petit lac et une crypte où il aurait senti la présence d’un naga. Ces entités mi-hommes mi-serpent sont les gardiennes de connaissances cachées, de la magie des marais et des forces anciennes enfouies dans les profondeurs de la Terre. Symboles de force et de la vivacité des énergies chtoniennes, elles sont vénérées sous la forme de cobras comme entités sacrées à Shiva. 17h, nous nous mettons en quête du matériel propice pour une invocation au Roi-Serpent.
Matériel :
Des roses et colliers de fleurs
Du lait pour les offrandes
8 bougies (8 étant le nombre symbolique attribué aux nagas. Dans la numérologie symbolique indienne, le nombre 4 est relié à la terre, mais aussi aux eaux, ces entités rassemblent en elles plusieurs dualités eau-terre, masculin-féminin. 8 est aussi le nombre de la séphirah Hod et de Mercure qui a pour symbole le caducée ainsi que de la lettre cheth, qui en valeur pleine s’élève à 418, Abrahadabra, l’union du microcosme et du macrocosme.)
Un bhang, mélange à base de résine de cannabis et d’herbe sacrée.
De l’encens de santal
Différents objets de pouvoir
Un miroir pour les visualisations
Nous partons quelque temps avant le coucher du soleil. Au bout d’une demi-heure de marche environ nous arrivons à un premier lac au bord duquel nous sommes accueillis par les croassements d’un crapaud, ce qui me replonge assez directement dans le rituel a Hastur et l’avatar de Qulielfi lié à la lune, réalisé quelques jours avant avec le Temple. Je ressens cet endroit comme un seuil et prends le temps de poser un sigil Aloha sur une entrée en pierre avant de continuer notre chemin. Après nous être frayé un passage parmi les branches et avoir passé plusieurs carrefours, nous arrivons enfin sur le site, à la tombée de la nuit. L’endroit est à part, caché au pied de la montagne.
À l’entrée du lac, il y a un petit autel avec 9 statuettes disposées en 3 lignes de 3. Le lac baigne dans une légère brume qui confère au lieu une ambiance vraiment particulière, hors du temps. À l’autre extrémité du lac, 7 marches descendent jusqu’au bord de l’eau. À leur droite se trouve un fronton de pierre, une porte, marquant l’entrée dans l’espace rituel. Je prends quelques secondes de silence pour invoquer Anubis, ma divinité liée aux carrefours et aux rites de passage et récite une petite prière pour demander la protection des esprits du lieu. Il y a de sacrées énergies. Nous passons le seuil et après être accueillis par le vol d’une chauve-souris, nous remarquons de l’autre coté une crypte souterraine un peu endommagée ainsi qu’un espace parfait au bord de l’eau pour installer un autel.
Entrée de la crypte
La préparation commence.
8 bougies à l’orée du lac, encens en triangle, une coupole de lait et un autel consacré à Shiva. Consécration du cercle. Morgan effectue une invocation au Seigneur des lieux en hindi devant l’autel. Le bhang est consacré par les flammes et les mantras. Poudre de Calcutta sur le 3e oeil. Devant l’eau l’encens est allumé, Morgan se charge des flammes sur les coupoles de ghee pendant que je récite l’invocation :
À toi nous sommes venus Nagaraja par les pas qui perdent et les chants détournés.
Toi présence tapie qui sommeille dans la brume aqueuse des marais.
Enivrement des sens des effluves de l’âme-étang.
Par les chants qui perdent et les pas détournés, nous venons à toi, Roi des Serpents.
Pour entendre le sifflement des Palais des Etoiles.
Au dessous des basses eaux.
Descente et Descente.
Les pensées s’enlisent et dérivent vers l’émeraude crépusculaire.
Les pas se font plus lents et sur le rivage s’élève l’autel, à tes gloires séculaires.
O Souverain des mélancolies inférieures,
Gardien des portes de l’Indicible.
Par quelle magie les rampantes prophétisent-elles la venue de tes sonnettes ?
Ta sève monte et s’immisce dans les cataractes de l’âme.
