Les Qliphoth au sein de la magie occidentale par Spartakus FreeMann
Les Qliphoth – en hébreu, קליפות, parfois orthographié Klipoth ou qelipoth – qui signifient « écorces » ou « coquilles », se réfèrent aux forces du mal ou aux impuretés de la matière dans le cadre de la Création. On les rencontre aujourd’hui un peu partout, de la magie cérémonielle à la Kabbale pratique, en passant par des détours étonnants comme la Wicca ou le runisme moderne. Ce concept étant majeur dans l’occultisme contemporain, il m’a semblé utile de fournir quelques repères à ceux qui désireraient se frotter aux jumeaux maléfiques de l’Arbre de Vie.
« Tout ce qui, dans la Vie, est corrompu, contraire aux éternels dessins de l’ABSOLU, éternellement rejeté par Lui, doit être expulsé et cette sorte d’exécration métaphysique a lieu dans l’Arbre Inversé, l’ARBRE DE MORT, hors de l’ÉPOUSE, dans la PROSTITUÉE »
Robert Ambelain – La Kabbale Pratique, éd. Bussière.
Avant que Grant ne délire sur les Qliphoth, lancées telles des métros fous dans des tunnels de cinq à Set, on les trouve dans les œuvres d’Aleister Crowley – qui en donne les correspondances dans son Liber 777 – et dans les écrits de la Golden Dawn où, faute de définitions claires, on les associe pratiquement à des entités démoniaques. L’occultiste aimant les termes hébreux abscons – ça donne l’air intelligent – et tout ce qui touche à la tourbe vicieuse d’une magie noire qu’il se voudrait combattre tout en couchant avec, les Qliphoth sont devenues au fil du temps un fourre-tout assez ténébreux.
Le terme Qliphoth s’origine dans la Kabbale juive où il représente les forces maléfiques attachées aux différentes Sephiroth. La source première semble se trouver dans le Talmud, traité Souca 52a & traité Eroubin 19a.
Ultérieurement, dans le Zohar, plus particulièrement les passages sur Ruth, ou Midrash ha-Neelam sur Ruth 79b, nous pouvons lire un passage où l’on nous parle du penchant du mal qui possède sept noms : Mauvais, Impur, Satan, Ennemi, Pierre d’achoppement, Incirconcis, Tsafoni. La Géhenne a sept noms (voir Pirqé de Rabbi Eliézer chapitre 53) : Puits, Oubliette, Silence, Bourbier, Sheol, Ombre de Mort, Terre d’en dessous.
Les Qliphoth dans le système de la Golden Dawn.
Eliphas Levi en parle dans ses ouvrages : selon lui, « les Qliphoth » représentent le monde des écorces, des épluchures ou coquilles vides, des résidus psychiques, qui se développent à côté des Sephiroth.
MacGregor Mathers effectue un parallèle entre ces écorces et les Sept Rois d’Edom et il suggère qu’elles résultent, en fait, d’un déséquilibre du Pilier de la Miséricorde. La Golden Dawn n’est pas très prolixe sur les Qliphoth mais l’on retrouve cependant dix dénominations qui seraient les reflets des 10 Sephiroth :
Aretz (Le Monde, Terre du dessous),
Sheol (La Fosse),
Abron (La Perdition),
Tit Aïsoun (L’Ordure),
Bershoat (Le Puits),
Irasthoum (L’Ombre de la Mort),
Ozlomoh (Les Portes de la Mort),
Géhenne (La Vallée du Sommeil),
Gehenoum (La Vallée de l’Oubli),
Gehenomoth (La Vallée de la Mort).
Nous retrouverons cette classification, entre autres, chez Ambelain qui s’épanchera dans sa Kabbale Pratique sur les qualités méphitiques des Qliphoth, les associant avec des entités bien connues de la démonologie :
Aretz (Le Monde) – Behemoth (la Bête) – Femme Écarlate parée d’or assise sur une hydre écarlate à sept têtes et dix cornes. Correspond à la Sephirah Malkhuth.
Sheol (La Fosse) – Mammon (La Cupidité) – Femme cornue montée sur un taureau, vêtue de blanc et de vert, deux serpents s’enroulent à ses cornes et à chacun de ses pieds et de ses mains. Correspond à la Sephirah Yesod.
