Autres Magies Left Hand Path

Erreur de Genèse [2]

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Le gnosticisme : Deuxième partie

Par Melmothia

« Dans la gnose, un seul protagoniste est mis en scène, sous des déguisements différents : l’âme. Dévoyée dans le monde, prostituée, plongée dans la torpeur et l’oubli, elle est secourue, au terme d’une angoissante recherche de soi, par un envoyé céleste, son fiancé d’antan, qui la reconduit au monde d’en haut, en la révélant à elle-même. »

Madeleine Scopello, La gnose, une doctrine du salut.

Chez ses premiers réfutateurs, le gnosticisme était présenté comme une hérésie – un rejeton difforme du christianisme. Les historiens modernes, quant à eux, le considèrent, soit identiquement comme un surgeon, soit comme le résultat d’un syncrétisme impliquant des cultes antérieurs. Mais, dans tous les cas, qu’on regarde derrière ou à côté, le gnosticisme est présenté comme un mélange de christianisme avec autre chose, au point que certains ne se gênent pas pour parler de « gnosticisme chrétien ». Or, non seulement il ne saurait rien exister de tel qu’un « gnosticisme chrétien », mais les doctrines gnostiques se comprennent d’autant mieux qu’elles sont éclairées à la lumière de leur antagoniste, le christianisme.

Cette mise en opposition des systèmes devrait permettre d’éclairer des particularités laissées de côté dans la première partie de cet article. S’ensuivra un exemple qui risque d’inciter ceux qui glissent un Abrasax dans leur oratoire à se verser leur café dans l’oreille, mais une fois de plus, il n’est nullement dans mon intention de défendre une doctrine au détriment d’une autre, simplement de réfléchir et faire réfléchir.

L’auberge espagnole de la « gnose », écartée au tout début de cet essai, joue un rôle important dans la séduction récente pour ces courants et surtout leur méconnaissance. Les théosophes et les ésotéristes ont en effet récupéré le terme pour le recycler à leur convenance – ou plutôt à toutes les convenances : selon René Guénon et d’autres, la gnose serait la « source » de toutes les religions, la fameuse Tradition primordiale, d’autant plus facile à reconnaître partout qu’elle se définit au mieux comme une aspiration vague. S’ajoute à cela qu’il est de bon ton de défendre les hérésies contre le dogmatisme institutionnel, comme si, s’opposant à la doxa, celles-ci étaient forcément plus belles, plus profondes et plus libres. Plus belles et plus profondes, c’est évidemment à chacun d’en juger. Mais plus libre n’est jamais qu’une chimère, passer d’une doctrine à une autre consistant, en général, à changer simplement de joug – à tendre l’autre joug, pour ainsi dire.

Sethien vaut mieux que Dieu tu l’auras

« Notre père qui n’êtes pas là, S.A.V. nous du mal. »

Dernières paroles de Ensémekhtouès, gnostique égyptienne du 2e siècle, avant d’avaler une bouteille de Destop.

Pour commencer, à la différence du chrétien qui escompte d’être jugé sur ses actes, le gnostique se pense innocent et assez peu concerné par cette histoire de péché. Il n’est pas responsable de la corruption du monde et ne se sent donc en rien tenu d’arranger les choses : « Si le judéo-chrétien, avec l’aide de Dieu, cherche à améliorer le monde matériel, à transformer l’Histoire, le gnostique pense que la corruption est inhérente au monde et qu’il ne sert à rien de tenter de l’améliorer. Le gnostique échappe ainsi à l’Histoire » commente Philippe Annaba, qui rappelle ailleurs que « La gnose n’a pas vocation à changer le monde, mais à s’extraire du monde »[1].

Autrement dit, puisque le monde est pourri – ou est une illusion -, ce que nous faisons sur Terre n’a aucune importance[2]. Selon les écoles, le gnostique sera donc incité à s’atteler à un strict ascétisme ou à la débauche et au crime, dans la même perspective de détachement : « Une des conséquences pour le gnostique, c’est la vanité de la charité. Certes il essaie de soulager la souffrance si c’est en son pouvoir, mais ce ne sont pas les bonnes œuvres qui vont sauver un monde créé par Satan »[3].

