Il me brûlait de hurler : la chaos magic est morte ! – dans le microcosme francophone du moins. En fait elle n’est jamais née ; précisément, elle s’est noyée dans la Manche – casse-croûte de Dagon.
Sa nécrologie manquait, voilà tout. Je sens que l’on s’agite dans les rangs. Vous pouvez bien me gueuler que je délire ; vous êtes morts, que m’importe. J’ai sondé les landes, les marais, les cloaques : partout la merde, les fluides froids de nuits ennuyées ; la chaos ? Bla bla bla.
La chaos magic est morte. Merde ! Pas de chance vous dansiez sur son fantôme. Eh quoi ? Lancer des sarabandes de Télétubbies, de Schtroumpfs fagotés en Satan du Bois de Boulogne, ça ne suffit pas – oh non, du tout – à invoquer la chaos.
M’emmerdez pas avec vos cris, vos pleurs, vos rires ; je n’entends pas les morts. On avait pourtant armé le bateau, repeint le bastingage, lavé les voiles. On avait les calles gorgées de livres, de mots, de gestes, d’outils – de sexe, de merde, aussi. On avait largué les amarres. On avait surtout laissé les vieux cons sur le quai – un coup de mouchoir – ciao Satan et Dieu, ciao Horus et Maat, ciao toutes ces sérénades ineptes – « fais ce que voudras, en tendant la joue gauche pendant qu’on te sodomise les poches. La mort est la loi, l’amore e la laie et le cochon s’en dédit ».
On cinglait vers Croatoan. On était ivre, une trique déchirant nos braies ; la mèche dans le vent, le regard au loin. Fiers. Con. Fiers mais con.
Voilà la nef des fous, voilà l’espoir ! Qui pouvait prévoir un grain pareil qui nous chavirerait l’expédition ?
Entracte.
Zut, il manque l’essentiel. Du cul. Que serait un chaote sans une pinte de foutre cypriné à la chiasse d’orgie ?
Fau John se tenait dans son occultum. La dague sacrificielle à la main (sa bite vous m’aurez compris), il aspergeait avec force détermination la brebis propiatoire (ou la scarlet o’hara woman) ficelée telle une rosette de Lyon sur l’autel (bon la table de la cuisine). Après les purifications et exorcismes, il s’approche de la victime, ayant eu soin d’invoquer Nyarlatotep, Yog-Sothoth, Jéhovah et Bécassine comme gardiens du seuil. Enthousiasmé par les fumigations d’herbe sacrée (du shit quoi) il frappe de sa dague l’étoile offerte, il fourrage frénétiquement en évoquant les 473 923 anges, démons et persos de JDR sur lesquels son art lui donne tout pouvoir. Bientôt l’élixir divin oint l’étoile et Fau John récupère alors ce nectar cérémoniel afin d’en faire eucharistie. Les gardiens du seuil hors de contrôle se jettent sur la brebis… (veuillez consulter télérama pour l’épisode 2).
Je disais donc : la chaos magic est morte. Et c’est de votre faute – de la mienne aussi. On attendait le messie, il a sombré pendant le voyage. Les matelots se croyaient un club d’élus, genre sénateurs à la retraite. Les nouilles ! Ils se paluchaient dans les cabines pendant l’orage ! Le pilote ? Quoi ? Ah oui, il y avait bien un mec qui s’occupait du livre de bord : putain il en chiait des lignes ce con. Le soir de la tragédie, il ronflait, saoul, un cigare lui barrant la bouche. En fait, il y avait belle lurette que le bateau tournait en rond.
Ce soir là. Ce soir d’orage. Ce soir comme tous les autres. Piteusement. Avec un petit craquement. J’y étais, je ronflais ! Les matelots affairés à discourir de la nature antinomique des anomies conflictuelles des thèses antithésées – et vice et versa – dans une optique acratique – quoiqu’aristocratique – de la nature des doryphores et de leur utilité dans les filtres d’amour… Ben ils ont rien vu, rien entendu, rien dit.