Nagaraja, quand sur tes écailles l’origine bascule.
Vibrations fétides et Aube primordiale.
Viens ! Fais tourner les Clés des portes du Pavillon des Enfers.
Fais trembler les orages et sortir les écorces, Viens !
Toi qu’on appelle Shesha dans tes royaumes d’exil et de multitude indifférenciée
Shesha aux mille têtes
Qui sait l’énigme du joyau d’Ambre et de la division des langues.
Les sécrétions secrètes et les saignées qui fécondent.
Qu’on amène les offrandes.
Le lait et les œufs de carpe, les bougies et le santal.
O présence cachée ! Réponds aux appels des Enfants de la Nuit.
Toi qu’on nomme Sang Froid et Dent de Venin.
Dont les anneaux oscillent sur le rythme Vie-Mort
Présence !
Les génies du sol et les diseuses à peaux de reptiles sont là
Coeur-goule de l’Univers.
Viens et enseigne-nous l’Art de la poésie incantatoire,
La magie des sous-terrains et la multiplicité sans le nombre.
Permets-nous de communier à tes mystères dans l’abside circulaire du temple ophite.
Le déploiement des mélodies.
La commissure du rythme et le sifflement des écailles
La véhémence du cobra !
Om Nagarja Deva Puuh Swaahaa
Nous jetons les roses et les fleurs sur l’eau, je sens alors une forte énergie qui se soulève. Un vent sec et froid souffle dans notre direction et j’ai soudain la sensation que la température ambiante a baissée. Une énergie trépidante plane au-dessus du lac, un souffle froid, une présence qui émerge. Nous fumons au chillum orné d’un cobra de Morgan. Les visions commencent à apparaître. Dans le miroir posé au bord de l’eau une lueur trouble se forme, un tourbillon qui semble étroitement lié au lac et aux arbres du lac.
Alors, les visions s’enchaînent.
Je vois le Roi Serpent à 7 têtes, Ses 7 têtes sont les 7 portes vers le royaume souterrain. Je vois la langue fourchue au centre du sceau. Et les 7 têtes du serpent sont maintenant autour du cercle. Il protège un joyau étincelant qui se transforme bientôt en lingam de feu, en montagne de flammes.
Il y a une connexion très présente et subtile avec les esprits du lieu. Tout s’agite autour de nous, la forêt tourne et tourbillonne.
Ensuite un point noir, le centre de la conscience, que je vois s’élargir pour bientôt se placer au centre du lieu.
Le contact a été noué avec l’endroit. Il y a une interaction directe sur tous les plans, l’énergie tourne de plus en plus vite autour du lac et fait écho à chacune de nos paroles et de nos gestes. Nous ressentons alors une présence féminine. Dans les visions apparaissent des visages de femme, aux cheveux sombres, une présence forcément liée au Naga. Nous pensons à une sorcière proche de lui ou une nagini. Plongés dans cette atmosphère chacun dans notre voyage intérieur, j’ai l’impression d’être descendu d’un monde, Morgan vit aussi sa propre expérience.
Les vibrations cyclopéennes du serpent. Chaque phénomène comme sacrement. Les 2 faces de l’Arbre ouvrent l’accès. Perce écailles ! Sortez ombres-du-dessous des coquilles et mêlez-vous aux psalmodies des ailes d’or et d’argent, des cloches de la Roue du Destin et des poudres brunes de la surface des terres plates aux tombes célestes.
Embrases le tout de ton désir ardent enfant dans l’œuf.
Kether est en Daath et Daath est en Kether.
Maya Laxmi et Thanateros.