De là également, le refus de l’autorité religieuse ainsi que l’accent porté sur un salut strictement privé. Et, de même que l’amour du prochain, la foi elle-même passe à la trappe : « Le christianisme, sous sa forme la plus pure, affirmait dans la foi le fondement de sa religion ; mieux, on peut dire que sa signification historique résidait précisément dans la conviction de la spécificité de la foi et dans son indépendance par rapport à toute espèce de savoir et de science. Or, pour la gnose – et là est toute la différence qui la sépare du christianisme -, la foi ne suffit pas et on ne lui reconnaît même pas de valeur propre. Le fondement de la foi n’est pas senti pour lui-même, il est aussitôt converti et érigé en savoir et science […]. Le système que le gnostique a dans la tête doit tirer confirmation de tout ce que son observation immédiate et l’étude de la science contemporaine peuvent lui apprendre sur la vie du passé et du présent. Pour mener à bien cette tâche, les gnostiques ont fait leurs un certain nombre de méthodes, élaborées, des siècles avant eux, par les philosophes et les théologiens de la Grèce, en particulier l’allégorie et la spéculation sur les nombres et les lettres de l’alphabet »[4].

Ces méthodes, notamment la lecture allégorique, seront appliquées aux divers textes religieux et philosophiques afin d’y découvrir une vérité unique. Il est vrai que durant sa phase primitive, le christianisme laissait une certaine marge à la posture ésotérique et aux interprétations contradictoires, mais si les Pères de l’Église s’acharnèrent à condamner les gnostikoï, c’est que leurs interprétations tiraient décidément trop sur l’élastique du sens.

Ainsi, le personnage du Christ dans le contexte gnostique, n’a plus grand-chose à voir avec celui des Évangiles : Jésus est un initié et ceux qui possèdent la gnose deviennent son égal : « Je ne suis pas ton Maître, puisque tu as bu, tu t’es enivré à la source bouillonnante, que moi, j’ai mesurée », rapporte l’Évangile selon Thomas, qui prête au Christ « des paroles secrètes ». Car : « Jésus n’est pas venu sur terre pour gérer le mieux-être ou le bien-être des hommes, ni pour donner un sens à leur vie ici-bas, mais « pour délivrer en eux les parcelles lumineuses qui s’y sont dévoyées »[5].

La majorité des écoles gnostiques penchera d’ailleurs du côté du docétisme, rejetant l’incarnation et le supplice de la croix. Certaines écoles enseignent, par exemple, que l’homme monté sur la croix était en réalité Simon de Cyrène, auquel Jésus avait donné son apparence afin de tromper les Archontes.

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Du grec « dokein », signifiant « sembler », « paraître », le docétisme professe en effet que le Christ aurait pris une apparence humaine, mais n’aurait pas véritablement possédé un corps de chair – ce qui exclut le sacrifice de Jésus pour la rédemption des humains, la double nature et, dans la foulée, la résurrection.

Ptolémée, un disciple de Valentin déjà évoqué dans la première partie de cet article, opère dans sa Lettre à Flora, une véritable réécriture de l’Ancien Testament, n’hésitant pas à attribuer certains passages à Moïse, d’autres au mauvais Démiurge. Cet écrémage s’accompagne d’un tri entre les préceptes : ceux qui lui semblent bons, ceux qu’il apprécie moins et ceux qu’on examinera plus tard. Une fois correctement effeuillée la marguerite et avec un peu d’imagination, il parvient à y retrouver le système de Valentin !

Madeleine Scopello commente : « La doctrine de la gnose est une doctrine dérangeante. Plusieurs de ses adeptes, tout en étant de culture chrétienne, s’en détachent par des prises de position très nettes : eux seuls, disent-ils, ont hérité du véritable message transmis par le Christ à quelques disciples privilégiés. Ce message, au sens caché, serait parvenu aux gnostiques par une tradition secrète. Les gnostiques se disent « les vrais chrétiens », détenteurs d’une connaissance immédiate et totale qui n’a pas besoin, pour se réaliser, de l’intermédiaire de l’Église. Cette dernière réagit, d’ailleurs, avec une force dictée par la crainte, contre ce mouvement […]. De plus, le côté élitiste des courants gnostiques remettait en cause l’universalité du message du Christ, adressé à tout homme »[6].

