Et les tambours frappent ; et se tournent les pages
Qui mènent dans la cadence du cygne au cri du paon.
Dernier jour de mon initiation au Temple, Dernières offrandes et derniers pujas, derniers embrasements d’âme.
Remercier, prier, penser à tout, Ganesh, le Paon, Nataraja, Shiva, Kala Bairava. Chaque jour dans le temple est particulier et singulier, différent des précédents. Un jour vous pouvez assister à un mariage, un autre des statues de taureau qu’on a décoré, des éléphants, un concert. Le temple vit au rythme de la ville, des gens et des pujas, et répond évidemment de façon précise et progressive à ce qu’on vient y chercher. À ce qu’on y apporte. J’ai cette lassitude des derniers jours, et pourtant j’essaye de rester ouvert et de trouver la force pour être sincère, éviter l’automatisme. Je consacre ce dernier jour à Shiva mais aussi à Parvati et toutes les compagnes de Shiva sous leurs différentes formes. Ça me semble être une étape importante, voire essentielle. Ce jour-là j’ai accès au Saint des Saints ainsi que la chance d’être consacré par le mantra et les bénédictions d’un sâdhu a l’extérieur, un qui fait s’envoler la réalité matérielle autour de vous et par un simple regard vous fait basculer dans les sensations borderline, les espaces intermédiaires au-delà de l’espace et du temps. Quand tout tourne, s’éclate et se fend. Il pose une croix blanche sur mon front. La flamme rougeoie dans le feu principal… Je repense au Livre de Mensonges.
15 – LE CANON DU FUSIL
Puissante et érigée est cette Volonté mienne,
cette Pyramide de feu dont le sommet est perdu dans les Cieux.
Sur lui ai-je brûlé le cadavre de mes désirs.
Puissant et érigé est ce FalloV de ma Volonté.
Sa semence est Cela que j’ai porté en moi depuis l’Éternité ;
Et elle est perdue dans le Corps de Notre Dame des Étoiles.
Je ne suis pas Je ; je ne suis qu’un tube creux pour ramener le Feu du Ciel.
Puissante et merveilleuse est cette Faiblesse, ce Ciel qui m’aspire dans Sa Matrice,
Ce Dôme qui Me cache, qui M’absorbe.
C’est La Nuit où je suis perdu, l’Amour au travers duquel Je ne suis plus Je.
Livre des Mensonges, chapitre 15
Trad. P. Pissier
…
RENCONTRES
Un Mardi… Rencontre avec PenDragon au Manna Café, un mage poète qui fait des performances magiques sous le couvert de ‘Poetry’ . ça sonne comme du Blake et c’est ponctué de True Will et de Nothing is True. Nous avons même droit à un poème sur Babalon, en plein cœur d’une petite ville d’Inde, on croit rêver. On en vient assez rapidement à parler de Crowley. Pendragon a été publié par Orryelle dans Silkmilk. Il me dit qu’ici il ne faut s’étonner de rien, je repense au labyrinthe, qu’est-ce que je pouvais dire ? En tout cas, ses poèmes valent le coup, le mieux est sûrement de voir ses performances en live mais d’ici là : Paganarchy Press.
Le Manna Cafe
Steve, le gérant du Manna Cafe, ressemble à l’oncle Crowley comme deux gouttes d’eau et tient des satsang improvisés avec les visiteurs occasionnels de son bar-restaurant. On retrouve sur place de gens d’horizons très différents, des nomades, quelques artistes, un ou deux voyageurs de la rainbow family et même un vieux sâdhu qui passe en boucle des enregistrements audio pirates pris en 68. L’énergie y circule à haut spin dans une ambiance psyché au goût de l’instant présent. Il s’y passe ce que l’on y amène et chacun à l’occasion d’exprimer la potentialité de son être selon sa propre énergie. Sans doute aussi le seul endroit où l’on peut fumer de l’herbe sans être dérangé, un endroit à ne pas louper.. !
SKULL MAGICK – en théorie et en pratique
Crânes, crânes, crânes…
Des lits de crânes entourent ton trône Shiva.
Tout ce qui est doit mourir dans ta danse.
La langue avide de la Mère serpente, tapis cramoisi et sang,
Son yoni dégorge sur l’espace crématoire.
Enfante les aubes du Nouveau Monde, révèle la quintessence.
L’étincelle du chaos primordial s’élève des os-bastions de la mémoire.
Iridescence du Voile.
Anatomie occulte du crâne — rituel à Kali
Dans le désert du Smashan, sur les sentiers de Sa Présence.
Le crâne, Siège archétypal de la conscience à qui on a ôté le Verbe. Il lui manque la mâchoire. Et le scalp qu’on lui a fait laisse supposer qu’il a servi pour des rituels de la tradition aghori.
La partie supérieure, coupée, entonne le chant silencieux du point zéro, le Bramharandra, la Porte des Dieux. Elle est la transition entre l’axe vertical de la sushumna, par lequel s’élève la kundalini, et le plan horizontal imaginaire de la Déesse. La circonférence ainsi mise à nue évoque la voûte céleste, le corps de Notre Dame des Étoiles, dans lequel le prana, lorsqu’il y parvient, mène l’adepte au-delà de la mort. Le mage en perpétrant l’acte symbolique du scalp passe le voile de la déesse et ouvre la voie vers la couronne mystique, en Kéther. Se nourrissant des énergies contenues dans le sommet de la cavité, il s’empare du nectar d’Immortalité. Il consomme la sève des pratiques tantriques du serpent au centre du cercle, échappant ainsi à la loi des cycles. Les fossiles-strates de la mémoire sont évidés à la chaux. Par cette transcendance de la mort, il fixe son intention sur l’origine de l’arbre et place son étoile directement dans le yoni de la grande Mère. Pour qu’à nouveau une voix résonne.
Sois Hadit, mon centre secret, mon coeur & ma langue !
Le crâne repose sur un autel à base carrée, dédié à l’élément Terre, la structure du monde et la Loi de la Forteresse. Pour conjurer le sort, la prison des émissaires de la Loi, une flamme est allumée en son centre. Dans l’infinitude du vêtement-de-ciel de la déesse rayonne ainsi un cœur secret, qui appelle constamment à lui la libération de l’existence, et le jeu de leur amour, en un déploiement extatique, se fait le ravissement de l’énergie.
La Flamme se consume par le Feu de la Fin des Temps. En un endroit où la spirale se replie sur elle-même et laisse apparaître sur les écailles de l’ouroboros le mot Kaalagni. Elle entonne pour lui l’ultime conflagration de l’Univers, qui transmute toutes les apparences phénoménales dans l’Unité et la Présence du Soi, qui brûle dans tout cœur d’homme, et au noyau de chaque étoile. Elle est l’inévitable mutation de tout ce qu’Il n’est pas.
