Face à la situation actuelle de marché – de l’Empire dévoilé – il me revient à l’esprit certains textes d’Hakim Bey. On pourra m’objecter qu’il n’est pas économiste et qu’il serait idiot de faire appel à lui pour résoudre – ou dissoudre – une crise boursière, une crise de la « dette ». Peut-être, ou pas. Car ces successions de krachs, ces soulèvements populaires, cette faillite des États est, selon moi, et avant tout, une crise du sens. Sens de la vie ou de la place de l’homme dans l’économie d’un monde devenu incompréhensible.
Ayant écouté économistes, politiciens, philosophes d’opérettes et autres guignols télévisuels, il m’apparaît que personne aujourd’hui ne comprend pourquoi tout semble s’effondrer ; nul ne semble à même d’expliquer – et à lui-même tout d’abord – comment nous en sommes arrivés là. Des alignements sans fin de chiffres, de faits et de données financières ; une litanie d’accusations politiciennes – c’est pas moi m’sieur c’est l’autre – des gueules farinées et effrayées inondant le petit écran, rien, non rien n’explique rien.
Le hasard, ou merveilleuse conjonction des probables, a voulu qu’hier je retrouve un papier de Peter Lamborn Wilson (autrement connu sous le nom d’Hakim Bey) : « Économie sumérienne ». Tout au long de ce texte, il nous explique le Grand Secret de toute l’actualité présente. Bien sûr je l’ai maintenant traduit et vous pourrez le lire bientôt ; j’espère qu’il vous inspirera comme il m’a inspiré à écrire ce pamphlet.
◊◊◊
« Tous les cinquante ans, les Anciens observaient le Jubilée – un temps de renouveau où tous les esclaves étaient libérés, toutes les dettes annulées, tous les prisonniers relâchés, tous les champs laissés en jachère, et où tous les travailleurs observaient des jours de fêtes et de festivals de non travail ! »
(HB, « Jubilee Saint Project »).
Résumons : l’année 2008 a vu l’émergence de la crise dite des « subprimes » dont les origines et le fonctionnement demandent pour les comprendre de posséder un doctorat en mathématiques financière – mais, en gros, il s’agit d’une crise affectant les dettes immobilières des ménages américains, crise qui s’est répercutée sur les créanciers ; 2011 voit la crise dite des « dettes nationales », les États ayant soutenu les créanciers en difficulté lors de la première crise sont surendettés, certains spéculent alors sur la qualité de leurs dettes, la Grèce en est l’exemple. Vous avez compris quelque chose ? Si oui alors félicitations, vous êtes un génie. De mon côté, j’ai échoué à mobiliser ma concentration et à tenter d’aller plus loin que les premiers termes : bourses et dettes.
Je ne m’étendrai pas sur les bourses, ces affreuses hérésies qui, devenues autogènes et autosuffisantes dictent à leurs créateurs leur volonté toute puissante et, en conséquence, décide du bien-être plus ou moins déplorable de la majeure partie de l’humanité. Si vous validez un système où la spéculation de valeur prime sur la création, le progrès et la juste répartition entre capital financier et travail, alors vous pouvez arrêter de lire, vous perdriez votre temps.
La dette est bien plus intéressante puisque finalement elle est mère de la bourse. Wilson donne dans son texte un historique assez simple – la simplicité qui manque aux discours actuels – l’origine et le développement de l’argent, transformé en dette par un temple devenu banque ; il écrit ainsi : « En prêtant à intérêt dix fois ou plus ses actifs réels, la banque moderne tout à la fois crée de la dette et l’argent pour rembourser cette dette. Fiat, « que cela soit ». Mais à Sumer même l’endettement du roi (de l’état) vis-à-vis du temple (la banque) avait déjà commencé » (PLW, « Économie sumérienne »). Limpide ! Les Anciens connaissaient bien déjà l’endettement, et les rois – sans doute, les premiers.
