Bonjour ! Mon nom est Joseph Max. Durant l’heure qui vient, nous allons parler de cette chose merveilleuse qu’est la magie du chaos. Je consacrerai une partie de cette communication aux aspects théoriques en m’efforçant de vous livrer une synthèse de ce que j’ai appris ces dernières années. Ensuite nous aborderons la pratique, les rituels et la vie quotidienne du magicien. Car la Magie du chaos est Verbe – c’est avant tout quelque chose que l’on pratique.
Bien entendu, cela implique qu’en parlant devant vous de magie du chaos, et surtout en ayant préparé des notes pour le faire, je me trouve en contradiction avec moi-même. Bien. Je ne fais pas mon business en faisant émerger « l’enfant intérieur qui est en vous » ou en bradant des cristaux pour éveiller vos chakras, par conséquent excusez ma maladresse. Quoi qu’il en soit, sachez que le paradoxe et la contradiction sont au cœur du chaos. Je pense être en mesure de livrer quelque chose de valeur en soignant le mal par le mal.
La magie du chaos est dangereuse, magnifique, puissante et de ce fait hautement attirante. C’est une magie sans ceinture de sécurité. La règle est qu’il n’y a pas de règles ; faites ce que vous voulez tant que cela fonctionne pour vous et que vous l’utilisez pour accomplir votre volonté.
C’est dans son mystère que réside la puissance de la magie du chaos. Il n’y a aucun moyen de décrire la magie du chaos, pas plus qu’il n’en existe pour décrire le Tao. « Ce qui peut être décrit n’est pas le Tao », disait le vieux sage. Je suppose les magiciens du chaos forment l’ultime « société secrète », le mystère étant inhérent à la nature du chaos elle-même, plutôt qu’à des serments ou des règles.
Alors pourquoi cette magie est-elle appelée magie du chaos ? C’est plutôt un consensus, mais j’ai quelques idées à ce sujet.
D’une part, il y a l’interconnexion sous-jacente de toute chose dans l’univers, comme nous le montrent les mathématiques du chaos, ce qui semble aléatoire est en fait « chaotique » et recèle un ordre à un niveau plus élevé, qui peut être perçu que de plus haut. De là naît la force de vie et cette tendance qu’a la matière à gagner en complexité. Selon le dictionnaire anglais d’Oxford, le terme chaos est d’origine grecque. Sons sens originel est : « un immense abîme ou gouffre, les abysses du néant, l’espace vide, les ténèbres éternelles, le premier état de l’univers ». En anglais moderne, on rencontre « état sans forme de la matière primordiale, les grands abysses d’où le cosmos a émergé ».
L’interprétation populaire du chaos comme synonyme de « désordre » est un développement récent et plutôt erroné. L’ordre et le désordre sont tous deux des émanations du chaos originel. Le sens originel du terme grec se rapproche davantage de ce que les mystiques orientaux appellent le Tao. Je pense que ce n’est pas une coïncidence.
Ainsi, nous autres chaoïstes, appelons cette connexion originelle « Chaos » plutôt que Dieu ou toute autre appellation traditionnelle, pour éviter de plaquer une connotation anthropologique sur quelque chose de non humain et défiant toute compréhension, du moins intellectuelle.
Une autre raison est que de nombreux concepts provenant de la théorie du chaos peuvent être appliqués à la mystique. Par exemple, il est évident que de nombreux systèmes occultes possèdent des points communs. En mathématique du chaos, il y a quelque chose que l’on appelle « attracteur étrange », c’est une certaine forme de cohérence qui naît au sein d’un milieu totalement chaotique. Un bon exemple en est le vortex ou tourbillon qui naît dans les courants d’air ou d’eau formant des tempêtes et des ouragans – depuis la grande tache rouge de Jupiter au petit tourbillon de votre baignoire. En termes magiques, un attracteur étrange serait, par exemple, une projection astrale ou les centres d’énergie le long de la colonne vertébrale. Les magiciens du chaos cherchent à repérer, dans la multitude des systèmes, ces « attracteurs » comme étant des principes sous-jacents pouvant être dépouillés du symbolisme et utilisés directement. Le but est de révéler les techniques pratiques dissimulées sous le piège des apparences.