Car sa connaissance est la connaissance de la mort.
Le crâne repose à présent sur le fronton de la cité des pyramides, entre les piliers du Temple avec les 2 luminaires célestes, l’œil lunaire et l’œil solaire. L’apex a disparu dans l’obscurité humide de la Nuit. La gorge tranchée de l’adepte fait figure symbolique du maître du temple. Il récite les mantras de la déesse, pour conjurer le sort, le fardeau du magus en Hochmah, dont la malédiction du grade le contraint à formuler la loi de son être dans les lames cotutelles du Verbe. Il invoque à lui le nombre 23 par l’oeil et la croix a 8 branches et scelle son destin par le mot KAOS. Pour l’Art et la Magick.
Sur l’autel, la flamme concentre le changement perpétuel du jeu de Shakti autour de son axe, seul élément fixe sur lequel vient se lover le jeu de son impermanence.
Ainsi, la flamme est entretenue, pour que se s’élève droit le saint phallus et que l’adepte dans une dernière extase crie Io Pan ! Qu’il soit du centre du triangle et qu’apparaisse une traînée rouge sur son 3e œil, le saignement menstruel de la déesse, la fin et la renaissance des cycles, la foudre de l’Oeil de Mahakala. Ils imprègnent en son honneur leur front d’une poudre de safran rouge, le Kungumam. Et lorsque la Déesse met tout en œuvre pour son propre rituel, ils l’accompagnent par le sang. Om Kaliye Namah !
Sur le sanctuaire repose la crux ansata. Celle du pur Vouloir qui se déploie selon sa propre Loi, en parfaite adéquation avec l’Univers, elle est la clé de toutes les portes. Elle rayonne de sa propre lumière dans l’Amenti. Elle sait les vers qui rongent et les laveurs de corps au temps des pharaons. Dans les ombres du bûcher s’élève impériale la statue de Smashan Nath, le maître des lieux. Il est le gardien des âmes errantes, le psychopompe qui assiste au tracé du yantra devant ses yeux.
15 kalas, les 15 sécrétions subtiles de Son yoni, 15 nuits avant la lune noire. O Kali. Permets-nous ta connaissance, montre-nous la voie de ta sadhana, l’adoration du courroux qui dépasse les limitations du monde, Grande Mère. Aux pieds d’Arunachala. 15 PAN, Ayin, l’Oeil est aussi le phallus. Leur conjonction suggère le symbole du yoni-lingam. L’équivalence ontologique des opposés complémentaires. Seule vérité par delà de l’Abîme.
Les visualisations se font et se défont autour des 15 sommets du yantra. Les 3 cercles apparaissent dans l’éloignement du point d’impact, et permettent l’éclosion des 8 pétales de son lotus. Au centre de chaque pétale réside une yogini, et chaque direction est sous la bienveillance d’une des 8 formes des Matrikas, les déesses-mères :
Brahmi – est
Maheshvari sud-est
Kaumari (sud)
Vaishnavi (sud-ouest)
Varahi (ouest)
Aindri (nord-est)
Camunda (nord)
Narasimhi (nord-est)
Le nombre de 8 matrikas appelle à lui la condensation du rythme cosmique, sankoca, et son carré, le 64, symbolise l’émergence du matri-chakra ou matrimandala, son expansion. Le kapal, au centre du jeu cosmique, dans les mains de Shakti, sur le 3e oeil de Shiva, est consacré par la sainte Étoile Chaote.
La lumière de la bougie et du bûcher offre un spectacle d’une grande beauté, la montagne est bleue d’énergie. Entouré de poudre rouge le kapal semble baigner dans le sang, et les fleurs. Le trident de Shiva se dresse sur le haut du smashan. Sans doute un des plus beaux rituels qu’il m’ait été donné de voir.
SKULL MAGICK
Dans les traditions hindoues faisant usage des pratiques mortuaires les crânes sont d’abord nettoyés et servent de réceptacle à tout ce qui a trait à la nourriture, aux offrandes, à la purification et aux lavages du corps. Si l’on souhaite respecter la sadhana traditionnelle on devrait commencer par vénérer le crâne et s’en servir pour la mendicité pendant au moins 3 semaines puis prononcer voeu de renoncement. Une fois purifié le crâne sert comme autel, objet de dévotion, centre de pouvoir, condensateur symbolique.. Dans la tradition hindouiste, ‘celui qui porte le crâne ’ est appelé kapalika. L’origine de ce nom vient du fait que le kapalika assemble les noeuds karmiques et peurs des autres pour les incorporer au crâne qu’il a choisi. Les kapilka portent ainsi le kapal en imitation de Shiva-Bhairava qui après avoir coupé la 5e tête de Brahma, dut marcher dans les espaces crématoires, crâne à la main, jusqu’à trouver la place appropriée pour racheter son acte, et y laisser son fardeau. Après 12 ans de pénitence et par la grâce de Shakti, Bhairava arriva à Bénares sur le Mahasmashan et fut délivré de la charge du crâne.
« Mon cher dit Shiva, voici Brahmâ, la première divinité de l’Univers. Adore-le avec la lame aiguisée de ton épée rapide. »
Beaucoup des kapilika répètent cette pratique s’identifiant ainsi directement à Bhairava. La pénitence lui ayant servi à conjurer le plus lourd des karmas, elle est aussi l’opportunité de résorber avec elle tous les autres nœuds karmiques. D’après la tradition tibétaine, chaque crâne possède ses entités protectrices (srung ma) et dakinis propres ainsi que des esprits de nature plus maligne ( gnod byed) . D’après le gTer ma de Sangs rgyas gLing pa, un kapal devrait donc être consacré à une date astrologique particulièrement bénéfique. On devrait d’abord le laisser enterré 3 jours dans la boue ou l’argile ou à défaut l’immerger dans l’eau bouillante. On le prépare ensuite en le polissant et en le couvrant d’une onction d’essence parfumée. On continue la purification avec de la fumée d’encens (safran) et on récite des mantras particuliers. Puis, après avoir imbibé le crâne d’alcool, on y insère des représentations imagées des trois Racines ( rtsa gum – les trois refuges dits extraordinaires du tantrisme : guru, yidam et dakini ou dharmapala).
Les noms de la lignée des gurus sont ensuite inscrits dans la cavité interne et on y ajoute des effets personnels tels que de l’or, des pierres précieuses, des lotions médicinales, du camphre, des noix de muscade, du bois de santal et du musc, des médecines dharma, des fruits, fleurs, tissus, pattes de tigres, peau de léopard, ainsi que des textes du Mahamudra ou rDzogs chen.. Enfin, pour finir la consécration le yogi récite une invocation à Ye shes et scelle le crâne en l’enveloppant de tissu.