Okay, me direz-vous, mais alors ? Et bien, rien, rien si ce n’est que dans ce même nous lisons : « Le Jubilée ou période d’abandon de dettes (connu dans la Bible) existait déjà à Sumer qui sans lui aurait croulé sous le poids de ses dettes. » Ah intéressant, les États antiques pouvaient aussi crouler sous le poids de leurs dettes, mais ils avaient une solution : le Jubilée ! Vous me direz qu’un roi à cette époque aurait tout aussi bien pu éliminer ses créanciers, annulant du même coup ses dettes. Pas sûr, mais de nos jours je vois mal Sarkozy émettre un mandat d’arrêt contre ceux à qui il doit sa place. Un État moderne peut s’en sortir autrement, faire tourner la planche à billets, renégocier les échéances de sa dette, etc. Oui, mais justement cela ne marche plus, ou plus assez bien en tout cas. Et disons-le : cela ne résoudrait pas le problème du commun des mortels, qui tôt ou tard – puisque nous, citoyens, sommes aussi « actionnaires » de nos États, pour parler novlangue – va payer la note.
Et puis merde. Pourquoi les « États » – devenus des abstractions mathématiques aussi improbables que vides de sens – pourraient-ils s’en sortir si facilement tout en continuant à avaliser le système de la dette privée et de sa rémunération par intérêt qui se révèle de plus en plus n’être qu’une nouvelle forme de « servage de dettes » – ce système par lequel un débiteur devient l’esclave de son créancier en lui abandonnant sa liberté pour une plus ou moins longue période.
Et j’en arrive donc au cœur de mon propos : le Grand Jubilée (pourquoi faire petit ?) comme solution récurrente aux problèmes récurrents de l’exploitation de l’humain par la dette. Qu’est-ce qu’un jubilé ? Ce mot dérive de l’hébreu Yovel (יובל) et signifie dans l’Ancien Testament une année clôturant sept cycles d’années sabbatiques. Ainsi, tous les 49 ans, un Sabbath du Sabbath marquait une année de jubilé pendant laquelle tous les esclaves étaient libérés :
« Et vous sanctifierez la cinquantième année, vous publierez la liberté dans le pays pour tous ses habitants : ce sera pour vous le jubilé ; chacun de vous retournera dans sa propriété, et chacun de vous retournera dans sa famille » (Lévitique, 25-10).
Ainsi, l’esclave était libéré, le débiteur libéré de sa dette et tout travail s’arrêtait pour une durée d’un an. Oserait-on cela aujourd’hui ? Non, et pourtant, comme en toutes choses, il ne plaît pas d’être frileux, j’ose lancer cet appel au Grand Jubilé :
1. Toutes les dettes privées ou publiques contractées à ce jour seront remises et annulées et les intérêts de ces dettes seront effacés aux débiteurs ;
2. Toutes les banques, privées ou publiques, détenant un titre de créance quelconque (crédit hypothécaire, crédit à la consommation, crédit-bail, crédit de caisse, bref tout crédit) devront en annuler la contrepartie dans leurs livres de comptes et libérer ainsi leurs « clients » de toute obligation de remboursement ;
3. Les bourses sont remises à zéro : chaque valeur qui y est cotée sera remise à sa valeur comptable brute ; tous les bénéfices, toutes les pertes, toutes les marges sont effacés ;
4. Les bourses ne pourront qu’acter un achat ou une vente, sans plus en fixer le prix. Mieux les bourses sont fermées, car jugées antihumaines, liberticides et infamies spirituelles ;
5. Fêtes et festivals seront nourris par les feux des listings bancaires et autres fiches de paie.
6. Amusez-vous ! C’est un ordre.
Bien sûr on me traitera de doux rêveur et je sais que dans notre confort, personne ne s’engagera dans cette voie. Trop dangereux, trop antiéconomique, trop « vieux ». Ah mais, dans un monde en crise de sens, il encore bon et doux de rêver.