Après nous être imprégnés un moment des énergies du lieu et être bien descendus par le fond du lac vient le moment des salutations et du départ. Nous faisons un court rituel de protection avant de partir ; il y a eu à plusieurs reprises des battements de tambour à proximité, nous ne sommes pas les seuls dans la forêt pour cette nuit d’Imbolc. En quête d’un sentier pour le retour nous marchons dans la pénombre des petits bois, impossible de savoir quel chemin nous avons pris à l’aller. J’ai gardé autour du cou la croix ankh que je portais lors de mon séjour parmi les ombres au Portugal. Sensations de déjà-vu, une interaction parfaite entre mes pas et le terrain. Le mental a totalement décroché, j’avance quasi en aveugle et pourtant mes pas ne sont pas surpris. Il y a cette identité entre mes mouvements et la voie, une connaissance intuitive du terrain qui guide mes gestes, tout cela se passe à un niveau très profond. Sans couleur ni bruit, il y a juste une interaction, un dialogue, un mouvement de va-et-vient subtil et l’observateur silencieux qui répond. Peut-être est-ce cela entrer dans les frontières de la magie inconnue?
L’obscurité prend toute sa place. Nous, comme entourés de gouffres, la voie est seule là, implacable, débonnaire, unique trace sur l’Absolu du Vide. L’éternel recommencement de l’instant-présence, nu et silencieux, à la radicale simplicité d’une toile de Malevitch. J’eus cette vision la première fois sous psychotropes quand une dérive m’amena à considérer un funambule entreprenant sa traversée d’une corde attachée à deux arbres. Il y a cette tension de chaque instant, l’urgence des sens devant le gouffre, la danse de l’Univers, l’équilibre sur un fil.
Passer le seuil.
Quelques foulées plus loin, un éclair éclate dans le ciel devant le seul palmier du chemin. Salutation à l’oasis d’Égypte.
Les arbres et les pas se succèdent et nous avançons toujours dans la pénombre. Les carrefours s’enchaînent, et le chemin se prolonge, le mental toujours en veille. Alors à un moment le sentier semble s’éclaircir un peu. Nous arrivons bientôt à proximité d’un feu ou plutôt sur les braises d’un bûcher. Les braises sont encore brûlantes et semblent avoir été allumées il y a peu. Je m’approche assez instinctivement pour passer mes mains au-dessus du feu et les porter à mon visage, comme on le fait en signe de bénédiction devant le feu des autels, quand Morgan me fait remarquer que ce n’est pas un amas de bois qui brûle, mais les restes du cadavre d’un chien, ou d’un agneau mort. Voila un bûcher funéraire dans toute sa crue vérité. Il n’y a rien à dire, juste l’intensité de l’instant présent. Je considère ce moment sans dédain ni répulsion et apprends que Aghor veut dire ’sans peur’. Paix à son âme.
« Un chien mort sur les épaules ou à dos d’âne.. »
Continuant sur notre lancée les choses ne pouvaient évidemment pas se passer sans que nous ayons à croiser sur notre passage deux ou trois chiens errants qui grognent et montrent des dents. À ma dernière rencontre comme celle-ci, je tombais nez à nez sur la rue portant la date de ma naissance, devant un cimetière, avec la nette sensation d’être en pleine prairie d’Asphodele. Heureusement ici la délivrance fut plus tranquille. Nous arrivions bientôt proches de la route principale, pour ce que nous croyions être la fin de la soirée, mais c’était sans compter que le grand archonte-marionnettiste, dans sa farce universelle, nous réservait une dernière surprise, Un amas de plantes sur le bas-côté attire notre attention. – Un labyrinthe ! »
J’y crois à peine, j’exulte, nous empruntons l’entrée et avançons dans la spirale, jusqu’au centre. Back in the loop. Ce coup-ci la boucle est bouclée, les poissons ont la tête sous l’eau. Nous profitions de cet instant pour projeter un sigil et allumer une bougie dans un moment d’anthologie. Aloha !
