Par Courtepattes
I – Qu’est-ce qu’un Possible ?
Dans le champ des réalités, chaque individu possède un espace de potentiel propre dans lequel ses actions peuvent s’inscrire. L’interaction avec la réalité est donc limitée à cet espace ; seulement, cet espace de potentiel n’est pas fixe : il varie selon le Possible qui possède l’être. C’est là qu’intervient la nécessité de définir le Possible.
Le Possible est un Démon, c’est-à-dire une entité hors du réel et indépendante de toute caractérisation matérielle, à même de s’incarner et de se manifester à la réalité par un mécanisme de possession des corps. Ici, il s’agit non pas exactement de démons intérieurs, mais plutôt de démons individuels, propres à chacun. Le vécu dans une réalité donnée peut donc se modéliser comme une succession d’incarnations, une succession de possessions de l’être par les Possibles qui viennent chaque fois recomposer à leur manière propre et fixée l’espace de potentiel de l’individu possédé. L’espace de potentiel est donc polymorphe, mais le nombre de ses transformations est a priori fini, et directement égal au nombre de Possibles accompagnant l’individu, lesquels constituent ce qui sera nommé par la suite le Cercle des Possibles. On admettra aussi le postulat selon lequel il ne peut y avoir possessions simultanées de l’être par différents Possibles, et qu’un seul et unique Possible à la fois est susceptible de s’incarner.
Le commerce avec ses Possibles est un processus essentiellement inconscient, donc a priori imprévisible et hors de contrôle. Le premier problème qui se pose alors pour l’être, est que la variation des possessions par les Possibles entraîne des conséquences indésirables, voire nuisibles. L’une des conséquences les plus immédiates est l’incohérence des comportements et la discontinuité de l’enchaînement des volontés, soit, une existence éventuellement trouble et confuse, voire à certains égards autodestructrice ou auto-inhibitrice. Une autre conséquence envisageable est la restriction soudaine et incontrôlable de l’espace de potentiel, et donc l’empêchement brutal d’aboutir à certains objectifs pourtant accessibles à l’instant immédiatement précédent.
Ici, on révèle une première insuffisance de la théorie ; on ne sait encore si l’inconscient se définit démoniquement ou non, ni quels sont ses moyens de communication avec les différents Possibles ; on ignore, aussi, la part de la soumission, de la négociation, du contrôle, dans les rapports avec le Cercle.
À la question de savoir pourquoi la Théorie du Cercle des Possibles situe le commerce entre les Possibles et l’individu au niveau de l’inconscient nécessairement, une réponse peut être apportée. L’inconscient est le préparateur du corps et des actes, celui qui pose les possibilités de la conscience, celui qui les établit ; la conscience n’a alors qu’un rôle d’électrice entre les différents choix mis en place, et non de créatrice de ces choix : elle n’exerce pas de contrôle direct sur son instrument physique et toute interaction, toute action, doit donc passer par la médiation de l’inconscient (ici, on se référera aux travaux d’Angela Sirigu [1]). L’espace de potentiel étant donc mis en place par l’inconscient, il paraît pertinent de penser que c’est également là qu’il se définit.
On a donc posé désormais les bases d’une nouvelle représentation ; reste à savoir à quoi elle sert.
II –- Pratique de la théorie
On comprend bien qu’un réveil des communications entre la conscience et son Cercle des Possibles permet à l’individu une certaine maîtrise de son espèce de potentiel, et par la reconfiguration idoine de celui-ci, une interaction plus libre et plus efficace avec la réalité. Il ne faut pas vivre la succession des possessions comme une fatalité subie, mais comme une sorte de don, distribué aléatoirement, que l’être est toutefois susceptible d’apprendre à aiguiller, à diriger, à orienter. L’être seul, dans son état « véritable », c’est-à-dire dépossédé, est capable de peu de choses en vérité.
Si l’on reconnaît donc immédiatement les avantages d’un pareil commerce avec ses Démons, on pourra se montrer plus dubitatif quant à la possibilité de sa pratique consciente, et au paradoxe évident qu’elle entraîne. On envisagera donc maintenant différentes hypothèses, qui définissent la possibilité ou non et les éventuelles conditions de la possession consciente et contrôlée.