Autre point sur lequel les gnostiques s’opposent au christianisme : le rejet de la procréation. Dans l’Évangile des Égyptiens, on peut lire : « Marie Salomé demanda au Seigneur : Maître, quand finira le règne de la mort ? et Jésus répondit : lorsque vous autres femmes ne ferez plus d’enfants… lorsque vous aurez déposé le vêtement de honte et d’ignominie, lorsque les deux deviendront un, qu’il n’y aura plus ni homme ni femme, alors finira le règne de la mort »[7].

Rejet du péché, de la charité, de la foi salvatrice, élitisme, docétisme, rejet de la génération… Les thèses gnostiques s’inscrivent définitivement en creux de celles du christianisme. Dénoncés comme hérétiques par l’Église, ces mouvements disparurent presque complètement à partir du 3e siècle, mais influencèrent d’autres religions comme le manichéisme, le bogomilisme et le catharisme.

Dans un ouvrage intitulé Le livre secret des cathares, Dina Bozoky résume ainsi la doctrine exposée dans l’Interrogatio Johannis, un apocryphe d’origine bogomile qui aurait eu une influence importante sur certaines branches du catharisme[8] :

« Dieu est le Père invisible, le Très-Haut qui siège au septième ciel. Il est le créateur de toutes les puissances des cieux avec le Saint-Esprit. Avant sa chute. Satan est l’ordinans, c’est-à-dire l’économe ou l’intendant des puissances des cieux et de tous ceux qui « imitent le Père » […]. Le Christ siège auprès de son Père […].

Le nombre des cieux est sept : chaque ciel est habité par des anges dont la fonction est de glorifier le Père en chantant l’oraison « Notre Père » […]. Au-dessous des cieux supérieurs se trouve l’air dont les portes sont gardées par un ange ; au-dessous de l’air se trouvent les eaux (supérieures) dont les portes sont aussi gardées par un ange. Plus bas apparaît la terre entièrement recouverte d’eau. La terre est soutenue par deux poissons étendus sur la surface des eaux souterraines ou inférieures au-dessous desquelles des nuées retiennent l’eau de la mer inférieure. Enfin, tout à fait en bas, c’est l’enfer, la géhenne du feu ardent.

D’après cette description cosmologique, le monde inférieur constitué de quatre éléments (Air, Eau, Terre, Feu) existe déjà avant la chute de Satan, mais dans un état chaotique : la séparation de l’eau et de la terre n’est pas encore effectuée […].

Satan veut élever son trône sur les nuées et devenir semblable au Très-Haut. Il […] se met à séduire les anges en leur exposant son programme : si les anges l’écoutent, il élèvera son trône sur les nuées, sera semblable au Très-Haut, séparera l’eau de la terre et régnera avec les anges dans les siècles des siècles. Afin de les convaincre définitivement, il diminue les dettes qu’ils doivent à Dieu […][9]. Satan tombe de la gloire du Père et, de sa queue, il entraîne la troisième partie des anges […]. Ayant pitié de lui, le Père lui permet de faire ce qu’il veut pendant sept jours, qui signifient sept siècles […] »[10].

Satan crée alors le monde de la façon décrite dans la Genèse, en commençant par séparer les eaux, puis le peuple d’animaux et de plantes. Il façonne ensuite l’homme et la femme à partir du limon et y introduit l’âme de deux anges qui se mettent illico à pleurer.

« L’apocryphe souligne que ce n’est pas le père qui a créé Adam et Ève et que, s’ils sont mortels, ce n’est pas parce qu’ils ont transgressé les commandements du Père : ce sont les puissances des cieux qui, à cause de leur prévarication, ont été placées dans des corps de limon et sont livrées à la mort.

L’esprit, qui tire son origine des anges déchus, naît de l’esprit, tandis que la chair naît de la chair »[11].