Abron (La Perdition) – Astaroth (L’Espion) – Homme à cheval sur un paon, aux pieds d’aigle, une crête sur la tête tenant du feu dans sa main gauche. Correspond à la Sephirah Hod.
Tit Aïsoun (L’Ordure) – Abbadon (L’Exterminateur) – Femme à tête d’oiseau et aux pieds d’aigle tenant une flèche dans sa senestre. Correspond à la Sephirah Netzach.
Bershoat (Le Puits de l’Abîme) – Meririm (Le Démon de Midi) – Roi couronné vêtu de jaune assis sur un trône avec un corbeau en son sein et sous ses pieds un globe. Correspond à la Sephirah Tiphereth.
Irasthoum (L’Ombre de la Mort) – Shatan (L’Adversaire) – Homme armé, monté sur un lion à la dextre une épée nue et à la senestre une tête d’homme. Correspond à la Sephirah Guebourah.
Ozlomoh (Les Portes de la Mort) – Asmodée (L’Exécutant) – Homme à tête de bélier aux pieds d’aigle et vêtu de jaune. Correspond à la Sephirah Hessed.
Géhenne (La Vallée du Sommeil) – Bélial (Le Rebel) – Homme à tête de cerf, assis sur une pierre d’aimant, elle-même sur un dragon. Pieds de chameau, tient une faux à sa main droite et une flèche à la gauche. Correspond à la Sephirah Binah.
Gehenoum (La Vallée de l’Oubli) – Python (le Serpent) – Léopard ayant sept têtes et dix cornes aux pieds d’ours et aux gueules de lions. Correspond à la Sephirah Hokhmah.
Dans le Livre du Serpent Noir, essai publié vers 1900 pour les initiés de la l’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée au sein du Temple Isis-Urania, nous retrouvons clairement 10 Qliphoth et leurs serviteurs associés aux 9 planètes et au soleil :
Nous avons également Sept habitations infernales :
1. Sheol – les Profondeurs de la Terre.
2. Abaddon – Perdition.
3. Titahion – la Glaise de la Mort.
4. Ber Shacheth – le Lieu de Destruction.
5. Tzelmoth – les Ombres de la Mort.
6. Shaari Moth – Les Portes de la Mort.
7. Gehinnom – l’Enfer.
Dans d’autres écrits, nous retrouvons cette tendance à associer les Qliphoth, comme les Sephiroth, à de simples forces ou entités démoniaques.
Crowley, Regardie et la Magick.
Avec Crowley et son système magick, les Qliphoth deviennent un élément de pure démonologie où nous retrouvons une fois de plus 10 ordres qliphotiques de démons (reflet des 10 ordres angéliques), 3 puissances et 22 démons qui reflètent les 22 lettres de l’alphabet hébreu…
Crowley, dans son Liber 777 (1) (une forme de lexique et de tables de correspondances magiques), donne sa propre version des 10 Qliphoth :
Dans la tradition thélémite, le nombre 11 est associé aux Qliphoth. Grant commet une confusion en pensant que ce nombre se réfère à la Sephirah Da’ath, onzième Sephirah cachée dans l’Arbre de Vie. S’il en donne une vision négative que celle-ci n’a pas dans la mystique kabbalistique, c’est sans doute par manque de connaissance. Car il est assez évident, si l’on regarde le tableau ci-dessus, que nous avons bien, dans l’Arbre Qliphotique, 11 énergies distinctes puisque Satan et Moloch se partagent l’empire de Thaumiel. Le 11 est interprété comme symbole du chaos et de la dualité (1+1=2).
C’est le disciple de Crowley, Israel Regardie, qui fera des Qliphoth un Arbre inversé à part entière, miroir de celui de l’Arbre de Vie des dix Sephiroth, le rapprochant ainsi de la Main Gauche de Dieu, de son antithèse, autrement dit Samaël.
Selon Israel Regardie, l’Arbre des Qliphoth est constitué de 10 sphères qui sont les opposés des 10 émanations ou Sephiroth de l’Arbre de Vie. Il s’y réfère d’ailleurs en les nommant les « arbres jumeaux ». À la suite de Waite, il préférera les vocables de « Sephiroth inversées » et de « Sentiers inversés » afin de définir les Qliphoth.