HYPOTHESE I : l’être dépossédé est à même de se donner lui-même l’aptitude de communiquer consciemment avec les Possibles.
Il est alors permis d’envisager une pratique adaptée d’Éveil au Possible, laquelle consisterait à « faire le vide », dans le sens de la méditation traditionnelle, soit, dans les termes de la présente théorie, à se déposséder. Il s’agirait ensuite de distinguer, dans la multitude des pensées en passe d’apparaître, des catégories, des similitudes, pour identifier, au fil des exercices, les différents Possibles en orbite autour de l’individu, autour de sa réalité. Une fois les Possibles reconnus et discernés, alors seulement il sera possible de les isoler et de communiquer. Ceci pose le problème d’un langage du Possible, qui ne sera pas développé plus en détail ici.
HYPOTHESE II : la communication avec les Possibles est un phénomène réduit au seul inconscient, et ne peut donc alors être directement asservie aux volontés conscientes.
Les pratiques envisageables d’Éveil au Possible relève alors essentiellement de la dimension magique, puisqu’elles consistent en une communication de la conscience vers l’inconscient. En effet, il ne reste plus comme seule éventualité pour la conscience de s’en remettre au médiateur usuel ; or une telle relation entre inconscient et conscience est permise par le rituel, les Sigils, ou d’autres procédés de la Magick déjà bien connus des chaotes.
HYPTOHESE III : chez certains individus, certains Possibles du Cercle dotent justement l’individu de la capacité à communiquer, à s’éveiller aux autres Possibles.
Une telle idée, bien que plus naturelle dans le cadre de cette théorie, pose néanmoins problème. En effet, si la possession par un Possible rend envisageable la possession consciemment consentie par un autre possible, alors deux choses peuvent se produire. La première est l’abdication du premier Possible devant l’autre ; en somme, la conscience retombe alors sous la possession du deuxième Possible, qu’elle a elle-même choisi, et son espace de potentiel se remodèle de telle sorte qu’elle devient incapable de décider d’être possédée de nouveau par un autre Possible. Pour que cette faculté de décision revienne, elle devra attendre d’être à nouveau possédée par le Possible Libérateur ; elle retombe donc dans une sujétion aux incarnations successives sans plus y exercer une quelconque maîtrise. On peut également imaginer un phénomène plus complexe que l’abdication, lequel serait alors une superposition des Possibles, ou une combinaison de ces Possibles, mais ce serait aller à l’encontre d’un des postulats de cette théorie.
HYPTOHESE IV : la possession par les Possibles obéit à des lois phénoménologiques accessibles à la conscience humaine.
Par l’observation attentive de son potentiel et des situations qui précèdent immédiatement la mobilisation de ce potentiel, la conscience peut déterminer par induction un ensemble de « lois de la possession », et ainsi agir elle-même sur les paramètres de la réalité pour favoriser une possession donnée et piéger un Possible, l’attirer artificiellement pour bénéficier du potentiel spécifique associé. Par exemple, on pourrait imaginer que fixer longtemps une aiguille d’horloge favorise la possession par le Possible l’acuité des papilles ; pour mieux profiter de la saveur d’un plat, il suffirait alors d’observer un certain temps sa pendule, et de se laisser posséder. L’être serait donc, dans le cadre de cette hypothèse, à même de mobiliser un appareillage empirique de gestes et de comportements pour convoquer, lorsqu’il le souhaite, les Possibles que ses observations expérimentales lui ont permis d’identifier et de savoir appeler. Cette quatrième hypothèse apparaît très similaire à la première ; pourtant, dans la première, il s’agit d’appréhender consciemment le phénomène en tant que tel et de l’analyser dans son ensemble ; dans celle-ci, il s’agit plutôt de mettre en place un bricolage empirique sommaire sans réelle connaissance théorique. On retrouve là l’opposition entre les deux principaux courants de la méthode scientifique.
Une cinquième hypothèse existe, plus puissante certainement ; elle s’appuie toutefois sur une autre théorie magique et ne sera pas donc développée pour le moment.
Théorie Démoniste des Possibles, Courtepattes, 2010.
Note :
[1] « Les neurosciences révèlent le pouvoir de l’inconscient », par Julie Coquart, Site du Journal du CNRS.