Sur l’eau comme un voile translucide. Les feuilles du trésor chaote qui, déjà, se désagrègent, fondent, repaissent la poiscaille.
Sous les flots, une caisse – estampillée « les plus terribles secrets des neuromanciens » s’échappe du navire.
Elle s’ouvre ne laissant s’échapper une grosse bulle d’air.
Dagon passant par là en fit son repas dominical. Amen.
***
Well. Les histoires, moi, ça me gonfle.
Je vous entends déjà : non la chaos est bien vivante, pour preuve je l’ai vue ce matin flottant au fond des chiottes.
Non, désolé. Profondément.
Ce qui est vivant – trop – c’est une fantasmagorie. Une sorte de rêve à la Tyler Durden : une pose précieuse, crasseuse et hautaine. « Nous sommes, nous chaotes, des couillus, des cadors de la magic. Quand on pète, c’est un exorcisme ; quand on baise, une hiérogamie ; quand on glande, une retraite de stylite ». Merde.
Attention, je vous aime bien. Mais globalement, la chaos francophone se résume misérablement à quelques tentatives – parfois réussies, souvent avortées – de franchir le pas vers une pratique différente. Entre syncrétisme niais et pures débilités, je ne sais trop ce que je hais le plus. Si je sais. C’est cette infecte propension à former un club pseudo-élitiste.
Quand on me demande pourquoi la chaos francophone est aussi peu productive, gêné je ne peux que répondre : c’est culturel. Politesse avant tout.
Il est facile de se dire chaote, chaoticien, chaosophe – chaophile de mes deux surtout. Ça ne mange pas de pain, voyez-vous. C’est léger. On le dit, on oublie. Ah ça, il en coûte moins que de suivre un cursus – fut-il par correspondance – d’étudier, de pratiquer. Bref. C’est dans l’air du temps numérique : on clique, on aime, on oublie, on se branle, et on en est fier !
Mea culpa, mea maxima culpa. Je jette la première pierre sur moi d’abord, sur vous ensuite.
Ensuite. Comment voulez-vous avoir compris quoique ce soit à la démarche de la chaos – non réductible à la pratique magique ceci dit – quand vous demandez : « Dis Spart, c’est quand que tu fondes une branche de l’IOT ? Dis, pourquoi il n’y a pas de groupe en place qui pratique ? Dis, dis, dis encore Spart, pourquoi l’OTO est pas actif en France ? » What the fuck ? L’OTO ? Et vous osez ensuite chier sur les autres ordres – pré-néo-éonique-horusiens ? Vous clamez votre liberté face aux anciennes structures pour courir dans les bras de bidules inutiles calqués sur les anciens ?
Ensuite. Vous pleurez sur le désert que vous avez contribué à créer ! Oh le joli manège que voilà. « Il n’y a pas assez en français msieur, dis msieur tu veux pas nous pondre un truc, nous écrire un livre, nous faire bander la baguette ? Dis, hein dis ? » Pour tout de suite chier sur KAosphOruS ; pour accuser le Chaos Compendium d’être bien – faut bien lécher le cul du Spart -, mais cher (on peut le télécharger où ?) ; pour me chier dans le cou, aussi, un peu. Les traductions de Hine, Carroll, Dukes, Sherwin et de toutes les cohortes des cieux chaotes sont pourtant disponibles. Vous en faites quoi ? Des avions en papier ? Des proses alanguies pour draguer la meuf, je parie. Je vous vois bien. La queue dressée et la vulve huileuse à vous toucher l’ego sur une chose qui vous a échappé. Oh bien sûr, je ne fais pas exception. Je ne suis pas meilleur que vous.
Oui, je suis désolé. C’est cela en définitive. Risible. La chaos francophone a sombré – avalée par Dagon, souvenez-vous-en – parce qu’il n’y avait personne sur le pont. De toute manière personne ne l’attendait.
Le démon Corrosion, Spartakus FreeMann, août 2012 e.v.