Incantations a la Nagini – 01/02/09
Suite à l’invocation, je reçois beaucoup de visuels la plupart du temps présents. Des visages apparaissent sur des tissus, sur les vêtements des gens, dans la fumée d’encens… Je continue mon travail sur le miroir. Il y a toujours cette connexion avec l’entrée du lac, l’ouverture des patalas. Je choisis donc de travailler sur la présence féminine que je ressens en dédiant mon travail à une nagini. On dit que les naginis sont incroyablement belles, qu’elles possèdent des connaissances cachées et qu’elles prennent parfois apparence humaine en investissant un corps pour faire ce qu’elles ont à faire…
Dans la tradition hindouiste, y a 8 naginis principales, chacune possède son propre mantra :
Om Puuh Anantamukhii Swaahaa
Om Puuh Karkodamukhii Swaahaa
Om Puuh Padminii Swaahaa (Padmavati)
Om KaalaJiihvaa Puuh Swaahaa
Om Mahaapadminii Swaahaa
Om Vaasukiimukhii Swaahaa
Om Hum Hum Puurvabhuupamukhii Swaahaa
Om Shankhni Vaayumukhii Hum Hum
Je choisis le premier et après les offrandes récite l’invocation :
Dans l’absence de paradigme, j’écris à la dakini, fille du Roi-Serpent,
Celle au regard de braise qui témoigne de ces longues années passées à côté du bûcher. De ses cheveux de noir sombre, voiles d’Éternité.
J’écris à la nagini, présence secrète qui au fond de l’étang sommeille
Mystère des mystères aux lèvres de volupté.
Sorcière-magicienne, fille du Roi-Serpent.
À la robe de satin brodée de plumes de paon.
Dans l’absence et dans l’attente, brûle parchemin,
Sous le ciel d’Aegypte, à l’orée du palmier.
Mon corps mort, flottant dans l’aether, raide planche de bois
Autel de mon âme en proie à tes incantations nocturnes,
Nagini au lac d’Argent.
J’ai beaucoup appris de ces rituels et sais qu’un contact a été noué. Les sigils posés dans la crypte, l’empreinte de la main au fond du lac, les offrandes et la répétition des mantras laissent une porte d’entrée ouverte pour de prochaines investigations.
Initiation sur la montagne sacrée d’Arunachala, kAzim, 2009.
Par kAzIm
IMBOLC – Invocation au Seigneur Serpent
Le lendemain, rendez-vous pris à 16h avec Morgan, pour aller sur un site qu’il a découvert, au pied de la montagne avec un petit lac et une crypte où il aurait senti la présence d’un naga. Ces entités mi-hommes mi-serpent sont les gardiennes de connaissances cachées, de la magie des marais et des forces anciennes enfouies dans les profondeurs de la Terre. Symboles de force et de la vivacité des énergies chtoniennes, elles sont vénérées sous la forme de cobras comme entités sacrées à Shiva. 17h, nous nous mettons en quête du matériel propice pour une invocation au Roi-Serpent.
Matériel :
Des roses et colliers de fleurs
Du lait pour les offrandes
8 bougies (8 étant le nombre symbolique attribué aux nagas. Dans la numérologie symbolique indienne, le nombre 4 est relié à la terre, mais aussi aux eaux, ces entités rassemblent en elles plusieurs dualités eau-terre, masculin-féminin. 8 est aussi le nombre de la séphirah Hod et de Mercure qui a pour symbole le caducée ainsi que de la lettre cheth, qui en valeur pleine s’élève à 418, Abrahadabra, l’union du microcosme et du macrocosme.)
Un bhang, mélange à base de résine de cannabis et d’herbe sacrée.
De l’encens de santal
Différents objets de pouvoir
Un miroir pour les visualisations
Nous partons quelque temps avant le coucher du soleil. Au bout d’une demi-heure de marche environ nous arrivons à un premier lac au bord duquel nous sommes accueillis par les croassements d’un crapaud, ce qui me replonge assez directement dans le rituel a Hastur et l’avatar de Qulielfi lié à la lune, réalisé quelques jours avant avec le Temple. Je ressens cet endroit comme un seuil et prends le temps de poser un sigil Aloha sur une entrée en pierre avant de continuer notre chemin. Après nous être frayé un passage parmi les branches et avoir passé plusieurs carrefours, nous arrivons enfin sur le site, à la tombée de la nuit. L’endroit est à part, caché au pied de la montagne.