Par Courtepattes
I – Qu’est-ce qu’un Possible ?
Dans le champ des réalités, chaque individu possède un espace de potentiel propre dans lequel ses actions peuvent s’inscrire. L’interaction avec la réalité est donc limitée à cet espace ; seulement, cet espace de potentiel n’est pas fixe : il varie selon le Possible qui possède l’être. C’est là qu’intervient la nécessité de définir le Possible.
Le Possible est un Démon, c’est-à-dire une entité hors du réel et indépendante de toute caractérisation matérielle, à même de s’incarner et de se manifester à la réalité par un mécanisme de possession des corps. Ici, il s’agit non pas exactement de démons intérieurs, mais plutôt de démons individuels, propres à chacun. Le vécu dans une réalité donnée peut donc se modéliser comme une succession d’incarnations, une succession de possessions de l’être par les Possibles qui viennent chaque fois recomposer à leur manière propre et fixée l’espace de potentiel de l’individu possédé. L’espace de potentiel est donc polymorphe, mais le nombre de ses transformations est a priori fini, et directement égal au nombre de Possibles accompagnant l’individu, lesquels constituent ce qui sera nommé par la suite le Cercle des Possibles. On admettra aussi le postulat selon lequel il ne peut y avoir possessions simultanées de l’être par différents Possibles, et qu’un seul et unique Possible à la fois est susceptible de s’incarner.
Le commerce avec ses Possibles est un processus essentiellement inconscient, donc a priori imprévisible et hors de contrôle. Le premier problème qui se pose alors pour l’être, est que la variation des possessions par les Possibles entraîne des conséquences indésirables, voire nuisibles. L’une des conséquences les plus immédiates est l’incohérence des comportements et la discontinuité de l’enchaînement des volontés, soit, une existence éventuellement trouble et confuse, voire à certains égards autodestructrice ou auto-inhibitrice. Une autre conséquence envisageable est la restriction soudaine et incontrôlable de l’espace de potentiel, et donc l’empêchement brutal d’aboutir à certains objectifs pourtant accessibles à l’instant immédiatement précédent.
Ici, on révèle une première insuffisance de la théorie ; on ne sait encore si l’inconscient se définit démoniquement ou non, ni quels sont ses moyens de communication avec les différents Possibles ; on ignore, aussi, la part de la soumission, de la négociation, du contrôle, dans les rapports avec le Cercle.
À la question de savoir pourquoi la Théorie du Cercle des Possibles situe le commerce entre les Possibles et l’individu au niveau de l’inconscient nécessairement, une réponse peut être apportée. L’inconscient est le préparateur du corps et des actes, celui qui pose les possibilités de la conscience, celui qui les établit ; la conscience n’a alors qu’un rôle d’électrice entre les différents choix mis en place, et non de créatrice de ces choix : elle n’exerce pas de contrôle direct sur son instrument physique et toute interaction, toute action, doit donc passer par la médiation de l’inconscient (ici, on se référera aux travaux d’Angela Sirigu [1]). L’espace de potentiel étant donc mis en place par l’inconscient, il paraît pertinent de penser que c’est également là qu’il se définit.
On a donc posé désormais les bases d’une nouvelle représentation ; reste à savoir à quoi elle sert.
II –- Pratique de la théorie
On comprend bien qu’un réveil des communications entre la conscience et son Cercle des Possibles permet à l’individu une certaine maîtrise de son espèce de potentiel, et par la reconfiguration idoine de celui-ci, une interaction plus libre et plus efficace avec la réalité. Il ne faut pas vivre la succession des possessions comme une fatalité subie, mais comme une sorte de don, distribué aléatoirement, que l’être est toutefois susceptible d’apprendre à aiguiller, à diriger, à orienter. L’être seul, dans son état « véritable », c’est-à-dire dépossédé, est capable de peu de choses en vérité.
Si l’on reconnaît donc immédiatement les avantages d’un pareil commerce avec ses Démons, on pourra se montrer plus dubitatif quant à la possibilité de sa pratique consciente, et au paradoxe évident qu’elle entraîne. On envisagera donc maintenant différentes hypothèses, qui définissent la possibilité ou non et les éventuelles conditions de la possession consciente et contrôlée.