Satan incite alors les deux anges enfermés dans les corps de boue à pécher – précisément à commettre le péché de chair, puis il fornique lui-même avec la femme. Et l’Interrogatio Johannis de conclure : « Les hommes qui engendrent des enfants selon la volonté de Satan s’appellent fils de Satan et fils du serpent ; tandis que ceux qui ne se marient pas et qui ne commettent pas le péché de la chair sont les fils de Dieu, semblables aux anges des cieux »[12].

Dieu laisse alors Satan régner pendant sept siècles, durant lesquels il se fera passer pour Dieu auprès de Moïse, Élie et les autres prophètes, y compris Jean-Baptiste, jusqu’à l’arrivée du Christ, venu révéler la vérité aux hommes. À noter que Marie est un ange envoyé pour recevoir le Christ dans le monde – il entre par son oreille et ressort de la même façon.

Et voici enfin l’eschatologie tant attendue :

« La fin du monde arrivera quand le nombre des justes sera accompli selon le nombre des anges déchus.

Il y aura d’abord une guerre entre Satan et les justes.

Ensuite un ange sonnera de la trompette dont la voix sera entendue depuis les cieux jusqu’à l’enfer.

Le soleil et la Lune s’obscurciront et les étoiles tomberont : les quatre vents se déchaîneront et feront trembler la terre, la mer et les montagnes.

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Alors le signe du Fils de Dieu apparaîtra dans sa gloire, avec tous les saints et tous les anges […]. Le Fils de l’Homme séparera les justes des pécheurs en leur attribuant leurs récompenses et le royaume qui a été préparé pour eux, et il enverra les pécheurs au feu éternel. Satan avec toute sa milice sera enfermé dans un lac de feu […]. L’univers sera consumé par les ténèbres de la géhenne de feu sortant des profondeurs de la terre.

Les justes se réjouiront au royaume de leur Père. Ils resplendiront comme le soleil […] »[13].

Tout doit disparaître !

 « I shall cremate this world and set my essence free »

Paroles de la chanson Maha Kali, Jon Nödtveidt (R.I.P. 2006)

En guise d’exemple d’une doctrine gnostique tout à fait moderne, je vous propose de visiter des gens qui passent une partie de leur temps libre à vociférer des éructations apocalyptiques. J’ai nommé le Misanthropic Luciferian Order, ultérieurement refondé sous l’appellation Temple Of The Black Light.

Bien que se présentant au premier coup d’œil comme un satanisme, parent d’autres courants du Left Hand Path tels que l’ONA ou Dragon Rouge, le MLO a l’originalité d’être entièrement perché sur la branche du gnosticisme.

Il faut dire que le rossignol qui en a trillé les plus belles mélodies a passé un certain temps en cage.

Originaire de Strömstadt en Suède, Jon Nödtveidt fonde Dissection en 1989, alors qu’il est à peine âgé de 15 ans. Rapidement, le groupe rencontre un franc succès, au point d’être le premier groupe de Black Metal à être signé par une Major. Mais, en pleine ascension, Jon Nödtveidt, avec l’un de ses amis, est arrêté et condamné pour meurtre. Emprisonné de 1997 à 2004, il va approfondir ses connaissances occultes et jeter les bases d’un futur album, un testament mystique, porte-parole des idées du MLO.

Dans une interview, Jon Nödtveidt dira : « Je n’ai pas fondé le MLO, mais j’ai été introduit dans l’ordre par des amis proches, assez tôt après sa fondation… Le MLO est un ordre chaos-gnostique en quête de la véritable lumière de Lucifer, une recherche qui s’effectue par le biais de l’étude, par le développement et la pratique de tous les systèmes magiques sombres, gnostiques et sataniques. Notre objectif est de créer une synthèse entre les différentes traditions senestres de tous les éons, afin de façonner les clés occultes qui doivent ouvrir les portes au prochain éon sombre éternel »[14].