Plus tard, Grant, se basant sur le travail de Crowley, élaborera son système du Typhonian OTO sur l’idée des 22 tunnels de Seth, parallèle évident avec les 22 lettres ou 22 sentiers reliant les 10 Sephiroth. Grant voit ces tunnels comme une création de « vibrations vaginales » et des « fluides » qui en découlent (voir à ce propos les pages 131 à 153 de Nighside of Eden) !
Toujours dans le même ouvrage, Grant écrit : « le présent ouvrage, basé sur un très sinistre grimoire connu comme le Liber 231, perpétue la transmission du Courant 93 tel qu’il fut ravivé par Crowley au 20e siècle » (Nightside of Eden, page xii) plus loin il ajoute : « Le Liber 231 traite des 22 lames du tarot de Thoth telles qu’appliquées aux 22 Sentiers de l’Arbre de Vie et aux 22 Cellules des Qliphoth. Crowley a abondamment traité des 22 Arcanes mais il n’a rien écrit au sujet des 22 Cellules des Qliphoth ou des Tunnels de Set sous les Sentiers. »
L’illustration ci-dessus est la table des sceaux des Qliphoth correspondant aux 22 lettres hébraïques, aux 22 Arcanes du Tarot et aux 22 Canaux de l’Arbre des Sephiroth. Elle fut publiée par Crowley dans son Liber CCXXXI dans l’édition de The Equinox (volume 1, numéro 7) en 1912.
Les Qliphoth ou Sephiroth inversées.
Les occultistes et magiciens œuvrant avec les Qliphoth tentèrent de définir plus précisément la nature « mystique » de leurs énergies. Les quelques pages de Regardie et de Crowley sur le sujet seront développées par Bill Heidrick – grand trésorier de l’OTO – en un système qui n’est pas sans rappeler celui d’Ambelain au début de cet article.
Thamiel représente la dualité là où Kether représente l’unité. C’est la sphère de la division ainsi que l’étymologie du nom le laisse supposer : Thaum en hébreu signifie « jumeau » ou « dualité ».
Aghagiel représente la confusion.
Satariel représente l’enfermement de la nature parfaite là où Binah en est le premier dévoilement.
Gha’ashekah représente le gaspillage de la substance créatrice là où Hessed est la source de la concentration des idées et de la substance des formes créées.
Golahab est la sphère de la destruction par le feu – Guebourah est le siège de la force.
Thagiriron est le siège de la laideur et du désespoir à l’inverse de Tiphereth qui est le centre de la beauté et de la joie.
A’arab Zaraq est la sphère de la haine, des autres et de soi-même.
Samaël représente le monde de la désolation et de la chute de création.
Gamaliel regroupe tout ce qui est malformé et vicié, à l’inverse de Yesod qui est la source de toutes les formes parfaites de Malkhuth.
Lilith est le monde effrayant de la nuit et des lieux abandonnés d’une création défaillante et imparfaite.
Les noms que nous retrouvons dans cette liste de démons sont soit des noms de dieux anciens (Astaroth, Baal…) soit des démons de l’Ancien Testament ou de la mythologie chrétienne (Moloch, Lilith, Satan, Belzébuth) soit, pour Adramalech, un personnage de l’Ancien Testament (2). On remarquera que deux démons sont associés à la Qlipah opposée à Kether afin de souligner l’état de division de cette sphère.
Nous voici arrivés au terme de ce court voyage dans les abysses sombres de la nuit sans fin des émois torturés de la Grande Prostituée… Oups, pardon, je m’emporte – l’abus de Qliphoth nuit à l’équilibre des forces mentales.
Le système des Qliphoth, s’il remonte à la mystique juive, est très récent dans ses développements magiques et ceux qui en ont étendu la portée ne l’ont fait que dans le but de fonder leur propre système (nous pensons à Grant). Détaché de sa base judaïque spécifique le symbole qliphothique n’est qu’un nouveau masque posé sur la face du satanisme ; au mieux c’est une justification de l’attirance pour le glauque et au pire un jeu pervers ou une arnaque mystique.
Là où l’occultisme nous donne 10 noms, la Kabbale nous en donne 7 ; en outre, les textes hébreux ne nous parlent pas d’un Arbre inversé constitué de 10 anti-Sephiroth, seulement de noms donnés au penchant du mal, le sitra ha-ra, que l’on nomme l’Autre Côté. C’est ce Sitra Ha-Ra que les occultistes ont transformé en Arbre inversé, pensant par la lecture de certains passages du Zohar, que le l’autre Côté devait être constitué sur le même modèle que celui des 10 Sephiroth.