Voici deux mantras pour la pratique avec les crânes :
OM RATNA MAHAKAPALA SARVA SIDDHI PHA HUM HUM ou OM KAPALA BODHICITTA OM AH HUM
Grâce à ces rituels, le Kapala est ainsi transformé en véritable objet de culte, inspirant et motivant l’illumination.
Les Offrandes :
Plusieurs textes ésotériques tantriques font référence à l’usage du Kapal Patra (coupe de crâne).L’énergie de certaines déités y est dite se rassembler à certains endroits particuliers.
On y prépare ainsi des offrandes de nourriture et de boissons qui ‘apaisent la soif des dieux’ et dont la consommation est alors considérée comme un prasad. L’amrita étant sensée provenir des centres du crâne, dans les pratiques tantriques où l’on offre l’être limité a Ishta (dieu personnel) l’offrande à l’intérieur du crâne symbolise alors l’offrande d’amrita à Ishta et permet d’établir son trône dans le corps subtil. Dans les pratiques tantriques tibétaines, les crânes sont aussi utilisés comme récipients d’offrandes. On les remplit de jus de fruits frais symbolisant le nectar qui augmente le mérite, la vitalité, et la connaissance
Dans les rituels himalayens des hauts ordres tantriques ( yogatantra et Anuttaratantra), le crâne est aussi rempli d’alcool comme « offrande intérieure » (nang gi mchod) symbolisant les « cinq qualités de chaires » (sha inga) et les “cinq sortes de nectar » (bdud rtsi lnga). Dans d’autres rituels, on boit de l’alcool mélangé à des épices ou même du sang dans la coupe de crâne pour symboliser les déités courroucées buvant le sang de leurs victimes. Dans le système de l’Annutaratantra, des coupes de crânes sont utilisées séparément pour contenir des offrandes de sang et de semence pour les déités protectrices. En général du thé noir concentré auxquels on ajoute des pilules de Rakta sert de substitut au sang et de l’alcool blanc mélangé à de la médecine dharma fait office de semence. As we keepin’ it chaote, nous préférerons dire ici que le choix appartient au porteur. On accorde aussi dans certains rites spécifiques de pouvoir, une initiation secrète (gsang dbang) dans laquelle un nectar coulant de la coupelle d’un crâne purifie toutes les obstructions énergétiques, accorde l’expérience du Grand Vide (bde ba chen po) et qualifie l’adepte aux initiations du Sambhogakaya (les terres pures : l’expérience pure)
Comme support de vision :
Une fois purifié le crâne et ses énergies se réveleront un formidable émetteur de visions.
Dans les pratiques du Anuttaratantra, on se sert de la visualisation de son propre crâne comme réceptacle dans lequel on imagine son corps bouillir et se dissoudre en un nectar infini qui “satisfait autant le haut que le bas.” De même le crâne peut servir dans d’autres visualisations comme réceptacle pour l’offrande des organes des 5 sens aux divinités courroucées. Un crâne particulièrement choisi et préparé pourra se révéler être bien plus qu’un simple objet rituel. Un yogi pourra se servir d’un crâne consacré comme instrument de vision et médium prophétiques. Il pourra y lire dans ses lignes l’avancée de sa propre réalisation spirituelle ainsi que les obstacles karmiques qu’il devra affronter mieux que dans les propres lignes de sa main. Une certaine tradition orale dictée par un sNags pa tibétain révèle qu’on peut se servir d’un crâne pour les visions prophétiques ainsi : Le filon à l’intérieur du crâne représente les obstacles auxquels le défunt a dû se confronter dans sa vie. Les marques positives montrent les qualités dont il a fait preuve. L’os est ici considéré comme matière organique vivante. On suppose donc que le les marques positives et négatives du défunt vont à leur tour influencer le porteur du crâne et avoir des conséquences directes sur son développement spirituel. L’adepte tantrique utilisera donc ses siddhis pour transformer les propriétés karmiques du crâne en les intégrant mentalement dans son propre mandala. De cette manière, un yogi peut aussi prévoir les obstacles intérieurs et extérieurs qu’il aura à affronter dans ses pratiques en relation avec le kapal.
Pour les exorcismes :
Dans les traditions tantriques des Himalayas le crâne serait également utilisé depuis longtemps comme arme magique. Le khatvanga, par exemple, arme constituée généralement d’un os de jambe et surmontée d’un crâne humain aurait été utilisée par Padmasambhava comme baguette d’exorcisme contre les démons locaux. Dans la lignée des premières traditions shamaniques d’Inde il aurait donc servi comme objet de pouvoir, auquel on attribue généralement la protection de plusieurs dakinis. Il est aussi associé ou remplacé par le trident auquel on attribue la Victoire de la Déesse sur les 3 mondes : sur la terre, au-dessus de la terre et sous la terre, les 3 temps (passe présent futur et les 3 poisons ( ignorance, désirs, et aversion)
Des rives dites verses
Dans la non-dualité nous sommes un.
Dans la synthèse des contraires, nous sommes aucun.
Je n’ai même pas envie d’écrire ce texte, tout juste de tout cramer.
Je reste là, seul, et j’essaye d’oublier d’attendre.
D’oublier que les autres ne sont que des ombres de nous-mêmes.
Des morceaux de mondes dispersés çà et là pour nous confronter à l’attente.
De plus en plus vite. Je glisse, je n’ai pas (ou peut-être plus) peur, mais quelque chose en moi résiste de toutes ses forces, lutte à la mort, crie que non ! le Grand Néant ne m’aura pas, qu’il me reste des choses à vivre et pourtant alors que ces mêmes pensées me viennent à l’esprit tout mon être tombe.
Je ne peux pas résister, je ne peux même pas. Je tombe.
Aspiré par le Vide, sans rien, sans espoir ni envies. Sans peine.
Oublier ma rage de faire, oublier ma corde et oublier mes nœuds.
Je glisse dans le Vide universel, l’espace sacré. Et contiens le cercle.
Dans une mer de Silence sonne le mantra Om.
SHIVARATRI – La Grande Nuit de Shiva
La nuit de Shivaratri fut je crois pour la plupart des personnes de Tiru simplement une nuit de plus dédiée à Shiva, rien de particulier en somme mis à part que c’était lune noire, et ça devait certainement avoir son rôle dans le grand nettoyage annuel. Les tourbillons devaient sortir, en particulier le lendemain.
Choronzon est un océan de fenêtres fractales. Une mer de crânes sur des compositions géométriques. Des mandibules de milliers de cubes aux faces de lettres, d’yeux et de bouches. De processus sans failles. Une trappe de l’esprit, une prison mentale.
