Par Spartakus FreeMann
Après avoir écrit « Les Sigils pour les tanches » et suite à certaines discussions avec ma compagne, je me suis replongé dans l’univers des sceaux, plus particulièrement du point de vie des innovations que cette technique pouvait apporter à la Magie en général et à la Chaos Magick en particulier.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore, la Chaos est le dernier courant maudit et underground de la tradition magique occidentale. Les chaotes formulent et construisent leurs propres rituels en piquant et trafiquant ceux des autres si nécessaire. Le chaote agit ainsi parfois comme un pirate occulte : il vient, il voit, il rapine et ensuite bidouille le fruit de sa « course » afin de se forger un nouvel outil dans ses expérimentations magiques. Pour un chaote, ce qui compte, en définitive, ce n’est pas tant la couleur de la magie que les résultats ; en ce sens, l’adepte de la Chaos se distancie de tous les dogmes, des « paradigmes », des croyances pour serpenter joyeusement dans les temples et églises afin d’y glaner ce qui sera la base de son œuvre. Il ne faudrait cependant pas voir cette description lyrique comme une absolue vérité. Le chaote agit grâce à une ouverture d’esprit, ou béance spirituelle, alliée à une tension vers la scientificité des opérations. Délaissant l’ego et la politique – le chaote n’est pas un anarchiste – et si possible la religion – le chaote n’est ni théiste ni athéiste, mais non plus bouddhiste – le chaote se tient loin, très loin, des ordres initiatiques.
Il est assez triste de voir que la Chaos Magick rencontre si peu d’audience dans le monde francophone et que sa dynamique première – celle des jeunes années punks anglaises – ne se soit pas communiquée à nos mages parisiens enrobés. On peut sans doute chercher bien des raisons à cela, mais son côté sauvage et discordien pêche contre la Chaos. L’indépendance et la discrétion des rares chaotes francophones ne sont pas non plus favorables à la propagation d’idées qui restent en fin de compte étrangères au monde traditionnel et secret de l’occulture hexagonale.
Cela dit, le but de ce papier n’étant pas de parler de la Chaos en général, revenons à nos sceaux et essayons de les poser suffisamment en évidence pour ne pas se prendre les pieds dedans.
À l’origine, les sigils seront « découverts » par Austin Osman Spare – dans son Book of Pleasure – puis popularisés par Pete J. Carroll dans son livre Liber Null and Psychonaut où il décrit les méthodes et applications que nous pouvons résumer ici :
1. La méthode du mot : on écrit une intention magique sous la forme d’une phrase, on élimine les mots superflus et on arrange alors le résultat sous la forme d’un glyphe.
2. La méthode picturale : on dessine une représentation de l’intention magique.
3. La méthode du mantra : on psalmodie son intention par un chant.
On peut schématiser la construction d’un sigil de la manière suivante :
1. la phase de construction qui déverrouille l’esprit mental rationnel
2. la charge du sigil
3. la phase d’oubli du sigil
Voilà pour le principe de base, on peut se référer aux autres textes de KAosphOruS pour avoir davantage de détails. Avec cette méthode, nous sommes en présence d’une formulation nouvelle des antiques sceaux tant médiévaux que dérivés de l’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée (et de Crowley autant que faire se peut).
Cette base théorique et pratique n’est cependant pas la seule méthode à la disposition du mage moderne. Des alphabets magiques peuvent être créés et utilisés afin de fabriquer des sigils : on peut s’inspirer des runes, de l’énochien, de l’hébreu ou d’autres alphabets magicomiques ; on peut aussi créer son propre alphabet sacré (comme le préconise d’ailleurs Spare). Il appartient au mage de se choisir ou de se créer un tel alphabet selon ses propres goûts, inclinaisons « mystiques » et délires cérémoniels. Certains peuvent se sentir plus à l’aise avec les folies guématriques ou énochiennes là où d’autres se satisferont de notre alphabet latin ; il n’y a pas de règle.
On peut également laisser aller sa fibre artistique et mettre en couleur les glyphes créés. Les couleurs jouent un rôle important dans la pratique magique et il est profitable pour les magiciens de se plonger dans l’étude de leur symbolique et effets dans la magie. L’association des couleurs dans la construction d’un glyphe ne peut, selon nous, que renforcer son pouvoir de levier de notre volonté à réaliser un désir magique.
On peut également sigiliser son propre corps en appliquant les règles de base décrites ci-dessus, si ce n’est que l’on écrit le glyphe ou les glyphes sur soi-même. On les conservera ainsi quelques heures en essayant d’oublier leur présence ; on peut bannir avant et après leur inscription.