Le Sitra Ha-Ra est composé des Qlipoth du monde de la Qlipah, ces Qlipoth sont les coquilles matérielles, déchets de la création et en qui réside la chute de l’état de perfection. Leur formation est expliquée en détail par la Kabbale lourianique et sa théorie du Tsimtsoum. En réalité, les Qlipoth sont attachées à chaque Sephira en un même lieu et un même temps. Pas d’Arbre inversé donc, mais une coexistence de deux mondes. Les Qlipoth ne sont pas 10 sphères indépendantes, mais 10 résidus « maléfiques » (dans le sens d’aller à l’encontre de la création) qui s’attachent aux 10 Sephiroth.
J’aimerais à présent conclure de manière envolée et lyrique en citant Frater Na’hash – ce Frère qui est comme une sœur pour moi – : « S’en est donc fini des délires occultistes qui voudraient faire travailler sur un soi-disant Arbre inversé & ses Sentiers infernaux. Le travail se fait ici, dès & en Malkhut. Le Mal, pour lui donner un nom, co-existe à notre monde, & pour s’en convaincre il suffit de regarder les informations du soir. Nul besoin de royaumes sombres cachés sous la sphère de notre monde. »
Les Qliphoth au sein de la magie occidentale, Spartakus FreeMann, octobre 2009 e.v.
Notes :
(1) Colonnes du Liber 777 relatives aux Qliphoth :
– CVI, CVII— »The Ten Hells in Seven Palaces »
– CXXV, CXXVI— »Seven Hells of the Arabs » and « Their Inhabitants »
– VIII, CXXIII— »Orders of Qliphoth »
– CVIII— »Some Princes of the Qliphoth »
– LXVIII— »The Demon Kings »
(2) Fils du roi assyrien Sennacherib cité dans 2 Rois 19:37 et Isaïe 37:38.
Les Qliphoth au sein de la magie occidentale par Spartakus FreeMann
Les Qliphoth – en hébreu, קליפות, parfois orthographié Klipoth ou qelipoth – qui signifient « écorces » ou « coquilles », se réfèrent aux forces du mal ou aux impuretés de la matière dans le cadre de la Création. On les rencontre aujourd’hui un peu partout, de la magie cérémonielle à la Kabbale pratique, en passant par des détours étonnants comme la Wicca ou le runisme moderne. Ce concept étant majeur dans l’occultisme contemporain, il m’a semblé utile de fournir quelques repères à ceux qui désireraient se frotter aux jumeaux maléfiques de l’Arbre de Vie.
Avant que Grant ne délire sur les Qliphoth, lancées telles des métros fous dans des tunnels de cinq à Set, on les trouve dans les œuvres d’Aleister Crowley – qui en donne les correspondances dans son Liber 777 – et dans les écrits de la Golden Dawn où, faute de définitions claires, on les associe pratiquement à des entités démoniaques. L’occultiste aimant les termes hébreux abscons – ça donne l’air intelligent – et tout ce qui touche à la tourbe vicieuse d’une magie noire qu’il se voudrait combattre tout en couchant avec, les Qliphoth sont devenues au fil du temps un fourre-tout assez ténébreux.
Le terme Qliphoth s’origine dans la Kabbale juive où il représente les forces maléfiques attachées aux différentes Sephiroth. La source première semble se trouver dans le Talmud, traité Souca 52a & traité Eroubin 19a.
Ultérieurement, dans le Zohar, plus particulièrement les passages sur Ruth, ou Midrash ha-Neelam sur Ruth 79b, nous pouvons lire un passage où l’on nous parle du penchant du mal qui possède sept noms : Mauvais, Impur, Satan, Ennemi, Pierre d’achoppement, Incirconcis, Tsafoni. La Géhenne a sept noms (voir Pirqé de Rabbi Eliézer chapitre 53) : Puits, Oubliette, Silence, Bourbier, Sheol, Ombre de Mort, Terre d’en dessous.
Les Qliphoth dans le système de la Golden Dawn.
Eliphas Levi en parle dans ses ouvrages : selon lui, « les Qliphoth » représentent le monde des écorces, des épluchures ou coquilles vides, des résidus psychiques, qui se développent à côté des Sephiroth.