À l’entrée du lac, il y a un petit autel avec 9 statuettes disposées en 3 lignes de 3. Le lac baigne dans une légère brume qui confère au lieu une ambiance vraiment particulière, hors du temps. À l’autre extrémité du lac, 7 marches descendent jusqu’au bord de l’eau. À leur droite se trouve un fronton de pierre, une porte, marquant l’entrée dans l’espace rituel. Je prends quelques secondes de silence pour invoquer Anubis, ma divinité liée aux carrefours et aux rites de passage et récite une petite prière pour demander la protection des esprits du lieu. Il y a de sacrées énergies. Nous passons le seuil et après être accueillis par le vol d’une chauve-souris, nous remarquons de l’autre coté une crypte souterraine un peu endommagée ainsi qu’un espace parfait au bord de l’eau pour installer un autel.
Entrée de la crypte
La préparation commence.
8 bougies à l’orée du lac, encens en triangle, une coupole de lait et un autel consacré à Shiva. Consécration du cercle. Morgan effectue une invocation au Seigneur des lieux en hindi devant l’autel. Le bhang est consacré par les flammes et les mantras. Poudre de Calcutta sur le 3e oeil. Devant l’eau l’encens est allumé, Morgan se charge des flammes sur les coupoles de ghee pendant que je récite l’invocation :
Invocation au Seigneur Serpent
Om Nagadevathaya Vidhmahe
Jwala Malaya Dhimahi
Tanno Ananda Prachodayat
À toi nous sommes venus Nagaraja par les pas qui perdent et les chants détournés.
Toi présence tapie qui sommeille dans la brume aqueuse des marais.
Enivrement des sens des effluves de l’âme-étang.
Par les chants qui perdent et les pas détournés, nous venons à toi, Roi des Serpents.
Pour entendre le sifflement des Palais des Etoiles.
Au dessous des basses eaux.
Descente et Descente.
Les pensées s’enlisent et dérivent vers l’émeraude crépusculaire.
Les pas se font plus lents et sur le rivage s’élève l’autel, à tes gloires séculaires.
O Souverain des mélancolies inférieures,
Gardien des portes de l’Indicible.
Par quelle magie les rampantes prophétisent-elles la venue de tes sonnettes ?
Ta sève monte et s’immisce dans les cataractes de l’âme.
Nagaraja, quand sur tes écailles l’origine bascule.
Vibrations fétides et Aube primordiale.
Viens ! Fais tourner les Clés des portes du Pavillon des Enfers.
Fais trembler les orages et sortir les écorces, Viens !
Toi qu’on appelle Shesha dans tes royaumes d’exil et de multitude indifférenciée
Shesha aux mille têtes
Qui sait l’énigme du joyau d’Ambre et de la division des langues.
Les sécrétions secrètes et les saignées qui fécondent.
Qu’on amène les offrandes.
Le lait et les œufs de carpe, les bougies et le santal.
O présence cachée ! Réponds aux appels des Enfants de la Nuit.
Toi qu’on nomme Sang Froid et Dent de Venin.
Dont les anneaux oscillent sur le rythme Vie-Mort
Présence !
Les génies du sol et les diseuses à peaux de reptiles sont là
Coeur-goule de l’Univers.
Viens et enseigne-nous l’Art de la poésie incantatoire,
La magie des sous-terrains et la multiplicité sans le nombre.
Permets-nous de communier à tes mystères dans l’abside circulaire du temple ophite.
Le déploiement des mélodies.
La commissure du rythme et le sifflement des écailles
La véhémence du cobra !
Om Nagarja Deva Puuh Swaahaa
Nous jetons les roses et les fleurs sur l’eau, je sens alors une forte énergie qui se soulève. Un vent sec et froid souffle dans notre direction et j’ai soudain la sensation que la température ambiante a baissée. Une énergie trépidante plane au-dessus du lac, un souffle froid, une présence qui émerge. Nous fumons au chillum orné d’un cobra de Morgan. Les visions commencent à apparaître. Dans le miroir posé au bord de l’eau une lueur trouble se forme, un tourbillon qui semble étroitement lié au lac et aux arbres du lac.
