Magie du Chaos

De la religion en kit

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Par Rorschach

… Et de son rapport avec la Magie du Chaos.

Très jeune, je me suis intéressé non seulement au comment et au pourquoi de la religion elle-même, mais également au sentiment religieux quel qu’il fût. Il se trouvait dans celle qui fut la mienne, le catholicisme ou le christianisme – je n’ai jamais bien saisi la différence et ces subtilités m’échappent encore, plusieurs points qui me dérangeaient passablement et qui ne sont autres que les contradictions classiques avancées par les athées et autres adversaires plus ou moins enragés : la vierge qui enfante, le « pêché » transmis à la descendance innocente, ce dieu tout amour, mais largement vindicatif. De même, me troublait, dès mon plus jeune âge, l’apparence toute proprette de ce messie à peau lisse (remarquez le subtil jeu de mots), petit blanc aux cheveux Timotei, parce qu’il le vaut bien, alors qu’un prêcheur de Nazareth de l’époque aurait plutôt arboré un visage buriné et hâlé par le soleil. Enfant, je passais donc le temps du catéchisme, à conjecturer le visage de Jésus tel qu’il aurait pu être dans une réalité moins dorée.

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Comme de nombreux croyants, j’imagine, j’eus tôt fait de constater à quel point la bonté de notre seigneur était toute relative. Au catéchisme, j’avais un problème avec la parabole des talents, que j’assimile à une parfaite apologie du capitalisme dans ce qu’il a de plus vil, le profit pour le profit, fut-il « spirituel » entre gros guillemets…

Plus tard, à l’âge des premières amours, je passais à l’ennemi, assumant de façon très démonstrative mon attrait tout neuf pour le satanisme, surlignant mon opposition aux racines pseudo-spirituelles que l’on m’avait inculquées, à ces idées et concepts auxquels je ne croyais plus, à ce pseudo-dieu qui m’avait trahi et déçu.

Le satanisme, qui pour moi a commencé avec Marylin Manson, ses interviews, bouquins, biographies que je dévorais dans ma chambre d’adolescent. On fait avec ce que l’on a. Et je dois rappeler qu’à l’époque, l’internet était une chose baveuse et balbutiante, crachant laborieusement son rôt d’informations quand on lui tapotait le dos. Par dessus tout, une phrase du révérend Manson m’avait interpellé, pardon si ma mémoire ne me permet pas de la retranscrire fidèlement : « Ne vous demandez pas ce que dois faire un sataniste. Étudiez toutes les religions, tous les -ismes, prenez ce qui vous convient et jetez le reste ». C’est ce que j’ai fait. J’ai beaucoup lu, pris ce qui me convenait, jeté le reste. Forcément, ma précédente confession y est passée.

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Journal de Rorschach, 21 avril 2012

Je me souviens de ce cours de morale – une bizarrerie belge de plus – où le professeur, « philosophe de formation » dont le cheveu sur la langue valait celui qu’il avait dans le cerveau, avait refusé d’entendre mon plaidoyer en faveur du satanisme lors d’un « cours » consacré aux religions. « Le satanisme ne fait que s’inscrire en faux par rapport au christianisme » avait-il proclamé avec toute l’arrogance de ces ignorants qui connaissent mieux que vous ce dont ils n’ont aucune idée. Ainsi, pour les imbéciles les plus heureux de l’être, seules les religions officielles, ayant pignon sur rue, avaient le droit de cité. Ce qui revenait pour moi à manger toujours le même plat, regarder une seule chaîne de télé passant invariablement le même film abrutissant (la messe du dimanche, pourquoi pas), écouter la même chanson en boucle et surtout se boucher les oreilles à l’intrusion d’un air nouveau en signant son front d’une croix. Voilà la seule option communément admise par les « formés à la philosophie », reflets théologiques d’une gérontocratie universitaire étouffée par la naphtaline. Très peu pour moi.

Je n’ai découvert les écrits de LaVey que sur le tard. Un antibiotique des plus efficaces dont je ressens toujours les effets sur ma personnalité ; mais son utilité à mon développement n’est plus d’actualité, d’autant que les nouvelles têtes (non) pensantes, de ce mouvement grandguignolesque se sont révélées aussi exécrablement dirigistes que n’importe quel ayatollah ou souverain pontife. Mais c’est une autre histoire, fin de la parenthèse donc.

Il y a quelques années, je ne sais plus dans quel torchon, j’ai pu lire un article extrêmement dépréciatif sur « les religions en kit », présentées en gros comme des morales à deux balles pour une spiritualité en carton, de type fast-food, où tout était mélangé avec n’importe quoi pour une pratique religieuse à moindres frais. Là où l’article stigmatisait un bordel sans nom, je voyais la liberté de croire, et comme dans la chanson de ce grand poète post-moderne, de penser. Mon propre rapport avec la religion, ma religion pour ainsi dire, est mouvant, changeant, en perpétuelle transformation. Vivant en un mot. Aux codes figés des vendeurs de croyances débiles et débilitantes, je préférai les philosophies orientales, le zen des arts martiaux japonais, couplés à un Nietzschéisme féroce et une volonté de se construire soi-même, sur le plan physique, mental et moral. Nous sommes influencés par ce que voient nos yeux, ce qu’entendent nos oreilles et, parce que je prétendais choisir mes influences, me sont parvenus ces échos que je ne voulais plus entendre grondant à l’insolence : qui étais-je donc pour oser tracer ma voie sans prendre conseil dans leurs demeures ? Si c’est cela que l’on appelle une religion en kit, alors soit. Je préfère que l’on me traite de fou, mais qu’on me laisse jouer avec mes Lego plutôt que de prendre part à ce jeu de rôle où l’on finit toujours perdant. Jouer, parce que justement je ne suis plus un enfant, parce que j’ai passé l’âge que l’on me dise ce en quoi je dois croire – ce qui me semble relever d’une maladie contagieuse que je préfère éviter.