En termes culturels, la magie du chaos est l’une des dernières inventions inspirées des technochamanes modernes. C’est l’avant garde de la magie cérémonielle. Elle implique généralement une plus grande spontanéité et intègre les techniques chamaniques de façon un peu plus directe. Ses influences sont le cyberpunk, la physique quantique, les mathématiques du chaos, les psychédéliques, la synchronicité de Jung, Austin Osman Spare, Aleister Crowley, le taoïsme, le bouddhisme tibétain, de nombreuses formes de chamanisme et une pléthore d’auteurs, dont la plupart de fantastique/science-fiction.
Pour citer l’un de ses auteurs, Peter J. Carroll : « Si cependant vous souhaitez une définition qui fasse pratiquement l’unanimité chez les Chaoïstes, alors je vous propose celle-ci : le Chaoïste adhère habituellement à la métacroyance selon laquelle la foi n’est qu’un outil pour obtenir des effets et non une fin en soi » [1].
La « meta-croyance » est un concept important en magie du chaos. Cela signifie que le fait de croire n’est rien de plus qu’un état psychologique, bien qu’il ait le pouvoir de créer notre propre réalité, mais également celle des autres. C’est un moyen et non une fin, le véhicule et non la destination.
Dans Le Théâtre de la Magie, Ray Sherwin écrit : « Le magicien ne croit en rien, dans le sens d’« avoir la foi ». Il expérimente concrètement pour s’assurer que les postulats qu’il a bâtis ou empruntés, possèdent quelque vérité ou valeur. Il est vrai qu’il conserve certaines croyances « organiques » pour son confort. Par exemple, il croit que le fauteuil dans lequel il est assis ou s’apprête à s’asseoir est réel – la plupart du temps. Mais ceci correspond moins à un processus mental qu’à un réflexe instinctif et organique, conditionnel de l’existence » [2].
Concrètement, les meta-croyances confèrent une liberté inouïe et une terrifiante responsabilité. La pratique de la magie du chaos requiert l’adhésion absolue à un système de croyances pour réussir une oeuvre magique, puis l’abandon brusque de ce système, une fois le travail effectué. Des systèmes totalement contradictoires peuvent être employés tour à tour selon les besoins du mage. Pour cela il est d’une importance fondamentale qu’aucun système ne soit considéré comme « le Vrai », « l’Unique ».
Voilà qui donne un aspect sinistre à la magie du chaos. Car, contrairement aux autres systèmes magiques, il ne s’y trouve aucun dogme livrant de solides normes morales, avant d’entrer dans le détail des techniques. Pour cette raison, dans la magie du chaos, c’est à vous de choisir ce qui est en dernier lieu « bien » ou « mal ».
La magie du chaos est une magie sans limites. Ce n’est pas un système ni une nouvelle combinaison d’anciens systèmes. C’est une attitude. Une manière différente d’approcher l’art de la magie. La magie du chaos n’est pas « neuve », dans la mesure chaque adepte qui s’est écarté des chemins balisés et poursuivi sa route comme hérétique n’a fait que répondre à l’appel du chaos. Par contre, lorsqu’un système est créé, lorsque des livres sacrés sont écrits, lorsque des rites et des façons d’agir sont prescrits aux adeptes, ce n’est plus de la magie du chaos. Ce n’est qu’en expérimentant notre propre voie que nous rencontrons le courant chaotique.
L’assemblage de morceaux divers et variés d’anciens rituels et systèmes de croyances, refondus dans un « système », même si celui-ci est personnel, n’est pas non plus de la magie du chaos. Figer des croyances revient à se figer dans la croyance. Il est beaucoup plus important de rester libre de pousser les murs que d’être « dans le vrai » – ni même cohérent. La magie du chaos n’est pas une simple reformulation de la vieille tradition magique avec de nouvelles étiquettes à la mode.
Le but est de déconstruire notre système de croyances consensuelles et de libérer l’énergie prisonnière de ces croyances. Cette énergie est utilisée pour manipuler le flux quantique de la réalité.
La magie du chaos, telle qu’on la connaît aujourd’hui, vient principalement de l’œuvre d’Austin Osman Spare et Peter J. Carroll. Tous deux ont rejeté la magie traditionnelle, l’accusant d’être excessivement compliquée, bigote et généralement impuissante. Ils regrettaient également le rejet par la magie traditionnelle des techniques de sorcellerie et de chamanisme. Tous deux ont reproché aux enseignements occultes d’être obsédés par l’idée de prêcher des enseignements moraux et de les transformer ainsi en religions. Spare fut le premier à créer des connexions entre la magie et le domaine relativement nouveau, à l’époque, de la psychologie, libérant ainsi l’occulte de la religion. Carroll et Sherwin fondèrent les Illuminates of Thanatheros et intégrèrent les concepts du chaos et de la mécanique quantique dans l’occulte et le paranormal.