En cette ère du numérique, peut être également considérée l’utilisation de moyens informatiques afin de fabriquer un sigil interactif que l’on projettera dans la webosphère. Le sigil peut être une simple représentation statique ou une image animée plus complexe. À nouveau, ce sigil placé sur une page web ou envoyé par email devra être totalement « oublié » une fois qu’il est ainsi lancé dans l’univers binaire et imaginal où il est censé opérer. On pourrait également prévoir l’utilisation d’un site web complet agissant comme un sigil plus complexe.
Pour conclure, voici quelques conseils généraux que le chaote pourra ou non décider de suivre :
Tout d’abord, oubliez ces histoires de cercles de protection, de charge ou de purification du lieu de l’opération, bref toutes ces choses qui ne font plus bander que les occultistes des salons cossus de l’occulture traditionnelle. Faites simple, une fois que votre intention est clairement exprimée en vous, écrivez-la, utilisez l’alphabet de prédilection, symbolisez alors votre intention par la méthode décrite ci-dessus – avec ou sans couleur, sur papier, sur votre corps, sur un objet ou des vêtements ou sur un support électronique par ordinateur, statique ou interactif.
Si vous utilisez du papier, choisissez sa couleur ainsi que la couleur de l’encre. Vous pouvez également choisir la forme du papier selon l’opération à pratiquer.
Une fois le sigil créé et chargez-le puis oubliez-le. La méthode que j’utilise est celle de la « consumation » : le papier est brûlé par visualisation juste après avoir été chargé, habituellement par l’utilisation de la technique TOPY des fluides. Le but est de se fondre dans le sigil et dans son but. Faites ce que vous jugez approprié pour ce faire.
Pour finir, nous bannissons de préférence par un grand éclat de rire.
Voilà qui, nous l’espérons, offrira une vision simple de la sigilisation à tous ceux qui désirent s’y essayer. Pour conclure, il nous semble important, dans cette pratique, de se défaire des images dichotomiques de l’occultisme contemporain et de sa frigidité morale. Les sigils ne sont ni démoniaques ni angéliques, ils ne sont que l’expression forte et déterminée de nos désirs actionnés par la volonté magique. La morale relève du domaine personnel, et cela nous importe peu. La Chaos Magick n’est pas diabolique, les sigils encore moins, il n’y a d’« adversaire » que dans l’esprit du mage. À lui de passer outre.
Ma vision de la sigilisation dans la Chaos Magick, Spartakus FreeMann, novembre 2008 e.v.
Par Spartakus FreeMann
Après avoir écrit « Les Sigils pour les tanches » et suite à certaines discussions avec ma compagne, je me suis replongé dans l’univers des sceaux, plus particulièrement du point de vie des innovations que cette technique pouvait apporter à la Magie en général et à la Chaos Magick en particulier.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore, la Chaos est le dernier courant maudit et underground de la tradition magique occidentale. Les chaotes formulent et construisent leurs propres rituels en piquant et trafiquant ceux des autres si nécessaire. Le chaote agit ainsi parfois comme un pirate occulte : il vient, il voit, il rapine et ensuite bidouille le fruit de sa « course » afin de se forger un nouvel outil dans ses expérimentations magiques. Pour un chaote, ce qui compte, en définitive, ce n’est pas tant la couleur de la magie que les résultats ; en ce sens, l’adepte de la Chaos se distancie de tous les dogmes, des « paradigmes », des croyances pour serpenter joyeusement dans les temples et églises afin d’y glaner ce qui sera la base de son œuvre. Il ne faudrait cependant pas voir cette description lyrique comme une absolue vérité. Le chaote agit grâce à une ouverture d’esprit, ou béance spirituelle, alliée à une tension vers la scientificité des opérations. Délaissant l’ego et la politique – le chaote n’est pas un anarchiste – et si possible la religion – le chaote n’est ni théiste ni athéiste, mais non plus bouddhiste – le chaote se tient loin, très loin, des ordres initiatiques.
Il est assez triste de voir que la Chaos Magick rencontre si peu d’audience dans le monde francophone et que sa dynamique première – celle des jeunes années punks anglaises – ne se soit pas communiquée à nos mages parisiens enrobés. On peut sans doute chercher bien des raisons à cela, mais son côté sauvage et discordien pêche contre la Chaos. L’indépendance et la discrétion des rares chaotes francophones ne sont pas non plus favorables à la propagation d’idées qui restent en fin de compte étrangères au monde traditionnel et secret de l’occulture hexagonale.
Cela dit, le but de ce papier n’étant pas de parler de la Chaos en général, revenons à nos sceaux et essayons de les poser suffisamment en évidence pour ne pas se prendre les pieds dedans.