Alors, les visions s’enchaînent.
Je vois le Roi Serpent à 7 têtes, Ses 7 têtes sont les 7 portes vers le royaume souterrain. Je vois la langue fourchue au centre du sceau. Et les 7 têtes du serpent sont maintenant autour du cercle. Il protège un joyau étincelant qui se transforme bientôt en lingam de feu, en montagne de flammes.
Il y a une connexion très présente et subtile avec les esprits du lieu. Tout s’agite autour de nous, la forêt tourne et tourbillonne.
Ensuite un point noir, le centre de la conscience, que je vois s’élargir pour bientôt se placer au centre du lieu.
Le contact a été noué avec l’endroit. Il y a une interaction directe sur tous les plans, l’énergie tourne de plus en plus vite autour du lac et fait écho à chacune de nos paroles et de nos gestes. Nous ressentons alors une présence féminine. Dans les visions apparaissent des visages de femme, aux cheveux sombres, une présence forcément liée au Naga. Nous pensons à une sorcière proche de lui ou une nagini. Plongés dans cette atmosphère chacun dans notre voyage intérieur, j’ai l’impression d’être descendu d’un monde, Morgan vit aussi sa propre expérience.
Les vibrations cyclopéennes du serpent. Chaque phénomène comme sacrement. Les 2 faces de l’Arbre ouvrent l’accès. Perce écailles ! Sortez ombres-du-dessous des coquilles et mêlez-vous aux psalmodies des ailes d’or et d’argent, des cloches de la Roue du Destin et des poudres brunes de la surface des terres plates aux tombes célestes.
Embrases le tout de ton désir ardent enfant dans l’œuf.
Kether est en Daath et Daath est en Kether.
Maya Laxmi et Thanateros.
Après nous être imprégnés un moment des énergies du lieu et être bien descendus par le fond du lac vient le moment des salutations et du départ. Nous faisons un court rituel de protection avant de partir ; il y a eu à plusieurs reprises des battements de tambour à proximité, nous ne sommes pas les seuls dans la forêt pour cette nuit d’Imbolc. En quête d’un sentier pour le retour nous marchons dans la pénombre des petits bois, impossible de savoir quel chemin nous avons pris à l’aller. J’ai gardé autour du cou la croix ankh que je portais lors de mon séjour parmi les ombres au Portugal. Sensations de déjà-vu, une interaction parfaite entre mes pas et le terrain. Le mental a totalement décroché, j’avance quasi en aveugle et pourtant mes pas ne sont pas surpris. Il y a cette identité entre mes mouvements et la voie, une connaissance intuitive du terrain qui guide mes gestes, tout cela se passe à un niveau très profond. Sans couleur ni bruit, il y a juste une interaction, un dialogue, un mouvement de va-et-vient subtil et l’observateur silencieux qui répond. Peut-être est-ce cela entrer dans les frontières de la magie inconnue?
L’obscurité prend toute sa place. Nous, comme entourés de gouffres, la voie est seule là, implacable, débonnaire, unique trace sur l’Absolu du Vide. L’éternel recommencement de l’instant-présence, nu et silencieux, à la radicale simplicité d’une toile de Malevitch. J’eus cette vision la première fois sous psychotropes quand une dérive m’amena à considérer un funambule entreprenant sa traversée d’une corde attachée à deux arbres. Il y a cette tension de chaque instant, l’urgence des sens devant le gouffre, la danse de l’Univers, l’équilibre sur un fil.
Passer le seuil.
Quelques foulées plus loin, un éclair éclate dans le ciel devant le seul palmier du chemin. Salutation à l’oasis d’Égypte.