Après avoir fumé un spliff je me retrouve confronté à une sorte de virus mental, sans doute le plus récalcitrant et le plus complexe auquel j’ai eu à faire. Cela faisait quelques jours que lors des sessions au miroir et des voyages de l’esprit j’avais des apparitions assez nettes de processus mécaniques articulés autour de cubes, genres de casse-têtes chinois se répétant à l’infini. Je voyais aussi lors de ces mêmes sessions apparaître comme des représentations holographiques du symbole du caducée. Sans doute une préparation a ce que je devais affronter, et comprendre cette nuit-là.
J’avais donc devant moi, merci à Morgan de m’avoir aiguillé, la représentation visuelle de processus mentaux enfermant l’être dans une suite périodique sans fin d’actions et de réactions. Un automate se nourrissant de l’énergie du Pur Vouloir pour étouffer sa présence. Bien que de futures explorations m’aient amené à considérer un lien de complémentarité, j’étais sur le plan physique immobilisé, totalement immergé par ces processus, obnubilé par la vision, sans moyen de m’en séparer. Un bon temps se passa sans que je puisse lutter, enfermé dans cette construction mentale, quand soudainement une vision s’imposa d’elle-même à moi : un étincelant chariot de feu se mit à rayonner intensément au centre du casse-tête. Il semblait fait entièrement de braises et tout en restant immobile exprimait véritablement l’idée de liberté et de mouvement. La vision s’intensifia encore et l’intuition me poussa à prendre une feuille et un stylo. J’acquis alors intuitivement la connaissance, en quelques instants, de ce qu’il me faudrait faire pour sceller l’entité et limiter l’influence d’esprits courroucés. Je dessinais alors une série de sigils et de lignes géométriques pour confondre l’entité.
J’avais trouvé ma sortie. conjuré le sort.
Les fortes énergies qui émanent d’Arunachala attirent et font ressortir le bon comme le mauvais. Tout prend une autre intensité au pied de la montagne de Shiva. Il m’a été amené plusieurs fois dans mes pratiques à considérer des chiens qui aboient sans raison ou des personnes aux attitudes étranges comme momentanément possédées. Mais quand cela devait arriver, je trouvais naturellement en moi les ressources pour mettre ces manifestations d’entités à distance, comme si les moyens m’étaient soufflés. Il est dit que les siddhis apparaissent naturellement lorsque l’on suit une sadhana et qu’ils peuvent permettre de repousser les entités malignes par la confrontation à une plus grande Réalité. J’ai toujours considéré le travail avec les forces tapies dans l’inconscient comme une partie essentielle du chemin. Et une des choses que j’ai apprises est que lorsqu’on se retrouve dans de pareilles circonstances, la confiance et l’abandon total de soi à l’Univers est une clé qui peut nous sortir de bien des situations.
The Outer Path – 09/02/09
« Véritable mandala universel, elle est l’objet d’un fantastique rituel de circumambulation (pradakshinâ) jalonnée de temples, de sanctuaires, de bassins sacrés, de chapelles ainsi que de huit lingas indiquant les huit directions de l’espace à transcender.”
Arunâchala, la montagne de Shiva par Michel Coquet.
Chaque mois, pour la pleine lune, les habitants des villages voisins et de Tiruvanamalai se réunissent pour faire le tour de la montagne sacrée. La marche est dédiée a Shiva et se fait habituellement pieds nus par respect pour la divinité. Le parcours forme un cercle de 14km qui suit la route principale en passant en tout devant une trentaine de temples. J’ai normalement rendez-vous avec un Israélien rencontré le jour même au Manna Café devant la projection d’un film, Vengo, sur la musique tzigane. Je décide cependant de faire le parcours seul.
Je mettrai en tout quasiment 5 heures, ayant rapidement quitté mes tongs. Tout se passe à l’intérieur, mantras et visualisation, sigils et charge et la marche, la marche. Et la marche. Le mental décroché, seuls les mouvements sont là, même les prières semblent être au loin et sortir de cette enveloppe autour de moi. Le temps n’a plus de substance, il n’y a plus à nouveau que la voie et le feu qui brûle sur les parvis, le foyer de l’énergie du cœur qui consacre la poudre blanche et rouge sur le front. Rouge pour le sang menstruel, le feu. Blanc pour la purification, la paix. Il me manquait un peu de noir.
Après environ 3 heures de déambulation, cet autre qui me contient s’écarte vers une petite maison sur le côté. Il y a un chemin, étroit, à l’écart, que je suis sans trop chercher pourquoi. Au bout de quelques mètres, j’aperçois un amas de grands rochers qui forment un petit dôme face à la montagne. Je l’escalade et me retrouve sur un point en hauteur, au centre du plus haut rocher, devant un lingam naturel formé par des plantes sèches. J’avais mon espace parfait pour un nouveau rituel. J’embrase le lingam de feuilles séchées et peints quelques sigils pour la montagne. La poudre des braises me rappellent le limon, la fertilisation de la terre de Khem. L’emportement des signes vers les régions subtiles. Je remercie la montagne et considère les cendres. J’avais ma poudre noire.
À la fin de ma circumambulation, je suis assez étonné de trouver l’Israélien à notre point de rencontre, comme s’il semblait m’attendre. Après 5 heures de marche de nuit, je suis content de retrouver un compañero avec qui calciner quelques tafs d’herbe. Je lui fais part de cette étrange sensation que procure la marche autour de la montagne : vous avancez sur une route quasiment droite et vous retrouvez après quelques heures exactement au même point que vous avez quitté. Ardhanarishvara l’horizon est un cercle. Nous en venons assez naturellement à parler ensuite guématrie et chaos. Il me dit que son prénom, Zatu, signifie « un phénomène impalpable et insensé » et a précisément pour valeur numérique 23. Puis il ajoute qu’il s’est fait tatoué avant son départ en Inde pour marquer le départ d’un nouveau cycle dans sa vie, et me présente le signe d’un point d’exclamation en forme de foudre qu’il a baptisé point d’ironie. Comprenez qu’à 4 heures du matin, alors que vous venez de finir 14 kilomètres de marche autour de la montagne de Shiva, ce genre de signes vous fait plus que sourire. Ce fut pour moi le mot de la fin, me résumant en quelques minutes un mois lunaire d’expériences sur la montagne sacrée d’Arunachala.
23 ! Om Namah Shivaya
Initiation sur la montagne sacrée d’Arunachala, kAzIm
Par kAzIm
– 02/02/09 – Dernier jour au Grand Temple
Des reflux du silence s’est contenté l’orage,
Il ne dit mot de peur d’être emporté par le vent
Et les tambours frappent ; et se tournent les pages
Qui mènent dans la cadence du cygne au cri du paon.