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Les Illuminati de Thanateros

Prendre des us et croyances disparates pour en faire un patchwork, homogène ou non, utiles à ses besoins, voilà ce qui rapproche le chaote de l’adepte de la spiritualité version do-it-yourself.

On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Pour avoir lu quelques commentaires des plus déplacés et désobligeants sur des blogs ésotériques, notamment ceux de Melmothia et Spartakus FreeMann, il me semble que la magie, et la Chaos en particulier, reste soumise au même genre de trous du cul. Là où de nombreuses pratiques magiques et/ou spirituelles visent à l’élargissement de la conscience, les tenants de l’obéissance et de la non-pensée nous proposent l’apologie de son rétrécissement, de son enfermement, voire de son élimination pure et simple, pour enfin atteindre la vérité, la leur, celle d’un monde où tout esprit critique, toute indépendance et toute personnalité ont disparu au profit de l’imitation passive, de la copie et de la répétition d’actes ayant depuis longtemps perdu toute signification – à moins qu’ils n’en aient jamais eu – ; des vaches condamnées à mâcher indéfiniment leur infâme gazon, les trains qui passent pour seule distraction, et ce pour des siècles et des siècles, amen.

Le nôtre, de train, passe, et ils le regardent en mâchouillant leurs critiques prédigérées, sans vraiment pouvoir nous atteindre, car de pouvoir ils n’ont jamais eu que celui de se bercer dans l’illusion, l’illusion d’un autre qui plus est. Peut-être ne savons-nous pas où nous allons, comme ils le clament haut et fort, mais nous allons quelque part et tandis que certains d’entre nous sautent du train en marche pour mieux y remonter, que d’autres s’emploient à le faire voler, rouler plus vite, ou même dérailler, eux restent dans leur morne pré, où il n’y a point d’amour contrairement à l’émission éponyme, le seul pré qu’ils aient jamais connu, le seul qu’ils connaîtront jamais. Ils nous vouent à l’enfer sans se douter qu’eux-mêmes y résident, sans imaginer que pour nous, c’est leur vision du paradis, qui a un goût amer.

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Oublions donc leurs critiques fielleuses. Ceux-là me font de la peine. Et le réel est moins chiant vu de nos fenêtres.

Et si par un hasard heureux, l’un de ces détracteurs venait à lire ce texte, qu’il veuille bien se rappeler ceci : qu’il s’agisse de religion ou de magie, la sienne aussi, est une pratique « en kit », à cette différence près que les éléments qui la composent ont été choisis et validés par d’autres, aux mœurs et morale révolues. Vivre dans le passé ou tenter, au moins de regarder le futur pour ce qu’il est, les chaotes ont choisi. Et moi donc.

Tel a été jusqu’ici mon chemin. Certains me diront que le satanisme LaVeyien est une soupe dans laquelle chacun met ce qu’il veut, concoctant une potée qui n’a, au final, plus grand-chose de « sataniste ». C’est loin d’être faux. Mais l’idée n’est pas de s’évader d’une prison pour se jeter volontairement dans une autre.

Et si j’ai fui à toutes jambes la « vérité révélée » de mes ancêtres et leur fils-de-dieu au sourire ultra-bright, ce n’est pour m’inféoder à de nouveaux despotes, fussent-ils éclairés.

Pour conclure, quelle que soit votre obédience, votre degré de pratique ou le nombre de livres que vous avez lu, et même si un ange a érigé son nid sur votre tête, votre « vérité » ne vaut ni plus ni moins que la mienne. Mais je suis prêt à vous écouter, si vous-mêmes respectez cette écoute, ainsi que mon cheminement. Cette notion de respect est de première importance. Si vous en êtes dépourvu, il va de soi que vous vous décrédibiliserez, vous comme vos « arguments », et ne faites que salir une doctrine qui, peut-être, mérite vraiment le coup d’œil.

De la religion en kit, Rorschach, 2011.

Illustration : Melmo-montage.

About

Nouvelle version de KAosphOruS, le WebZine Chaote francophone. Ce projet est né en 2002 suite à une discussion avec un ami, Prospéro, qui fut à la source d’Hermésia, la Tortuga de l’Occulte. Le webzine alors n’était pas exclusivement dédié à la Magie du Chaos, mais après la disparition de son fondateur, il a évolué vers la version que vous pouvez aujourd’hui lire. L’importance de la Chaos Magic(k) ou Magie du Chaos grandit au sein de la scène magique francophone. Nous espérons apporter notre clou au cercueil… Melmothia & Spartakus FreeMann

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