MacGregor Mathers effectue un parallèle entre ces écorces et les Sept Rois d’Edom et il suggère qu’elles résultent, en fait, d’un déséquilibre du Pilier de la Miséricorde. La Golden Dawn n’est pas très prolixe sur les Qliphoth mais l’on retrouve cependant dix dénominations qui seraient les reflets des 10 Sephiroth :
Nous retrouverons cette classification, entre autres, chez Ambelain qui s’épanchera dans sa Kabbale Pratique sur les qualités méphitiques des Qliphoth, les associant avec des entités bien connues de la démonologie :
Dans le Livre du Serpent Noir, essai publié vers 1900 pour les initiés de la l’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée au sein du Temple Isis-Urania, nous retrouvons clairement 10 Qliphoth et leurs serviteurs associés aux 9 planètes et au soleil :
Nous avons également Sept habitations infernales :
1. Sheol – les Profondeurs de la Terre.
2. Abaddon – Perdition.
3. Titahion – la Glaise de la Mort.
4. Ber Shacheth – le Lieu de Destruction.
5. Tzelmoth – les Ombres de la Mort.
6. Shaari Moth – Les Portes de la Mort.
7. Gehinnom – l’Enfer.
Dans d’autres écrits, nous retrouvons cette tendance à associer les Qliphoth, comme les Sephiroth, à de simples forces ou entités démoniaques.
Crowley, Regardie et la Magick.
Avec Crowley et son système magick, les Qliphoth deviennent un élément de pure démonologie où nous retrouvons une fois de plus 10 ordres qliphotiques de démons (reflet des 10 ordres angéliques), 3 puissances et 22 démons qui reflètent les 22 lettres de l’alphabet hébreu…
Crowley, dans son Liber 777 (1) (une forme de lexique et de tables de correspondances magiques), donne sa propre version des 10 Qliphoth :
Dans la tradition thélémite, le nombre 11 est associé aux Qliphoth. Grant commet une confusion en pensant que ce nombre se réfère à la Sephirah Da’ath, onzième Sephirah cachée dans l’Arbre de Vie. S’il en donne une vision négative que celle-ci n’a pas dans la mystique kabbalistique, c’est sans doute par manque de connaissance. Car il est assez évident, si l’on regarde le tableau ci-dessus, que nous avons bien, dans l’Arbre Qliphotique, 11 énergies distinctes puisque Satan et Moloch se partagent l’empire de Thaumiel. Le 11 est interprété comme symbole du chaos et de la dualité (1+1=2).
C’est le disciple de Crowley, Israel Regardie, qui fera des Qliphoth un Arbre inversé à part entière, miroir de celui de l’Arbre de Vie des dix Sephiroth, le rapprochant ainsi de la Main Gauche de Dieu, de son antithèse, autrement dit Samaël.
Selon Israel Regardie, l’Arbre des Qliphoth est constitué de 10 sphères qui sont les opposés des 10 émanations ou Sephiroth de l’Arbre de Vie. Il s’y réfère d’ailleurs en les nommant les « arbres jumeaux ». À la suite de Waite, il préférera les vocables de « Sephiroth inversées » et de « Sentiers inversés » afin de définir les Qliphoth.
Plus tard, Grant, se basant sur le travail de Crowley, élaborera son système du Typhonian OTO sur l’idée des 22 tunnels de Seth, parallèle évident avec les 22 lettres ou 22 sentiers reliant les 10 Sephiroth. Grant voit ces tunnels comme une création de « vibrations vaginales » et des « fluides » qui en découlent (voir à ce propos les pages 131 à 153 de Nighside of Eden) !
Toujours dans le même ouvrage, Grant écrit : « le présent ouvrage, basé sur un très sinistre grimoire connu comme le Liber 231, perpétue la transmission du Courant 93 tel qu’il fut ravivé par Crowley au 20e siècle » (Nightside of Eden, page xii) plus loin il ajoute : « Le Liber 231 traite des 22 lames du tarot de Thoth telles qu’appliquées aux 22 Sentiers de l’Arbre de Vie et aux 22 Cellules des Qliphoth. Crowley a abondamment traité des 22 Arcanes mais il n’a rien écrit au sujet des 22 Cellules des Qliphoth ou des Tunnels de Set sous les Sentiers. »
L’illustration ci-dessus est la table des sceaux des Qliphoth correspondant aux 22 lettres hébraïques, aux 22 Arcanes du Tarot et aux 22 Canaux de l’Arbre des Sephiroth. Elle fut publiée par Crowley dans son Liber CCXXXI dans l’édition de The Equinox (volume 1, numéro 7) en 1912.