Dernier jour de mon initiation au Temple, Dernières offrandes et derniers pujas, derniers embrasements d’âme.
Remercier, prier, penser à tout, Ganesh, le Paon, Nataraja, Shiva, Kala Bairava. Chaque jour dans le temple est particulier et singulier, différent des précédents. Un jour vous pouvez assister à un mariage, un autre des statues de taureau qu’on a décoré, des éléphants, un concert. Le temple vit au rythme de la ville, des gens et des pujas, et répond évidemment de façon précise et progressive à ce qu’on vient y chercher. À ce qu’on y apporte. J’ai cette lassitude des derniers jours, et pourtant j’essaye de rester ouvert et de trouver la force pour être sincère, éviter l’automatisme. Je consacre ce dernier jour à Shiva mais aussi à Parvati et toutes les compagnes de Shiva sous leurs différentes formes. Ça me semble être une étape importante, voire essentielle. Ce jour-là j’ai accès au Saint des Saints ainsi que la chance d’être consacré par le mantra et les bénédictions d’un sâdhu a l’extérieur, un qui fait s’envoler la réalité matérielle autour de vous et par un simple regard vous fait basculer dans les sensations borderline, les espaces intermédiaires au-delà de l’espace et du temps. Quand tout tourne, s’éclate et se fend. Il pose une croix blanche sur mon front. La flamme rougeoie dans le feu principal… Je repense au Livre de Mensonges.
15 – LE CANON DU FUSIL
Puissante et érigée est cette Volonté mienne,
cette Pyramide de feu dont le sommet est perdu dans les Cieux.
Sur lui ai-je brûlé le cadavre de mes désirs.
Puissant et érigé est ce FalloV de ma Volonté.
Sa semence est Cela que j’ai porté en moi depuis l’Éternité ;
Et elle est perdue dans le Corps de Notre Dame des Étoiles.
Je ne suis pas Je ; je ne suis qu’un tube creux pour ramener le Feu du Ciel.
Puissante et merveilleuse est cette Faiblesse, ce Ciel qui m’aspire dans Sa Matrice,
Ce Dôme qui Me cache, qui M’absorbe.
C’est La Nuit où je suis perdu, l’Amour au travers duquel Je ne suis plus Je.
Livre des Mensonges, chapitre 15
Trad. P. Pissier
…
RENCONTRES
Un Mardi… Rencontre avec PenDragon au Manna Café, un mage poète qui fait des performances magiques sous le couvert de ‘Poetry’ . ça sonne comme du Blake et c’est ponctué de True Will et de Nothing is True. Nous avons même droit à un poème sur Babalon, en plein cœur d’une petite ville d’Inde, on croit rêver. On en vient assez rapidement à parler de Crowley. Pendragon a été publié par Orryelle dans Silkmilk. Il me dit qu’ici il ne faut s’étonner de rien, je repense au labyrinthe, qu’est-ce que je pouvais dire ? En tout cas, ses poèmes valent le coup, le mieux est sûrement de voir ses performances en live mais d’ici là : Paganarchy Press.
Le Manna Cafe
Steve, le gérant du Manna Cafe, ressemble à l’oncle Crowley comme deux gouttes d’eau et tient des satsang improvisés avec les visiteurs occasionnels de son bar-restaurant. On retrouve sur place de gens d’horizons très différents, des nomades, quelques artistes, un ou deux voyageurs de la rainbow family et même un vieux sâdhu qui passe en boucle des enregistrements audio pirates pris en 68. L’énergie y circule à haut spin dans une ambiance psyché au goût de l’instant présent. Il s’y passe ce que l’on y amène et chacun à l’occasion d’exprimer la potentialité de son être selon sa propre énergie. Sans doute aussi le seul endroit où l’on peut fumer de l’herbe sans être dérangé, un endroit à ne pas louper.. !
SKULL MAGICK – en théorie et en pratique
Crânes, crânes, crânes…
Des lits de crânes entourent ton trône Shiva.
Tout ce qui est doit mourir dans ta danse.
La langue avide de la Mère serpente, tapis cramoisi et sang,
Son yoni dégorge sur l’espace crématoire.
Enfante les aubes du Nouveau Monde, révèle la quintessence.
L’étincelle du chaos primordial s’élève des os-bastions de la mémoire.
Iridescence du Voile.
Anatomie occulte du crâne — rituel à Kali
Dans le désert du Smashan, sur les sentiers de Sa Présence.
Le crâne, Siège archétypal de la conscience à qui on a ôté le Verbe. Il lui manque la mâchoire. Et le scalp qu’on lui a fait laisse supposer qu’il a servi pour des rituels de la tradition aghori.
La partie supérieure, coupée, entonne le chant silencieux du point zéro, le Bramharandra, la Porte des Dieux. Elle est la transition entre l’axe vertical de la sushumna, par lequel s’élève la kundalini, et le plan horizontal imaginaire de la Déesse. La circonférence ainsi mise à nue évoque la voûte céleste, le corps de Notre Dame des Étoiles, dans lequel le prana, lorsqu’il y parvient, mène l’adepte au-delà de la mort. Le mage en perpétrant l’acte symbolique du scalp passe le voile de la déesse et ouvre la voie vers la couronne mystique, en Kéther. Se nourrissant des énergies contenues dans le sommet de la cavité, il s’empare du nectar d’Immortalité. Il consomme la sève des pratiques tantriques du serpent au centre du cercle, échappant ainsi à la loi des cycles. Les fossiles-strates de la mémoire sont évidés à la chaux. Par cette transcendance de la mort, il fixe son intention sur l’origine de l’arbre et place son étoile directement dans le yoni de la grande Mère. Pour qu’à nouveau une voix résonne.
Sois Hadit, mon centre secret, mon coeur & ma langue !
Le crâne repose sur un autel à base carrée, dédié à l’élément Terre, la structure du monde et la Loi de la Forteresse. Pour conjurer le sort, la prison des émissaires de la Loi, une flamme est allumée en son centre. Dans l’infinitude du vêtement-de-ciel de la déesse rayonne ainsi un cœur secret, qui appelle constamment à lui la libération de l’existence, et le jeu de leur amour, en un déploiement extatique, se fait le ravissement de l’énergie.
La Flamme se consume par le Feu de la Fin des Temps. En un endroit où la spirale se replie sur elle-même et laisse apparaître sur les écailles de l’ouroboros le mot Kaalagni. Elle entonne pour lui l’ultime conflagration de l’Univers, qui transmute toutes les apparences phénoménales dans l’Unité et la Présence du Soi, qui brûle dans tout cœur d’homme, et au noyau de chaque étoile. Elle est l’inévitable mutation de tout ce qu’Il n’est pas.