Voilà la différence essentielle entre la magie du chaos et les courants plus anciens. C’est une approche psychodramatique de la magie rituelle similaire au « Method Acting » de Stanislavsky. Le but de la magie du chaos est de détourner l’état de conscience normal d’un individu et de mener à un état appelé « gnose ». Cette acception du terme est similaire à la définition qu’en donnent les tantrika, un état dans lequel l’esprit est court-circuité et l’intention du magicien projetée dans le flux quantique de l’univers. À la façon d’un acteur, le chaomagicien cherche à circonvenir la réalité de tous les jours et suspendre ses croyances. Pour accomplir cela, nous utilisons des méthodes d’acteurs : décors, costumes, mots, sons, et particulièrement ce que Stanislavsky appelait la mémoire émotionnelle. Une expérience puissante comme l’orgasme, la douleur, la confusion, le dégoût ou l’extase peut modifier la mémoire émotionnelle – spécialement lors de combinaisons paradoxales. Les mages du chaos utilisent des sigils (des intentions magiques inscrites dans des glyphes ou des mantras), des rituels provenant de sources diverses – surtout originales, et des objets de la culture qu’ils désirent pour créer un espace magique, une zone autonome temporaire dans laquelle la « gnose » peut être atteinte.
Un rituel est traditionnellement un plan de la conscience et par extension peut être utilisé une carte de notre propre psyché. Cependant, les « rituels prescrits » accompagnés de « livres saints », de recueils de rituels, de « publications de classe A », etc. sont par nature utilisés comme une protection contre le chaos. En résumé, il y a toujours de nouvelles méthodes en magie du chaos, mais jamais de système.
(A suivre) …
Communication sur la Magie du Chaos. Texte original : « Lecture on Chaos Magic », par Joseph Max. Conférence donnée le 18 février 1996, lors de la deuxième Convention annuelle Pantheacon – Red Lion Inn, San Jose Californie. Traduction française par Melmothia, 2010.
Notes :
[1] « Chaoïsme et Magie du Chaos : une vision personnelle » In Chaos Compendium, Peter J. Carroll, Camion Blanc, 2010.
Bonjour ! Mon nom est Joseph Max. Durant l’heure qui vient, nous allons parler de cette chose merveilleuse qu’est la magie du chaos. Je consacrerai une partie de cette communication aux aspects théoriques en m’efforçant de vous livrer une synthèse de ce que j’ai appris ces dernières années. Ensuite nous aborderons la pratique, les rituels et la vie quotidienne du magicien. Car la Magie du chaos est Verbe – c’est avant tout quelque chose que l’on pratique.
Bien entendu, cela implique qu’en parlant devant vous de magie du chaos, et surtout en ayant préparé des notes pour le faire, je me trouve en contradiction avec moi-même. Bien. Je ne fais pas mon business en faisant émerger « l’enfant intérieur qui est en vous » ou en bradant des cristaux pour éveiller vos chakras, par conséquent excusez ma maladresse. Quoi qu’il en soit, sachez que le paradoxe et la contradiction sont au cœur du chaos. Je pense être en mesure de livrer quelque chose de valeur en soignant le mal par le mal.
La magie du chaos est dangereuse, magnifique, puissante et de ce fait hautement attirante. C’est une magie sans ceinture de sécurité. La règle est qu’il n’y a pas de règles ; faites ce que vous voulez tant que cela fonctionne pour vous et que vous l’utilisez pour accomplir votre volonté.
C’est dans son mystère que réside la puissance de la magie du chaos. Il n’y a aucun moyen de décrire la magie du chaos, pas plus qu’il n’en existe pour décrire le Tao. « Ce qui peut être décrit n’est pas le Tao », disait le vieux sage. Je suppose les magiciens du chaos forment l’ultime « société secrète », le mystère étant inhérent à la nature du chaos elle-même, plutôt qu’à des serments ou des règles.
Alors pourquoi cette magie est-elle appelée magie du chaos ? C’est plutôt un consensus, mais j’ai quelques idées à ce sujet.