À l’origine, les sigils seront « découverts » par Austin Osman Spare – dans son Book of Pleasure – puis popularisés par Pete J. Carroll dans son livre Liber Null and Psychonaut où il décrit les méthodes et applications que nous pouvons résumer ici :
1. La méthode du mot : on écrit une intention magique sous la forme d’une phrase, on élimine les mots superflus et on arrange alors le résultat sous la forme d’un glyphe.
2. La méthode picturale : on dessine une représentation de l’intention magique.
3. La méthode du mantra : on psalmodie son intention par un chant.
On peut schématiser la construction d’un sigil de la manière suivante :
1. la phase de construction qui déverrouille l’esprit mental rationnel
2. la charge du sigil
3. la phase d’oubli du sigil
Voilà pour le principe de base, on peut se référer aux autres textes de KAosphOruS pour avoir davantage de détails. Avec cette méthode, nous sommes en présence d’une formulation nouvelle des antiques sceaux tant médiévaux que dérivés de l’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée (et de Crowley autant que faire se peut).
Cette base théorique et pratique n’est cependant pas la seule méthode à la disposition du mage moderne. Des alphabets magiques peuvent être créés et utilisés afin de fabriquer des sigils : on peut s’inspirer des runes, de l’énochien, de l’hébreu ou d’autres alphabets magicomiques ; on peut aussi créer son propre alphabet sacré (comme le préconise d’ailleurs Spare). Il appartient au mage de se choisir ou de se créer un tel alphabet selon ses propres goûts, inclinaisons « mystiques » et délires cérémoniels. Certains peuvent se sentir plus à l’aise avec les folies guématriques ou énochiennes là où d’autres se satisferont de notre alphabet latin ; il n’y a pas de règle.
On peut également laisser aller sa fibre artistique et mettre en couleur les glyphes créés. Les couleurs jouent un rôle important dans la pratique magique et il est profitable pour les magiciens de se plonger dans l’étude de leur symbolique et effets dans la magie. L’association des couleurs dans la construction d’un glyphe ne peut, selon nous, que renforcer son pouvoir de levier de notre volonté à réaliser un désir magique.
On peut également sigiliser son propre corps en appliquant les règles de base décrites ci-dessus, si ce n’est que l’on écrit le glyphe ou les glyphes sur soi-même. On les conservera ainsi quelques heures en essayant d’oublier leur présence ; on peut bannir avant et après leur inscription.
En cette ère du numérique, peut être également considérée l’utilisation de moyens informatiques afin de fabriquer un sigil interactif que l’on projettera dans la webosphère. Le sigil peut être une simple représentation statique ou une image animée plus complexe. À nouveau, ce sigil placé sur une page web ou envoyé par email devra être totalement « oublié » une fois qu’il est ainsi lancé dans l’univers binaire et imaginal où il est censé opérer. On pourrait également prévoir l’utilisation d’un site web complet agissant comme un sigil plus complexe.
Pour conclure, voici quelques conseils généraux que le chaote pourra ou non décider de suivre :
Tout d’abord, oubliez ces histoires de cercles de protection, de charge ou de purification du lieu de l’opération, bref toutes ces choses qui ne font plus bander que les occultistes des salons cossus de l’occulture traditionnelle. Faites simple, une fois que votre intention est clairement exprimée en vous, écrivez-la, utilisez l’alphabet de prédilection, symbolisez alors votre intention par la méthode décrite ci-dessus – avec ou sans couleur, sur papier, sur votre corps, sur un objet ou des vêtements ou sur un support électronique par ordinateur, statique ou interactif.
Si vous utilisez du papier, choisissez sa couleur ainsi que la couleur de l’encre. Vous pouvez également choisir la forme du papier selon l’opération à pratiquer.
Une fois le sigil créé et chargez-le puis oubliez-le. La méthode que j’utilise est celle de la « consumation » : le papier est brûlé par visualisation juste après avoir été chargé, habituellement par l’utilisation de la technique TOPY des fluides. Le but est de se fondre dans le sigil et dans son but. Faites ce que vous jugez approprié pour ce faire.
Pour finir, nous bannissons de préférence par un grand éclat de rire.
Voilà qui, nous l’espérons, offrira une vision simple de la sigilisation à tous ceux qui désirent s’y essayer. Pour conclure, il nous semble important, dans cette pratique, de se défaire des images dichotomiques de l’occultisme contemporain et de sa frigidité morale. Les sigils ne sont ni démoniaques ni angéliques, ils ne sont que l’expression forte et déterminée de nos désirs actionnés par la volonté magique. La morale relève du domaine personnel, et cela nous importe peu. La Chaos Magick n’est pas diabolique, les sigils encore moins, il n’y a d’« adversaire » que dans l’esprit du mage. À lui de passer outre.