Car sa connaissance est la connaissance de la mort.
Le crâne repose à présent sur le fronton de la cité des pyramides, entre les piliers du Temple avec les 2 luminaires célestes, l’œil lunaire et l’œil solaire. L’apex a disparu dans l’obscurité humide de la Nuit. La gorge tranchée de l’adepte fait figure symbolique du maître du temple. Il récite les mantras de la déesse, pour conjurer le sort, le fardeau du magus en Hochmah, dont la malédiction du grade le contraint à formuler la loi de son être dans les lames cotutelles du Verbe. Il invoque à lui le nombre 23 par l’oeil et la croix a 8 branches et scelle son destin par le mot KAOS. Pour l’Art et la Magick.
Sur l’autel, la flamme concentre le changement perpétuel du jeu de Shakti autour de son axe, seul élément fixe sur lequel vient se lover le jeu de son impermanence.
Ainsi, la flamme est entretenue, pour que se s’élève droit le saint phallus et que l’adepte dans une dernière extase crie Io Pan ! Qu’il soit du centre du triangle et qu’apparaisse une traînée rouge sur son 3e œil, le saignement menstruel de la déesse, la fin et la renaissance des cycles, la foudre de l’Oeil de Mahakala. Ils imprègnent en son honneur leur front d’une poudre de safran rouge, le Kungumam. Et lorsque la Déesse met tout en œuvre pour son propre rituel, ils l’accompagnent par le sang. Om Kaliye Namah !
Sur le sanctuaire repose la crux ansata. Celle du pur Vouloir qui se déploie selon sa propre Loi, en parfaite adéquation avec l’Univers, elle est la clé de toutes les portes. Elle rayonne de sa propre lumière dans l’Amenti. Elle sait les vers qui rongent et les laveurs de corps au temps des pharaons. Dans les ombres du bûcher s’élève impériale la statue de Smashan Nath, le maître des lieux. Il est le gardien des âmes errantes, le psychopompe qui assiste au tracé du yantra devant ses yeux.
15 kalas, les 15 sécrétions subtiles de Son yoni, 15 nuits avant la lune noire. O Kali. Permets-nous ta connaissance, montre-nous la voie de ta sadhana, l’adoration du courroux qui dépasse les limitations du monde, Grande Mère. Aux pieds d’Arunachala. 15 PAN, Ayin, l’Oeil est aussi le phallus. Leur conjonction suggère le symbole du yoni-lingam. L’équivalence ontologique des opposés complémentaires. Seule vérité par delà de l’Abîme.
Les visualisations se font et se défont autour des 15 sommets du yantra. Les 3 cercles apparaissent dans l’éloignement du point d’impact, et permettent l’éclosion des 8 pétales de son lotus. Au centre de chaque pétale réside une yogini, et chaque direction est sous la bienveillance d’une des 8 formes des Matrikas, les déesses-mères :
Brahmi – est
Maheshvari sud-est
Kaumari (sud)
Vaishnavi (sud-ouest)
Varahi (ouest)
Aindri (nord-est)
Camunda (nord)
Narasimhi (nord-est)
Le nombre de 8 matrikas appelle à lui la condensation du rythme cosmique, sankoca, et son carré, le 64, symbolise l’émergence du matri-chakra ou matrimandala, son expansion. Le kapal, au centre du jeu cosmique, dans les mains de Shakti, sur le 3e oeil de Shiva, est consacré par la sainte Étoile Chaote.
La lumière de la bougie et du bûcher offre un spectacle d’une grande beauté, la montagne est bleue d’énergie. Entouré de poudre rouge le kapal semble baigner dans le sang, et les fleurs. Le trident de Shiva se dresse sur le haut du smashan. Sans doute un des plus beaux rituels qu’il m’ait été donné de voir.
SKULL MAGICK
Dans les traditions hindoues faisant usage des pratiques mortuaires les crânes sont d’abord nettoyés et servent de réceptacle à tout ce qui a trait à la nourriture, aux offrandes, à la purification et aux lavages du corps. Si l’on souhaite respecter la sadhana traditionnelle on devrait commencer par vénérer le crâne et s’en servir pour la mendicité pendant au moins 3 semaines puis prononcer voeu de renoncement. Une fois purifié le crâne sert comme autel, objet de dévotion, centre de pouvoir, condensateur symbolique.. Dans la tradition hindouiste, ‘celui qui porte le crâne ’ est appelé kapalika. L’origine de ce nom vient du fait que le kapalika assemble les noeuds karmiques et peurs des autres pour les incorporer au crâne qu’il a choisi. Les kapilka portent ainsi le kapal en imitation de Shiva-Bhairava qui après avoir coupé la 5e tête de Brahma, dut marcher dans les espaces crématoires, crâne à la main, jusqu’à trouver la place appropriée pour racheter son acte, et y laisser son fardeau. Après 12 ans de pénitence et par la grâce de Shakti, Bhairava arriva à Bénares sur le Mahasmashan et fut délivré de la charge du crâne.
« Mon cher dit Shiva, voici Brahmâ, la première divinité de l’Univers. Adore-le avec la lame aiguisée de ton épée rapide. »
Beaucoup des kapilika répètent cette pratique s’identifiant ainsi directement à Bhairava. La pénitence lui ayant servi à conjurer le plus lourd des karmas, elle est aussi l’opportunité de résorber avec elle tous les autres nœuds karmiques. D’après la tradition tibétaine, chaque crâne possède ses entités protectrices (srung ma) et dakinis propres ainsi que des esprits de nature plus maligne ( gnod byed) . D’après le gTer ma de Sangs rgyas gLing pa, un kapal devrait donc être consacré à une date astrologique particulièrement bénéfique. On devrait d’abord le laisser enterré 3 jours dans la boue ou l’argile ou à défaut l’immerger dans l’eau bouillante. On le prépare ensuite en le polissant et en le couvrant d’une onction d’essence parfumée. On continue la purification avec de la fumée d’encens (safran) et on récite des mantras particuliers. Puis, après avoir imbibé le crâne d’alcool, on y insère des représentations imagées des trois Racines ( rtsa gum – les trois refuges dits extraordinaires du tantrisme : guru, yidam et dakini ou dharmapala).
Les noms de la lignée des gurus sont ensuite inscrits dans la cavité interne et on y ajoute des effets personnels tels que de l’or, des pierres précieuses, des lotions médicinales, du camphre, des noix de muscade, du bois de santal et du musc, des médecines dharma, des fruits, fleurs, tissus, pattes de tigres, peau de léopard, ainsi que des textes du Mahamudra ou rDzogs chen.. Enfin, pour finir la consécration le yogi récite une invocation à Ye shes et scelle le crâne en l’enveloppant de tissu.