Par Spartakus FreeMann
Il me brûlait de hurler : la chaos magic est morte ! – dans le microcosme francophone du moins. En fait elle n’est jamais née ; précisément, elle s’est noyée dans la Manche – casse-croûte de Dagon.
Sa nécrologie manquait, voilà tout. Je sens que l’on s’agite dans les rangs. Vous pouvez bien me gueuler que je délire ; vous êtes morts, que m’importe. J’ai sondé les landes, les marais, les cloaques : partout la merde, les fluides froids de nuits ennuyées ; la chaos ? Bla bla bla.
La chaos magic est morte. Merde ! Pas de chance vous dansiez sur son fantôme. Eh quoi ? Lancer des sarabandes de Télétubbies, de Schtroumpfs fagotés en Satan du Bois de Boulogne, ça ne suffit pas – oh non, du tout – à invoquer la chaos.
M’emmerdez pas avec vos cris, vos pleurs, vos rires ; je n’entends pas les morts. On avait pourtant armé le bateau, repeint le bastingage, lavé les voiles. On avait les calles gorgées de livres, de mots, de gestes, d’outils – de sexe, de merde, aussi. On avait largué les amarres. On avait surtout laissé les vieux cons sur le quai – un coup de mouchoir – ciao Satan et Dieu, ciao Horus et Maat, ciao toutes ces sérénades ineptes – « fais ce que voudras, en tendant la joue gauche pendant qu’on te sodomise les poches. La mort est la loi, l’amore e la laie et le cochon s’en dédit ».
On cinglait vers Croatoan. On était ivre, une trique déchirant nos braies ; la mèche dans le vent, le regard au loin. Fiers. Con. Fiers mais con.
Voilà la nef des fous, voilà l’espoir ! Qui pouvait prévoir un grain pareil qui nous chavirerait l’expédition ?
Zut, il manque l’essentiel. Du cul. Que serait un chaote sans une pinte de foutre cypriné à la chiasse d’orgie ?
Fau John se tenait dans son occultum. La dague sacrificielle à la main (sa bite vous m’aurez compris), il aspergeait avec force détermination la brebis propiatoire (ou la scarlet o’hara woman) ficelée telle une rosette de Lyon sur l’autel (bon la table de la cuisine). Après les purifications et exorcismes, il s’approche de la victime, ayant eu soin d’invoquer Nyarlatotep, Yog-Sothoth, Jéhovah et Bécassine comme gardiens du seuil. Enthousiasmé par les fumigations d’herbe sacrée (du shit quoi) il frappe de sa dague l’étoile offerte, il fourrage frénétiquement en évoquant les 473 923 anges, démons et persos de JDR sur lesquels son art lui donne tout pouvoir. Bientôt l’élixir divin oint l’étoile et Fau John récupère alors ce nectar cérémoniel afin d’en faire eucharistie. Les gardiens du seuil hors de contrôle se jettent sur la brebis… (veuillez consulter télérama pour l’épisode 2).
Je disais donc : la chaos magic est morte. Et c’est de votre faute – de la mienne aussi. On attendait le messie, il a sombré pendant le voyage. Les matelots se croyaient un club d’élus, genre sénateurs à la retraite. Les nouilles ! Ils se paluchaient dans les cabines pendant l’orage ! Le pilote ? Quoi ? Ah oui, il y avait bien un mec qui s’occupait du livre de bord : putain il en chiait des lignes ce con. Le soir de la tragédie, il ronflait, saoul, un cigare lui barrant la bouche. En fait, il y avait belle lurette que le bateau tournait en rond.
Ce soir là. Ce soir d’orage. Ce soir comme tous les autres. Piteusement. Avec un petit craquement. J’y étais, je ronflais ! Les matelots affairés à discourir de la nature antinomique des anomies conflictuelles des thèses antithésées – et vice et versa – dans une optique acratique – quoiqu’aristocratique – de la nature des doryphores et de leur utilité dans les filtres d’amour… Ben ils ont rien vu, rien entendu, rien dit.