D’une part, il y a l’interconnexion sous-jacente de toute chose dans l’univers, comme nous le montrent les mathématiques du chaos, ce qui semble aléatoire est en fait « chaotique » et recèle un ordre à un niveau plus élevé, qui peut être perçu que de plus haut. De là naît la force de vie et cette tendance qu’a la matière à gagner en complexité. Selon le dictionnaire anglais d’Oxford, le terme chaos est d’origine grecque. Sons sens originel est : « un immense abîme ou gouffre, les abysses du néant, l’espace vide, les ténèbres éternelles, le premier état de l’univers ». En anglais moderne, on rencontre « état sans forme de la matière primordiale, les grands abysses d’où le cosmos a émergé ».
L’interprétation populaire du chaos comme synonyme de « désordre » est un développement récent et plutôt erroné. L’ordre et le désordre sont tous deux des émanations du chaos originel. Le sens originel du terme grec se rapproche davantage de ce que les mystiques orientaux appellent le Tao. Je pense que ce n’est pas une coïncidence.
Ainsi, nous autres chaoïstes, appelons cette connexion originelle « Chaos » plutôt que Dieu ou toute autre appellation traditionnelle, pour éviter de plaquer une connotation anthropologique sur quelque chose de non humain et défiant toute compréhension, du moins intellectuelle.
Une autre raison est que de nombreux concepts provenant de la théorie du chaos peuvent être appliqués à la mystique. Par exemple, il est évident que de nombreux systèmes occultes possèdent des points communs. En mathématique du chaos, il y a quelque chose que l’on appelle « attracteur étrange », c’est une certaine forme de cohérence qui naît au sein d’un milieu totalement chaotique. Un bon exemple en est le vortex ou tourbillon qui naît dans les courants d’air ou d’eau formant des tempêtes et des ouragans – depuis la grande tache rouge de Jupiter au petit tourbillon de votre baignoire. En termes magiques, un attracteur étrange serait, par exemple, une projection astrale ou les centres d’énergie le long de la colonne vertébrale. Les magiciens du chaos cherchent à repérer, dans la multitude des systèmes, ces « attracteurs » comme étant des principes sous-jacents pouvant être dépouillés du symbolisme et utilisés directement. Le but est de révéler les techniques pratiques dissimulées sous le piège des apparences.
En termes culturels, la magie du chaos est l’une des dernières inventions inspirées des technochamanes modernes. C’est l’avant garde de la magie cérémonielle. Elle implique généralement une plus grande spontanéité et intègre les techniques chamaniques de façon un peu plus directe. Ses influences sont le cyberpunk, la physique quantique, les mathématiques du chaos, les psychédéliques, la synchronicité de Jung, Austin Osman Spare, Aleister Crowley, le taoïsme, le bouddhisme tibétain, de nombreuses formes de chamanisme et une pléthore d’auteurs, dont la plupart de fantastique/science-fiction.
Pour citer l’un de ses auteurs, Peter J. Carroll : « Si cependant vous souhaitez une définition qui fasse pratiquement l’unanimité chez les Chaoïstes, alors je vous propose celle-ci : le Chaoïste adhère habituellement à la métacroyance selon laquelle la foi n’est qu’un outil pour obtenir des effets et non une fin en soi » [1].
La « meta-croyance » est un concept important en magie du chaos. Cela signifie que le fait de croire n’est rien de plus qu’un état psychologique, bien qu’il ait le pouvoir de créer notre propre réalité, mais également celle des autres. C’est un moyen et non une fin, le véhicule et non la destination.
Dans Le Théâtre de la Magie, Ray Sherwin écrit : « Le magicien ne croit en rien, dans le sens d’« avoir la foi ». Il expérimente concrètement pour s’assurer que les postulats qu’il a bâtis ou empruntés, possèdent quelque vérité ou valeur. Il est vrai qu’il conserve certaines croyances « organiques » pour son confort. Par exemple, il croit que le fauteuil dans lequel il est assis ou s’apprête à s’asseoir est réel – la plupart du temps. Mais ceci correspond moins à un processus mental qu’à un réflexe instinctif et organique, conditionnel de l’existence » [2].
Concrètement, les meta-croyances confèrent une liberté inouïe et une terrifiante responsabilité. La pratique de la magie du chaos requiert l’adhésion absolue à un système de croyances pour réussir une oeuvre magique, puis l’abandon brusque de ce système, une fois le travail effectué. Des systèmes totalement contradictoires peuvent être employés tour à tour selon les besoins du mage. Pour cela il est d’une importance fondamentale qu’aucun système ne soit considéré comme « le Vrai », « l’Unique ».