Voici deux mantras pour la pratique avec les crânes :
OM RATNA MAHAKAPALA SARVA SIDDHI PHA HUM HUM ou OM KAPALA BODHICITTA OM AH HUM
Grâce à ces rituels, le Kapala est ainsi transformé en véritable objet de culte, inspirant et motivant l’illumination.
Les Offrandes :
Plusieurs textes ésotériques tantriques font référence à l’usage du Kapal Patra (coupe de crâne).L’énergie de certaines déités y est dite se rassembler à certains endroits particuliers.
On y prépare ainsi des offrandes de nourriture et de boissons qui ‘apaisent la soif des dieux’ et dont la consommation est alors considérée comme un prasad. L’amrita étant sensée provenir des centres du crâne, dans les pratiques tantriques où l’on offre l’être limité a Ishta (dieu personnel) l’offrande à l’intérieur du crâne symbolise alors l’offrande d’amrita à Ishta et permet d’établir son trône dans le corps subtil. Dans les pratiques tantriques tibétaines, les crânes sont aussi utilisés comme récipients d’offrandes. On les remplit de jus de fruits frais symbolisant le nectar qui augmente le mérite, la vitalité, et la connaissance
Dans les rituels himalayens des hauts ordres tantriques ( yogatantra et Anuttaratantra), le crâne est aussi rempli d’alcool comme « offrande intérieure » (nang gi mchod) symbolisant les « cinq qualités de chaires » (sha inga) et les “cinq sortes de nectar » (bdud rtsi lnga). Dans d’autres rituels, on boit de l’alcool mélangé à des épices ou même du sang dans la coupe de crâne pour symboliser les déités courroucées buvant le sang de leurs victimes. Dans le système de l’Annutaratantra, des coupes de crânes sont utilisées séparément pour contenir des offrandes de sang et de semence pour les déités protectrices. En général du thé noir concentré auxquels on ajoute des pilules de Rakta sert de substitut au sang et de l’alcool blanc mélangé à de la médecine dharma fait office de semence. As we keepin’ it chaote, nous préférerons dire ici que le choix appartient au porteur. On accorde aussi dans certains rites spécifiques de pouvoir, une initiation secrète (gsang dbang) dans laquelle un nectar coulant de la coupelle d’un crâne purifie toutes les obstructions énergétiques, accorde l’expérience du Grand Vide (bde ba chen po) et qualifie l’adepte aux initiations du Sambhogakaya (les terres pures : l’expérience pure)
Comme support de vision :
Une fois purifié le crâne et ses énergies se réveleront un formidable émetteur de visions.
Dans les pratiques du Anuttaratantra, on se sert de la visualisation de son propre crâne comme réceptacle dans lequel on imagine son corps bouillir et se dissoudre en un nectar infini qui “satisfait autant le haut que le bas.” De même le crâne peut servir dans d’autres visualisations comme réceptacle pour l’offrande des organes des 5 sens aux divinités courroucées. Un crâne particulièrement choisi et préparé pourra se révéler être bien plus qu’un simple objet rituel. Un yogi pourra se servir d’un crâne consacré comme instrument de vision et médium prophétiques. Il pourra y lire dans ses lignes l’avancée de sa propre réalisation spirituelle ainsi que les obstacles karmiques qu’il devra affronter mieux que dans les propres lignes de sa main. Une certaine tradition orale dictée par un sNags pa tibétain révèle qu’on peut se servir d’un crâne pour les visions prophétiques ainsi : Le filon à l’intérieur du crâne représente les obstacles auxquels le défunt a dû se confronter dans sa vie. Les marques positives montrent les qualités dont il a fait preuve. L’os est ici considéré comme matière organique vivante. On suppose donc que le les marques positives et négatives du défunt vont à leur tour influencer le porteur du crâne et avoir des conséquences directes sur son développement spirituel. L’adepte tantrique utilisera donc ses siddhis pour transformer les propriétés karmiques du crâne en les intégrant mentalement dans son propre mandala. De cette manière, un yogi peut aussi prévoir les obstacles intérieurs et extérieurs qu’il aura à affronter dans ses pratiques en relation avec le kapal.
Pour les exorcismes :
Dans les traditions tantriques des Himalayas le crâne serait également utilisé depuis longtemps comme arme magique. Le khatvanga, par exemple, arme constituée généralement d’un os de jambe et surmontée d’un crâne humain aurait été utilisée par Padmasambhava comme baguette d’exorcisme contre les démons locaux. Dans la lignée des premières traditions shamaniques d’Inde il aurait donc servi comme objet de pouvoir, auquel on attribue généralement la protection de plusieurs dakinis. Il est aussi associé ou remplacé par le trident auquel on attribue la Victoire de la Déesse sur les 3 mondes : sur la terre, au-dessus de la terre et sous la terre, les 3 temps (passe présent futur et les 3 poisons ( ignorance, désirs, et aversion)
Des rives dites verses
Dans la non-dualité nous sommes un.
Dans la synthèse des contraires, nous sommes aucun.
Je n’ai même pas envie d’écrire ce texte, tout juste de tout cramer.
Je reste là, seul, et j’essaye d’oublier d’attendre.
D’oublier que les autres ne sont que des ombres de nous-mêmes.
Des morceaux de mondes dispersés çà et là pour nous confronter à l’attente.
De plus en plus vite. Je glisse, je n’ai pas (ou peut-être plus) peur, mais quelque chose en moi résiste de toutes ses forces, lutte à la mort, crie que non ! le Grand Néant ne m’aura pas, qu’il me reste des choses à vivre et pourtant alors que ces mêmes pensées me viennent à l’esprit tout mon être tombe.
Je ne peux pas résister, je ne peux même pas. Je tombe.
Aspiré par le Vide, sans rien, sans espoir ni envies. Sans peine.
Oublier ma rage de faire, oublier ma corde et oublier mes nœuds.
Je glisse dans le Vide universel, l’espace sacré. Et contiens le cercle.
Dans une mer de Silence sonne le mantra Om.
SHIVARATRI – La Grande Nuit de Shiva
La nuit de Shivaratri fut je crois pour la plupart des personnes de Tiru simplement une nuit de plus dédiée à Shiva, rien de particulier en somme mis à part que c’était lune noire, et ça devait certainement avoir son rôle dans le grand nettoyage annuel. Les tourbillons devaient sortir, en particulier le lendemain.
Choronzon est un océan de fenêtres fractales. Une mer de crânes sur des compositions géométriques. Des mandibules de milliers de cubes aux faces de lettres, d’yeux et de bouches. De processus sans failles. Une trappe de l’esprit, une prison mentale.