Sur l’eau comme un voile translucide. Les feuilles du trésor chaote qui, déjà, se désagrègent, fondent, repaissent la poiscaille.
Sous les flots, une caisse – estampillée « les plus terribles secrets des neuromanciens » s’échappe du navire.
Elle s’ouvre ne laissant s’échapper une grosse bulle d’air.
Dagon passant par là en fit son repas dominical. Amen.
***
Well. Les histoires, moi, ça me gonfle.
Je vous entends déjà : non la chaos est bien vivante, pour preuve je l’ai vue ce matin flottant au fond des chiottes.
Non, désolé. Profondément.
Ce qui est vivant – trop – c’est une fantasmagorie. Une sorte de rêve à la Tyler Durden : une pose précieuse, crasseuse et hautaine. « Nous sommes, nous chaotes, des couillus, des cadors de la magic. Quand on pète, c’est un exorcisme ; quand on baise, une hiérogamie ; quand on glande, une retraite de stylite ». Merde.
Attention, je vous aime bien. Mais globalement, la chaos francophone se résume misérablement à quelques tentatives – parfois réussies, souvent avortées – de franchir le pas vers une pratique différente. Entre syncrétisme niais et pures débilités, je ne sais trop ce que je hais le plus. Si je sais. C’est cette infecte propension à former un club pseudo-élitiste.
De mon cul.
Quand on me demande pourquoi la chaos francophone est aussi peu productive, gêné je ne peux que répondre : c’est culturel. Politesse avant tout.
Il est facile de se dire chaote, chaoticien, chaosophe – chaophile de mes deux surtout. Ça ne mange pas de pain, voyez-vous. C’est léger. On le dit, on oublie. Ah ça, il en coûte moins que de suivre un cursus – fut-il par correspondance – d’étudier, de pratiquer. Bref. C’est dans l’air du temps numérique : on clique, on aime, on oublie, on se branle, et on en est fier !
Mea culpa, mea maxima culpa. Je jette la première pierre sur moi d’abord, sur vous ensuite.
Ensuite. Comment voulez-vous avoir compris quoique ce soit à la démarche de la chaos – non réductible à la pratique magique ceci dit – quand vous demandez : « Dis Spart, c’est quand que tu fondes une branche de l’IOT ? Dis, pourquoi il n’y a pas de groupe en place qui pratique ? Dis, dis, dis encore Spart, pourquoi l’OTO est pas actif en France ? » What the fuck ? L’OTO ? Et vous osez ensuite chier sur les autres ordres – pré-néo-éonique-horusiens ? Vous clamez votre liberté face aux anciennes structures pour courir dans les bras de bidules inutiles calqués sur les anciens ?
Ensuite. Vous pleurez sur le désert que vous avez contribué à créer ! Oh le joli manège que voilà. « Il n’y a pas assez en français msieur, dis msieur tu veux pas nous pondre un truc, nous écrire un livre, nous faire bander la baguette ? Dis, hein dis ? » Pour tout de suite chier sur KAosphOruS ; pour accuser le Chaos Compendium d’être bien – faut bien lécher le cul du Spart -, mais cher (on peut le télécharger où ?) ; pour me chier dans le cou, aussi, un peu. Les traductions de Hine, Carroll, Dukes, Sherwin et de toutes les cohortes des cieux chaotes sont pourtant disponibles. Vous en faites quoi ? Des avions en papier ? Des proses alanguies pour draguer la meuf, je parie. Je vous vois bien. La queue dressée et la vulve huileuse à vous toucher l’ego sur une chose qui vous a échappé. Oh bien sûr, je ne fais pas exception. Je ne suis pas meilleur que vous.
Oui, je suis désolé. C’est cela en définitive. Risible. La chaos francophone a sombré – avalée par Dagon, souvenez-vous-en – parce qu’il n’y avait personne sur le pont. De toute manière personne ne l’attendait.