Voilà qui donne un aspect sinistre à la magie du chaos. Car, contrairement aux autres systèmes magiques, il ne s’y trouve aucun dogme livrant de solides normes morales, avant d’entrer dans le détail des techniques. Pour cette raison, dans la magie du chaos, c’est à vous de choisir ce qui est en dernier lieu « bien » ou « mal ».
La magie du chaos est une magie sans limites. Ce n’est pas un système ni une nouvelle combinaison d’anciens systèmes. C’est une attitude. Une manière différente d’approcher l’art de la magie. La magie du chaos n’est pas « neuve », dans la mesure chaque adepte qui s’est écarté des chemins balisés et poursuivi sa route comme hérétique n’a fait que répondre à l’appel du chaos. Par contre, lorsqu’un système est créé, lorsque des livres sacrés sont écrits, lorsque des rites et des façons d’agir sont prescrits aux adeptes, ce n’est plus de la magie du chaos. Ce n’est qu’en expérimentant notre propre voie que nous rencontrons le courant chaotique.
L’assemblage de morceaux divers et variés d’anciens rituels et systèmes de croyances, refondus dans un « système », même si celui-ci est personnel, n’est pas non plus de la magie du chaos. Figer des croyances revient à se figer dans la croyance. Il est beaucoup plus important de rester libre de pousser les murs que d’être « dans le vrai » – ni même cohérent. La magie du chaos n’est pas une simple reformulation de la vieille tradition magique avec de nouvelles étiquettes à la mode.
Le but est de déconstruire notre système de croyances consensuelles et de libérer l’énergie prisonnière de ces croyances. Cette énergie est utilisée pour manipuler le flux quantique de la réalité.
La magie du chaos, telle qu’on la connaît aujourd’hui, vient principalement de l’œuvre d’Austin Osman Spare et Peter J. Carroll. Tous deux ont rejeté la magie traditionnelle, l’accusant d’être excessivement compliquée, bigote et généralement impuissante. Ils regrettaient également le rejet par la magie traditionnelle des techniques de sorcellerie et de chamanisme. Tous deux ont reproché aux enseignements occultes d’être obsédés par l’idée de prêcher des enseignements moraux et de les transformer ainsi en religions. Spare fut le premier à créer des connexions entre la magie et le domaine relativement nouveau, à l’époque, de la psychologie, libérant ainsi l’occulte de la religion. Carroll et Sherwin fondèrent les Illuminates of Thanatheros et intégrèrent les concepts du chaos et de la mécanique quantique dans l’occulte et le paranormal.
Voilà la différence essentielle entre la magie du chaos et les courants plus anciens. C’est une approche psychodramatique de la magie rituelle similaire au « Method Acting » de Stanislavsky. Le but de la magie du chaos est de détourner l’état de conscience normal d’un individu et de mener à un état appelé « gnose ». Cette acception du terme est similaire à la définition qu’en donnent les tantrika, un état dans lequel l’esprit est court-circuité et l’intention du magicien projetée dans le flux quantique de l’univers. À la façon d’un acteur, le chaomagicien cherche à circonvenir la réalité de tous les jours et suspendre ses croyances. Pour accomplir cela, nous utilisons des méthodes d’acteurs : décors, costumes, mots, sons, et particulièrement ce que Stanislavsky appelait la mémoire émotionnelle. Une expérience puissante comme l’orgasme, la douleur, la confusion, le dégoût ou l’extase peut modifier la mémoire émotionnelle – spécialement lors de combinaisons paradoxales. Les mages du chaos utilisent des sigils (des intentions magiques inscrites dans des glyphes ou des mantras), des rituels provenant de sources diverses – surtout originales, et des objets de la culture qu’ils désirent pour créer un espace magique, une zone autonome temporaire dans laquelle la « gnose » peut être atteinte.
Un rituel est traditionnellement un plan de la conscience et par extension peut être utilisé une carte de notre propre psyché. Cependant, les « rituels prescrits » accompagnés de « livres saints », de recueils de rituels, de « publications de classe A », etc. sont par nature utilisés comme une protection contre le chaos. En résumé, il y a toujours de nouvelles méthodes en magie du chaos, mais jamais de système.
(A suivre) …
Notes :
[1] « Chaoïsme et Magie du Chaos : une vision personnelle » In Chaos Compendium, Peter J. Carroll, Camion Blanc, 2010.
[2] Le Théâtre de la Magie, Ray Sherwin, 1982.