Les ravages de la pensée binaire ont fait de l’Ombre une jouissance masochiste adaptée à ceux que la conclusion d’un pacte avec Belphégor est devenue un acte aussi familier que tirer une chasse d’eau. Mis à part les adeptes des toilettes sèches, le monde magique est devenu une matrice 1.2, théâtre de tragiques événements. D’un côté s’affrontent les Grands Prêtres de l’Extrême Onction, armés d’amour, d’eau fraîche et de quelques visualisations aussi subtiles qu’un sketch des Inconnus. Ils prêchent désormais le néo-paganisme et nous bombardent de blogs d’artisanat pour redonner un peu d’espoir aux deux pieds gauches qui nous servent de main. La mondialisation, c’est mal, voyez. À l’autre coin du ring se trouvent les marginaux assoiffés de sang que l’ignorance pousse à prendre toute forme de stupidité vengeresse comme la Sainte Parole de Je-Ne-Sais-Quel-Démon. Ils ont le mérite de nourrir quelques larves et autres illusions notoires, dont les plus significatives sont, sans nul doute, que le mal est une valeur absolue à laquelle il convient d’appliquer une majuscule, et que leur immense pouvoir magique d’enfant de 13 ans est si spécial que les Puissances les plus redoutables des Profondeurs font la queue pour les aider à se venger du vol de leur agenda aux couleurs de Lavey. (Tiens, j’aurais du publier ça le 30 avril, les deux camps y auraient perçu une coïncidence incroyable ou tragique; rayez la mention inutile).
La matrice magique 1.2, donc, est une grande farce. Ceux qui prônaient l’agnosticisme et ne juraient que par la pratique magique sont devenus de Grands Prêtres du Grand Cornu (le gentil), que l’on pourrait renommer Muse du Mauvais Goût. Les adeptes de l’Ombre ont déserté plus vite que des manifestants devant une rangée de CRS, sans même feindre la résistance auprès de l’envahisseur. Restent, bien sûr, ceux pour qui la magie n’est qu’un exutoire qui alimente des désordres psychiques et que nous avons toujours autant de déplaisir à retrouver çà et là, comme des punaises de lit que la première vague d’agressivité n’a pas semblé inquiéter outre mesure. Les vrais vampires sont ces parasites, les éternelles mouches engluées qui pendouillent inlassablement dans notre champ de vision et que 25 rubans de colle ne mettent pas KO.
Et au milieu de ça, de cet affrontement de plus en plus radical entre crétins de tous bords, les chaotes et autres anarchistes résistent fièrement, affûtant leurs armes en silence entre les fentes du bunker de l’insomnie. J’ai toujours condamné la démesure et toutes les formes d’extrémisme. La version 1.0 de la matrice me permettait encore de cracher mon venin lors de quelques débats sur la couleur des choses, mais la version 1.2 m’a littéralement reléguée au rang d’impie. Comment puis-je ne pas croire ? Comment puis-je nier que les entités invisibles avec lesquelles nous travaillons depuis des années ne soient pas de véritables Dieux auxquels nous devons accorder notre foi après quelques années de lectures ? Comment puis-je même m’exprimer sur la chose sans avoir eu une divine révélation après deux ans d’une lecture assidus d’obscurs pamphlets sur » Comment devenir Grande Prêtresse de Gaïa et donner un sens glamour à mes règles pour mater tous ces machos déconnectés de leur essence divine » ?
Nous assistons à des mutations politiques et sociales qui nous révoltent ne serais-ce qu’un minimum, et nous restons pantois devant l’envahisseur aux Grandes Majuscules pour qui seule la dévotion et le succès du blog-atelier-coven-forum païen sont devenus synonymes de sagesse et de compétence magique. Les Chaotes et autres magiciens sont devenus les démons instables de la corruption, et mon Enfer une voie religieuse à tout prix. Être féministe est une chose, faire valoir des valeurs alternatives par conviction en est une autre, mais écraser la matrice magique pour faire naître un monde sectaire où chacun y va de son grain de sel pour blablater autour de nous nouveaux grands seigneurs en est une autre.