HYPOTHESE I : l’être dépossédé est à même de se donner lui-même l’aptitude de communiquer consciemment avec les Possibles.
Il est alors permis d’envisager une pratique adaptée d’Éveil au Possible, laquelle consisterait à « faire le vide », dans le sens de la méditation traditionnelle, soit, dans les termes de la présente théorie, à se déposséder. Il s’agirait ensuite de distinguer, dans la multitude des pensées en passe d’apparaître, des catégories, des similitudes, pour identifier, au fil des exercices, les différents Possibles en orbite autour de l’individu, autour de sa réalité. Une fois les Possibles reconnus et discernés, alors seulement il sera possible de les isoler et de communiquer. Ceci pose le problème d’un langage du Possible, qui ne sera pas développé plus en détail ici.
HYPOTHESE II : la communication avec les Possibles est un phénomène réduit au seul inconscient, et ne peut donc alors être directement asservie aux volontés conscientes.
Les pratiques envisageables d’Éveil au Possible relève alors essentiellement de la dimension magique, puisqu’elles consistent en une communication de la conscience vers l’inconscient. En effet, il ne reste plus comme seule éventualité pour la conscience de s’en remettre au médiateur usuel ; or une telle relation entre inconscient et conscience est permise par le rituel, les Sigils, ou d’autres procédés de la Magick déjà bien connus des chaotes.
HYPTOHESE III : chez certains individus, certains Possibles du Cercle dotent justement l’individu de la capacité à communiquer, à s’éveiller aux autres Possibles.
Une telle idée, bien que plus naturelle dans le cadre de cette théorie, pose néanmoins problème. En effet, si la possession par un Possible rend envisageable la possession consciemment consentie par un autre possible, alors deux choses peuvent se produire. La première est l’abdication du premier Possible devant l’autre ; en somme, la conscience retombe alors sous la possession du deuxième Possible, qu’elle a elle-même choisi, et son espace de potentiel se remodèle de telle sorte qu’elle devient incapable de décider d’être possédée de nouveau par un autre Possible. Pour que cette faculté de décision revienne, elle devra attendre d’être à nouveau possédée par le Possible Libérateur ; elle retombe donc dans une sujétion aux incarnations successives sans plus y exercer une quelconque maîtrise. On peut également imaginer un phénomène plus complexe que l’abdication, lequel serait alors une superposition des Possibles, ou une combinaison de ces Possibles, mais ce serait aller à l’encontre d’un des postulats de cette théorie.
HYPTOHESE IV : la possession par les Possibles obéit à des lois phénoménologiques accessibles à la conscience humaine.
Par l’observation attentive de son potentiel et des situations qui précèdent immédiatement la mobilisation de ce potentiel, la conscience peut déterminer par induction un ensemble de « lois de la possession », et ainsi agir elle-même sur les paramètres de la réalité pour favoriser une possession donnée et piéger un Possible, l’attirer artificiellement pour bénéficier du potentiel spécifique associé. Par exemple, on pourrait imaginer que fixer longtemps une aiguille d’horloge favorise la possession par le Possible l’acuité des papilles ; pour mieux profiter de la saveur d’un plat, il suffirait alors d’observer un certain temps sa pendule, et de se laisser posséder. L’être serait donc, dans le cadre de cette hypothèse, à même de mobiliser un appareillage empirique de gestes et de comportements pour convoquer, lorsqu’il le souhaite, les Possibles que ses observations expérimentales lui ont permis d’identifier et de savoir appeler. Cette quatrième hypothèse apparaît très similaire à la première ; pourtant, dans la première, il s’agit d’appréhender consciemment le phénomène en tant que tel et de l’analyser dans son ensemble ; dans celle-ci, il s’agit plutôt de mettre en place un bricolage empirique sommaire sans réelle connaissance théorique. On retrouve là l’opposition entre les deux principaux courants de la méthode scientifique.
Une cinquième hypothèse existe, plus puissante certainement ; elle s’appuie toutefois sur une autre théorie magique et ne sera pas donc développée pour le moment.
Note :
[1] « Les neurosciences révèlent le pouvoir de l’inconscient », par Julie Coquart, Site du Journal du CNRS.