Après avoir fumé un spliff je me retrouve confronté à une sorte de virus mental, sans doute le plus récalcitrant et le plus complexe auquel j’ai eu à faire. Cela faisait quelques jours que lors des sessions au miroir et des voyages de l’esprit j’avais des apparitions assez nettes de processus mécaniques articulés autour de cubes, genres de casse-têtes chinois se répétant à l’infini. Je voyais aussi lors de ces mêmes sessions apparaître comme des représentations holographiques du symbole du caducée. Sans doute une préparation a ce que je devais affronter, et comprendre cette nuit-là.
J’avais donc devant moi, merci à Morgan de m’avoir aiguillé, la représentation visuelle de processus mentaux enfermant l’être dans une suite périodique sans fin d’actions et de réactions. Un automate se nourrissant de l’énergie du Pur Vouloir pour étouffer sa présence. Bien que de futures explorations m’aient amené à considérer un lien de complémentarité, j’étais sur le plan physique immobilisé, totalement immergé par ces processus, obnubilé par la vision, sans moyen de m’en séparer. Un bon temps se passa sans que je puisse lutter, enfermé dans cette construction mentale, quand soudainement une vision s’imposa d’elle-même à moi : un étincelant chariot de feu se mit à rayonner intensément au centre du casse-tête. Il semblait fait entièrement de braises et tout en restant immobile exprimait véritablement l’idée de liberté et de mouvement. La vision s’intensifia encore et l’intuition me poussa à prendre une feuille et un stylo. J’acquis alors intuitivement la connaissance, en quelques instants, de ce qu’il me faudrait faire pour sceller l’entité et limiter l’influence d’esprits courroucés. Je dessinais alors une série de sigils et de lignes géométriques pour confondre l’entité.
J’avais trouvé ma sortie. conjuré le sort.
Les fortes énergies qui émanent d’Arunachala attirent et font ressortir le bon comme le mauvais. Tout prend une autre intensité au pied de la montagne de Shiva. Il m’a été amené plusieurs fois dans mes pratiques à considérer des chiens qui aboient sans raison ou des personnes aux attitudes étranges comme momentanément possédées. Mais quand cela devait arriver, je trouvais naturellement en moi les ressources pour mettre ces manifestations d’entités à distance, comme si les moyens m’étaient soufflés. Il est dit que les siddhis apparaissent naturellement lorsque l’on suit une sadhana et qu’ils peuvent permettre de repousser les entités malignes par la confrontation à une plus grande Réalité. J’ai toujours considéré le travail avec les forces tapies dans l’inconscient comme une partie essentielle du chemin. Et une des choses que j’ai apprises est que lorsqu’on se retrouve dans de pareilles circonstances, la confiance et l’abandon total de soi à l’Univers est une clé qui peut nous sortir de bien des situations.
The Outer Path – 09/02/09
« Véritable mandala universel, elle est l’objet d’un fantastique rituel de circumambulation (pradakshinâ) jalonnée de temples, de sanctuaires, de bassins sacrés, de chapelles ainsi que de huit lingas indiquant les huit directions de l’espace à transcender.”
Arunâchala, la montagne de Shiva par Michel Coquet.
Chaque mois, pour la pleine lune, les habitants des villages voisins et de Tiruvanamalai se réunissent pour faire le tour de la montagne sacrée. La marche est dédiée a Shiva et se fait habituellement pieds nus par respect pour la divinité. Le parcours forme un cercle de 14km qui suit la route principale en passant en tout devant une trentaine de temples. J’ai normalement rendez-vous avec un Israélien rencontré le jour même au Manna Café devant la projection d’un film, Vengo, sur la musique tzigane. Je décide cependant de faire le parcours seul.
Je mettrai en tout quasiment 5 heures, ayant rapidement quitté mes tongs. Tout se passe à l’intérieur, mantras et visualisation, sigils et charge et la marche, la marche. Et la marche. Le mental décroché, seuls les mouvements sont là, même les prières semblent être au loin et sortir de cette enveloppe autour de moi. Le temps n’a plus de substance, il n’y a plus à nouveau que la voie et le feu qui brûle sur les parvis, le foyer de l’énergie du cœur qui consacre la poudre blanche et rouge sur le front. Rouge pour le sang menstruel, le feu. Blanc pour la purification, la paix. Il me manquait un peu de noir.
Après environ 3 heures de déambulation, cet autre qui me contient s’écarte vers une petite maison sur le côté. Il y a un chemin, étroit, à l’écart, que je suis sans trop chercher pourquoi. Au bout de quelques mètres, j’aperçois un amas de grands rochers qui forment un petit dôme face à la montagne. Je l’escalade et me retrouve sur un point en hauteur, au centre du plus haut rocher, devant un lingam naturel formé par des plantes sèches. J’avais mon espace parfait pour un nouveau rituel. J’embrase le lingam de feuilles séchées et peints quelques sigils pour la montagne. La poudre des braises me rappellent le limon, la fertilisation de la terre de Khem. L’emportement des signes vers les régions subtiles. Je remercie la montagne et considère les cendres. J’avais ma poudre noire.
À la fin de ma circumambulation, je suis assez étonné de trouver l’Israélien à notre point de rencontre, comme s’il semblait m’attendre. Après 5 heures de marche de nuit, je suis content de retrouver un compañero avec qui calciner quelques tafs d’herbe. Je lui fais part de cette étrange sensation que procure la marche autour de la montagne : vous avancez sur une route quasiment droite et vous retrouvez après quelques heures exactement au même point que vous avez quitté. Ardhanarishvara l’horizon est un cercle. Nous en venons assez naturellement à parler ensuite guématrie et chaos. Il me dit que son prénom, Zatu, signifie « un phénomène impalpable et insensé » et a précisément pour valeur numérique 23. Puis il ajoute qu’il s’est fait tatoué avant son départ en Inde pour marquer le départ d’un nouveau cycle dans sa vie, et me présente le signe d’un point d’exclamation en forme de foudre qu’il a baptisé point d’ironie. Comprenez qu’à 4 heures du matin, alors que vous venez de finir 14 kilomètres de marche autour de la montagne de Shiva, ce genre de signes vous fait plus que sourire. Ce fut pour moi le mot de la fin, me résumant en quelques minutes un mois lunaire d’expériences sur la montagne sacrée d’Arunachala.
23 ! Om Namah Shivaya
Liens
le site du Aloha Temple, le blog de Pleromon.
Sources
Arunachala, le Seigneur Shiva, Arunachaleshwar, Tiruvanamalai, Morgan, Pablo, et toutes les personnes qui ponctuent le chemin.