L’Ombre, dans tout ça, est devenue un fourre-tout où les adolescents en colère, les dégénérés de tous bords, les dissidents matriciels et les chaotes et autres vampyres dignes de ce nom sont mélangés, pressés, et digérés par les panthéons païens sur fond de « Blessed Be ». Le monde, notre monde, part en cacahuètes, et nous consentons à finir beurrés sur la tartine virtuelle des Covens et autres Cercles Wiccans. Et pourtant, dans tout ça, je crois que j’ai encore ma place. Je conçois encore la ruse comme une arme d’honneur, j’explore l’Ombre et fréquente ce qui restera des égrégores tant que je n’aurais pas la preuve tangible que ce à quoi je cause n’est ni une illusion ni une forme-pensée autonome. Je revendique mon agnosticisme auprès des néo-païens pour qui la Règle Ultime est celle de suivre une vague de pensées contemporaines inspirée de religions anciennes dont nous ne connaîtrons jamais les véritables mystères. Je décore d’une croix chaotes les lasagnes cosmiques des branes de la théorie M avec pour seule arme une pensée qui essaye de s’extirper du mazout visqueux qui ronge les consciences dans je ne sais quel but; je commence à croire que la liberté de l’homme est soumission. (Pardon La Boétie pour le blasphème, mais le seul fantôme que l’opéra ait jamais connu est celui de la sécurité.)
Je suis l’Ombre d’un souvenir, celui de la liberté. Je suis l’Ombre d’une utopie, celle du développement de la conscience. Je suis l’essence d’une hérésie en cours d’approbation, celle des univers parallèles. Je suis chaote, agnostique, amante de Seth et fidèle concubine de Nyarlathotep. Je suis la violence et l’inconstance contre ceux dont la foi remplit la panse. Je suis le véritable espoir, je suis l’ambassadrice de l’expérience, le Christ de la conscience. Je suis le cauchemar de la croyance, parce que je crois que l’esprit peut encore se développer de façon autonome.
Matrice 1.0, flagellez-moi, Uriel, 2011.
Les ravages de la pensée binaire ont fait de l’Ombre une jouissance masochiste adaptée à ceux que la conclusion d’un pacte avec Belphégor est devenue un acte aussi familier que tirer une chasse d’eau. Mis à part les adeptes des toilettes sèches, le monde magique est devenu une matrice 1.2, théâtre de tragiques événements. D’un côté s’affrontent les Grands Prêtres de l’Extrême Onction, armés d’amour, d’eau fraîche et de quelques visualisations aussi subtiles qu’un sketch des Inconnus. Ils prêchent désormais le néo-paganisme et nous bombardent de blogs d’artisanat pour redonner un peu d’espoir aux deux pieds gauches qui nous servent de main. La mondialisation, c’est mal, voyez. À l’autre coin du ring se trouvent les marginaux assoiffés de sang que l’ignorance pousse à prendre toute forme de stupidité vengeresse comme la Sainte Parole de Je-Ne-Sais-Quel-Démon. Ils ont le mérite de nourrir quelques larves et autres illusions notoires, dont les plus significatives sont, sans nul doute, que le mal est une valeur absolue à laquelle il convient d’appliquer une majuscule, et que leur immense pouvoir magique d’enfant de 13 ans est si spécial que les Puissances les plus redoutables des Profondeurs font la queue pour les aider à se venger du vol de leur agenda aux couleurs de Lavey. (Tiens, j’aurais du publier ça le 30 avril, les deux camps y auraient perçu une coïncidence incroyable ou tragique; rayez la mention inutile).
La matrice magique 1.2, donc, est une grande farce. Ceux qui prônaient l’agnosticisme et ne juraient que par la pratique magique sont devenus de Grands Prêtres du Grand Cornu (le gentil), que l’on pourrait renommer Muse du Mauvais Goût. Les adeptes de l’Ombre ont déserté plus vite que des manifestants devant une rangée de CRS, sans même feindre la résistance auprès de l’envahisseur. Restent, bien sûr, ceux pour qui la magie n’est qu’un exutoire qui alimente des désordres psychiques et que nous avons toujours autant de déplaisir à retrouver çà et là, comme des punaises de lit que la première vague d’agressivité n’a pas semblé inquiéter outre mesure. Les vrais vampires sont ces parasites, les éternelles mouches engluées qui pendouillent inlassablement dans notre champ de vision et que 25 rubans de colle ne mettent pas KO.