Un Appel au Grand Jubilé, Spartakus FreeMann, ce 11 août 2011 e.v. au Nadir de Libertalia.
Face à la situation actuelle de marché – de l’Empire dévoilé – il me revient à l’esprit certains textes d’Hakim Bey. On pourra m’objecter qu’il n’est pas économiste et qu’il serait idiot de faire appel à lui pour résoudre – ou dissoudre – une crise boursière, une crise de la « dette ». Peut-être, ou pas. Car ces successions de krachs, ces soulèvements populaires, cette faillite des États est, selon moi, et avant tout, une crise du sens. Sens de la vie ou de la place de l’homme dans l’économie d’un monde devenu incompréhensible.
Ayant écouté économistes, politiciens, philosophes d’opérettes et autres guignols télévisuels, il m’apparaît que personne aujourd’hui ne comprend pourquoi tout semble s’effondrer ; nul ne semble à même d’expliquer – et à lui-même tout d’abord – comment nous en sommes arrivés là. Des alignements sans fin de chiffres, de faits et de données financières ; une litanie d’accusations politiciennes – c’est pas moi m’sieur c’est l’autre – des gueules farinées et effrayées inondant le petit écran, rien, non rien n’explique rien.
Le hasard, ou merveilleuse conjonction des probables, a voulu qu’hier je retrouve un papier de Peter Lamborn Wilson (autrement connu sous le nom d’Hakim Bey) : « Économie sumérienne ». Tout au long de ce texte, il nous explique le Grand Secret de toute l’actualité présente. Bien sûr je l’ai maintenant traduit et vous pourrez le lire bientôt ; j’espère qu’il vous inspirera comme il m’a inspiré à écrire ce pamphlet.
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« Tous les cinquante ans, les Anciens observaient le Jubilée – un temps de renouveau où tous les esclaves étaient libérés, toutes les dettes annulées, tous les prisonniers relâchés, tous les champs laissés en jachère, et où tous les travailleurs observaient des jours de fêtes et de festivals de non travail ! »
(HB, « Jubilee Saint Project »).
Résumons : l’année 2008 a vu l’émergence de la crise dite des « subprimes » dont les origines et le fonctionnement demandent pour les comprendre de posséder un doctorat en mathématiques financière – mais, en gros, il s’agit d’une crise affectant les dettes immobilières des ménages américains, crise qui s’est répercutée sur les créanciers ; 2011 voit la crise dite des « dettes nationales », les États ayant soutenu les créanciers en difficulté lors de la première crise sont surendettés, certains spéculent alors sur la qualité de leurs dettes, la Grèce en est l’exemple. Vous avez compris quelque chose ? Si oui alors félicitations, vous êtes un génie. De mon côté, j’ai échoué à mobiliser ma concentration et à tenter d’aller plus loin que les premiers termes : bourses et dettes.
Je ne m’étendrai pas sur les bourses, ces affreuses hérésies qui, devenues autogènes et autosuffisantes dictent à leurs créateurs leur volonté toute puissante et, en conséquence, décide du bien-être plus ou moins déplorable de la majeure partie de l’humanité. Si vous validez un système où la spéculation de valeur prime sur la création, le progrès et la juste répartition entre capital financier et travail, alors vous pouvez arrêter de lire, vous perdriez votre temps.
La dette est bien plus intéressante puisque finalement elle est mère de la bourse. Wilson donne dans son texte un historique assez simple – la simplicité qui manque aux discours actuels – l’origine et le développement de l’argent, transformé en dette par un temple devenu banque ; il écrit ainsi : « En prêtant à intérêt dix fois ou plus ses actifs réels, la banque moderne tout à la fois crée de la dette et l’argent pour rembourser cette dette. Fiat, « que cela soit ». Mais à Sumer même l’endettement du roi (de l’état) vis-à-vis du temple (la banque) avait déjà commencé » (PLW, « Économie sumérienne »). Limpide ! Les Anciens connaissaient bien déjà l’endettement, et les rois – sans doute, les premiers.