Les arbres et les pas se succèdent et nous avançons toujours dans la pénombre. Les carrefours s’enchaînent, et le chemin se prolonge, le mental toujours en veille. Alors à un moment le sentier semble s’éclaircir un peu. Nous arrivons bientôt à proximité d’un feu ou plutôt sur les braises d’un bûcher. Les braises sont encore brûlantes et semblent avoir été allumées il y a peu. Je m’approche assez instinctivement pour passer mes mains au-dessus du feu et les porter à mon visage, comme on le fait en signe de bénédiction devant le feu des autels, quand Morgan me fait remarquer que ce n’est pas un amas de bois qui brûle, mais les restes du cadavre d’un chien, ou d’un agneau mort. Voila un bûcher funéraire dans toute sa crue vérité. Il n’y a rien à dire, juste l’intensité de l’instant présent. Je considère ce moment sans dédain ni répulsion et apprends que Aghor veut dire ’sans peur’. Paix à son âme.
« Un chien mort sur les épaules ou à dos d’âne.. »
Continuant sur notre lancée les choses ne pouvaient évidemment pas se passer sans que nous ayons à croiser sur notre passage deux ou trois chiens errants qui grognent et montrent des dents. À ma dernière rencontre comme celle-ci, je tombais nez à nez sur la rue portant la date de ma naissance, devant un cimetière, avec la nette sensation d’être en pleine prairie d’Asphodele. Heureusement ici la délivrance fut plus tranquille. Nous arrivions bientôt proches de la route principale, pour ce que nous croyions être la fin de la soirée, mais c’était sans compter que le grand archonte-marionnettiste, dans sa farce universelle, nous réservait une dernière surprise, Un amas de plantes sur le bas-côté attire notre attention. – Un labyrinthe ! »
J’y crois à peine, j’exulte, nous empruntons l’entrée et avançons dans la spirale, jusqu’au centre. Back in the loop. Ce coup-ci la boucle est bouclée, les poissons ont la tête sous l’eau. Nous profitions de cet instant pour projeter un sigil et allumer une bougie dans un moment d’anthologie. Aloha !
Incantations a la Nagini – 01/02/09
Suite à l’invocation, je reçois beaucoup de visuels la plupart du temps présents. Des visages apparaissent sur des tissus, sur les vêtements des gens, dans la fumée d’encens… Je continue mon travail sur le miroir. Il y a toujours cette connexion avec l’entrée du lac, l’ouverture des patalas. Je choisis donc de travailler sur la présence féminine que je ressens en dédiant mon travail à une nagini. On dit que les naginis sont incroyablement belles, qu’elles possèdent des connaissances cachées et qu’elles prennent parfois apparence humaine en investissant un corps pour faire ce qu’elles ont à faire…
Dans la tradition hindouiste, y a 8 naginis principales, chacune possède son propre mantra :
Om Puuh Anantamukhii Swaahaa
Om Puuh Karkodamukhii Swaahaa
Om Puuh Padminii Swaahaa (Padmavati)
Om KaalaJiihvaa Puuh Swaahaa
Om Mahaapadminii Swaahaa
Om Vaasukiimukhii Swaahaa
Om Hum Hum Puurvabhuupamukhii Swaahaa
Om Shankhni Vaayumukhii Hum Hum
Je choisis le premier et après les offrandes récite l’invocation :
Dans l’absence de paradigme, j’écris à la dakini, fille du Roi-Serpent,
Celle au regard de braise qui témoigne de ces longues années passées à côté du bûcher. De ses cheveux de noir sombre, voiles d’Éternité.
J’écris à la nagini, présence secrète qui au fond de l’étang sommeille
Mystère des mystères aux lèvres de volupté.
Sorcière-magicienne, fille du Roi-Serpent.
À la robe de satin brodée de plumes de paon.
Dans l’absence et dans l’attente, brûle parchemin,
Sous le ciel d’Aegypte, à l’orée du palmier.
Mon corps mort, flottant dans l’aether, raide planche de bois
Autel de mon âme en proie à tes incantations nocturnes,
Nagini au lac d’Argent.
J’ai beaucoup appris de ces rituels et sais qu’un contact a été noué. Les sigils posés dans la crypte, l’empreinte de la main au fond du lac, les offrandes et la répétition des mantras laissent une porte d’entrée ouverte pour de prochaines investigations.
(A suivre)