Et au milieu de ça, de cet affrontement de plus en plus radical entre crétins de tous bords, les chaotes et autres anarchistes résistent fièrement, affûtant leurs armes en silence entre les fentes du bunker de l’insomnie. J’ai toujours condamné la démesure et toutes les formes d’extrémisme. La version 1.0 de la matrice me permettait encore de cracher mon venin lors de quelques débats sur la couleur des choses, mais la version 1.2 m’a littéralement reléguée au rang d’impie. Comment puis-je ne pas croire ? Comment puis-je nier que les entités invisibles avec lesquelles nous travaillons depuis des années ne soient pas de véritables Dieux auxquels nous devons accorder notre foi après quelques années de lectures ? Comment puis-je même m’exprimer sur la chose sans avoir eu une divine révélation après deux ans d’une lecture assidus d’obscurs pamphlets sur » Comment devenir Grande Prêtresse de Gaïa et donner un sens glamour à mes règles pour mater tous ces machos déconnectés de leur essence divine » ?
Nous assistons à des mutations politiques et sociales qui nous révoltent ne serais-ce qu’un minimum, et nous restons pantois devant l’envahisseur aux Grandes Majuscules pour qui seule la dévotion et le succès du blog-atelier-coven-forum païen sont devenus synonymes de sagesse et de compétence magique. Les Chaotes et autres magiciens sont devenus les démons instables de la corruption, et mon Enfer une voie religieuse à tout prix. Être féministe est une chose, faire valoir des valeurs alternatives par conviction en est une autre, mais écraser la matrice magique pour faire naître un monde sectaire où chacun y va de son grain de sel pour blablater autour de nous nouveaux grands seigneurs en est une autre.
L’Ombre, dans tout ça, est devenue un fourre-tout où les adolescents en colère, les dégénérés de tous bords, les dissidents matriciels et les chaotes et autres vampyres dignes de ce nom sont mélangés, pressés, et digérés par les panthéons païens sur fond de « Blessed Be ». Le monde, notre monde, part en cacahuètes, et nous consentons à finir beurrés sur la tartine virtuelle des Covens et autres Cercles Wiccans. Et pourtant, dans tout ça, je crois que j’ai encore ma place. Je conçois encore la ruse comme une arme d’honneur, j’explore l’Ombre et fréquente ce qui restera des égrégores tant que je n’aurais pas la preuve tangible que ce à quoi je cause n’est ni une illusion ni une forme-pensée autonome. Je revendique mon agnosticisme auprès des néo-païens pour qui la Règle Ultime est celle de suivre une vague de pensées contemporaines inspirée de religions anciennes dont nous ne connaîtrons jamais les véritables mystères. Je décore d’une croix chaotes les lasagnes cosmiques des branes de la théorie M avec pour seule arme une pensée qui essaye de s’extirper du mazout visqueux qui ronge les consciences dans je ne sais quel but; je commence à croire que la liberté de l’homme est soumission. (Pardon La Boétie pour le blasphème, mais le seul fantôme que l’opéra ait jamais connu est celui de la sécurité.)
Je suis l’Ombre d’un souvenir, celui de la liberté. Je suis l’Ombre d’une utopie, celle du développement de la conscience. Je suis l’essence d’une hérésie en cours d’approbation, celle des univers parallèles. Je suis chaote, agnostique, amante de Seth et fidèle concubine de Nyarlathotep. Je suis la violence et l’inconstance contre ceux dont la foi remplit la panse. Je suis le véritable espoir, je suis l’ambassadrice de l’expérience, le Christ de la conscience. Je suis le cauchemar de la croyance, parce que je crois que l’esprit peut encore se développer de façon autonome.