Okay, me direz-vous, mais alors ? Et bien, rien, rien si ce n’est que dans ce même nous lisons : « Le Jubilée ou période d’abandon de dettes (connu dans la Bible) existait déjà à Sumer qui sans lui aurait croulé sous le poids de ses dettes. » Ah intéressant, les États antiques pouvaient aussi crouler sous le poids de leurs dettes, mais ils avaient une solution : le Jubilée ! Vous me direz qu’un roi à cette époque aurait tout aussi bien pu éliminer ses créanciers, annulant du même coup ses dettes. Pas sûr, mais de nos jours je vois mal Sarkozy émettre un mandat d’arrêt contre ceux à qui il doit sa place. Un État moderne peut s’en sortir autrement, faire tourner la planche à billets, renégocier les échéances de sa dette, etc. Oui, mais justement cela ne marche plus, ou plus assez bien en tout cas. Et disons-le : cela ne résoudrait pas le problème du commun des mortels, qui tôt ou tard – puisque nous, citoyens, sommes aussi « actionnaires » de nos États, pour parler novlangue – va payer la note.
Et puis merde. Pourquoi les « États » – devenus des abstractions mathématiques aussi improbables que vides de sens – pourraient-ils s’en sortir si facilement tout en continuant à avaliser le système de la dette privée et de sa rémunération par intérêt qui se révèle de plus en plus n’être qu’une nouvelle forme de « servage de dettes » – ce système par lequel un débiteur devient l’esclave de son créancier en lui abandonnant sa liberté pour une plus ou moins longue période.
Et j’en arrive donc au cœur de mon propos : le Grand Jubilée (pourquoi faire petit ?) comme solution récurrente aux problèmes récurrents de l’exploitation de l’humain par la dette. Qu’est-ce qu’un jubilé ? Ce mot dérive de l’hébreu Yovel (יובל) et signifie dans l’Ancien Testament une année clôturant sept cycles d’années sabbatiques. Ainsi, tous les 49 ans, un Sabbath du Sabbath marquait une année de jubilé pendant laquelle tous les esclaves étaient libérés :
« Et vous sanctifierez la cinquantième année, vous publierez la liberté dans le pays pour tous ses habitants : ce sera pour vous le jubilé ; chacun de vous retournera dans sa propriété, et chacun de vous retournera dans sa famille » (Lévitique, 25-10).
Ainsi, l’esclave était libéré, le débiteur libéré de sa dette et tout travail s’arrêtait pour une durée d’un an. Oserait-on cela aujourd’hui ? Non, et pourtant, comme en toutes choses, il ne plaît pas d’être frileux, j’ose lancer cet appel au Grand Jubilé :
1. Toutes les dettes privées ou publiques contractées à ce jour seront remises et annulées et les intérêts de ces dettes seront effacés aux débiteurs ;
2. Toutes les banques, privées ou publiques, détenant un titre de créance quelconque (crédit hypothécaire, crédit à la consommation, crédit-bail, crédit de caisse, bref tout crédit) devront en annuler la contrepartie dans leurs livres de comptes et libérer ainsi leurs « clients » de toute obligation de remboursement ;
3. Les bourses sont remises à zéro : chaque valeur qui y est cotée sera remise à sa valeur comptable brute ; tous les bénéfices, toutes les pertes, toutes les marges sont effacés ;
4. Les bourses ne pourront qu’acter un achat ou une vente, sans plus en fixer le prix. Mieux les bourses sont fermées, car jugées antihumaines, liberticides et infamies spirituelles ;
5. Fêtes et festivals seront nourris par les feux des listings bancaires et autres fiches de paie.
6. Amusez-vous ! C’est un ordre.
Bien sûr on me traitera de doux rêveur et je sais que dans notre confort, personne ne s’engagera dans cette voie. Trop dangereux, trop antiéconomique, trop « vieux ». Ah mais, dans un monde en crise de sens, il encore bon et doux de rêver.