Les Qliphoth ou Sephiroth inversées.
Les occultistes et magiciens œuvrant avec les Qliphoth tentèrent de définir plus précisément la nature « mystique » de leurs énergies. Les quelques pages de Regardie et de Crowley sur le sujet seront développées par Bill Heidrick – grand trésorier de l’OTO – en un système qui n’est pas sans rappeler celui d’Ambelain au début de cet article.
Les Ordres démoniaques.
Nous donnons l’une des versions les plus courantes d’ordres démoniaques associés aux Qliphoth :
Les noms que nous retrouvons dans cette liste de démons sont soit des noms de dieux anciens (Astaroth, Baal…) soit des démons de l’Ancien Testament ou de la mythologie chrétienne (Moloch, Lilith, Satan, Belzébuth) soit, pour Adramalech, un personnage de l’Ancien Testament (2). On remarquera que deux démons sont associés à la Qlipah opposée à Kether afin de souligner l’état de division de cette sphère.
Nous voici arrivés au terme de ce court voyage dans les abysses sombres de la nuit sans fin des émois torturés de la Grande Prostituée… Oups, pardon, je m’emporte – l’abus de Qliphoth nuit à l’équilibre des forces mentales.
Le système des Qliphoth, s’il remonte à la mystique juive, est très récent dans ses développements magiques et ceux qui en ont étendu la portée ne l’ont fait que dans le but de fonder leur propre système (nous pensons à Grant). Détaché de sa base judaïque spécifique le symbole qliphothique n’est qu’un nouveau masque posé sur la face du satanisme ; au mieux c’est une justification de l’attirance pour le glauque et au pire un jeu pervers ou une arnaque mystique.
Là où l’occultisme nous donne 10 noms, la Kabbale nous en donne 7 ; en outre, les textes hébreux ne nous parlent pas d’un Arbre inversé constitué de 10 anti-Sephiroth, seulement de noms donnés au penchant du mal, le sitra ha-ra, que l’on nomme l’Autre Côté. C’est ce Sitra Ha-Ra que les occultistes ont transformé en Arbre inversé, pensant par la lecture de certains passages du Zohar, que le l’autre Côté devait être constitué sur le même modèle que celui des 10 Sephiroth.
Le Sitra Ha-Ra est composé des Qlipoth du monde de la Qlipah, ces Qlipoth sont les coquilles matérielles, déchets de la création et en qui réside la chute de l’état de perfection. Leur formation est expliquée en détail par la Kabbale lourianique et sa théorie du Tsimtsoum. En réalité, les Qlipoth sont attachées à chaque Sephira en un même lieu et un même temps. Pas d’Arbre inversé donc, mais une coexistence de deux mondes. Les Qlipoth ne sont pas 10 sphères indépendantes, mais 10 résidus « maléfiques » (dans le sens d’aller à l’encontre de la création) qui s’attachent aux 10 Sephiroth.
J’aimerais à présent conclure de manière envolée et lyrique en citant Frater Na’hash – ce Frère qui est comme une sœur pour moi – : « S’en est donc fini des délires occultistes qui voudraient faire travailler sur un soi-disant Arbre inversé & ses Sentiers infernaux. Le travail se fait ici, dès & en Malkhut. Le Mal, pour lui donner un nom, co-existe à notre monde, & pour s’en convaincre il suffit de regarder les informations du soir. Nul besoin de royaumes sombres cachés sous la sphère de notre monde. »
Notes :
(1) Colonnes du Liber 777 relatives aux Qliphoth :
– CVI, CVII— »The Ten Hells in Seven Palaces »
– CXXV, CXXVI— »Seven Hells of the Arabs » and « Their Inhabitants »
– VIII, CXXIII— »Orders of Qliphoth »
– CVIII— »Some Princes of the Qliphoth »
– LXVIII— »The Demon Kings »
(2) Fils du roi assyrien Sennacherib cité dans 2 Rois 19:37 et Isaïe 37:38.