Le troisième album de Dissection sort le 30 avril 2006, mais le mois suivant, Jon Nödtveidt annonce la fin du groupe : « J’ai atteint les limites de mon exploration musicale en tant qu’outil pour exprimer ce que je voulais, pour moi-même et pour la poignée d’âmes que je porte dans mon cœur »[15] et, lors du dernier concert de la tournée, détruit sur scène sa guitare. Le 16 août, il se suicide d’une balle dans la tête, dans son appartement de Stockholm.

L’album, intitulé Reinkaos (le retour du Chaos), comporte 11 pistes, un chiffre hautement significatif, puisqu’il renvoie à la séphirah Daath ainsi qu’à la force destinée à détruire le cosmos, symbolisé par le chiffre 10 (les dix séphiroth).

Quelques titres sont cosignés par le grand-maître de l’ordre, Frater Nemidial, qui est également l’auteur du premier ouvrage édité par le Misanthropic Luciferian Order : le Liber Azerate, sorti en 2002, véritable bible du mouvement, dont on trouve sur internet des versions norvégienne, suédoise, russe et « semi-anglaise », à savoir traduite du russe avec des traces de pneus en suédois et en russe. Les extraits ci-dessous ont été traduits par votre servante aidée de beaucoup d’aspirine. Dans la foulée, j’ai appris comment on disait « canard » en finnois, mais ça n’intéresse personne.

Dans le Liber Azerate, on retrouve notre cosmos imparfait, appelé « plan causal », car soumis à des lois de cause à effet, limité par l’espace et par le temps. Ce cosmos est séparé du véritable Dieu, appelé ici Chaos ou « plan acausal », ne connaissant ni loi ni limite, et abordé avec toutes les précautions de théologie négative qui s’imposent :

« Le Chaos a toujours été le Chaos. Il est à la fois tout et rien.

Le Chaos est la seule véritable liberté et l’essence au-delà de toutes les formes.

[…] C’est le néant absolu, le néant que nul ne peut pas imaginer.

[…] La Flamme Noire / le Feu Acausal, qui est l’essence « spirituelle », derrière ou au-delà des formes causales de la conscience humaine, est notre lien à l’essence primordiale, qui est le Chaos.

[…] En regardant dans l’abîme du Soi, nous pouvons trouver les portes qui conduisent au Chaos »[16].

La Flamme Noire correspond, bien entendu, à l’« étincelle divine » du gnosticisme classique.

On retrouve également les sept archontes / éons, mais comme de l’eau a entre temps coulé sous les ponts, ces éons ne sont plus des planètes qui bloquent l’espace céleste et président aux destinées humaines, mais des périodes de temps et des paradigmes :

« Dans les doctrines ésotériques, un éon désigne une force / une énergie spirituelle qui, durant une période d’au moins deux mille ans, imprègne, transforme et contrôle le plan de la causalité. Chaque éon a son printemps, son été, son automne et sa période hivernale […]. Durant sa période hivernale, l’éon décline, ce qui induit des luttes, des résistances, puis l’écroulement et l’anéantissement de l’ordre éonique dominant. Un nouvel éon prendra à son tour le pouvoir. Chaque éon a ses propres formes d’expression magiques, religieuses, philosophiques, politiques, artistiques et « morales » […]. C’est au travers de ces formes que chaque éon manifeste son essence cosmique sur le plan causal, et donc affecte et vampirise la conscience humaine.

Dans le gnosticisme du Chaos, les éons sont généralement décrits comme étant au nombre de sept, constituant différents aspects du Démiurge et fréquemment symbolisés par les sept sphères planétaires. Ces sept éons sont généralement appelés « archontes », ce qui signifie « dirigeants », et leur est attribuée la fonction, au travers des sept cercles qui entourent la création, de garder l’esprit humain emprisonné dans la prison cosmique.

Afin de dépasser la domination des éons, affaiblissante pour l’âme, le magicien doit renforcer sa Flamme Noire intérieure et apprendre à voir, par les yeux du Dragon, au-delà des formes illusoires des archontes »[17].

Ailleurs, on peut lire : « Le MLO considère le Cosmos comme étant la création du démiurge fou, la prison où les Flammes Noires sont retenues prisonnières […]. Le but essentiel du MLO est la libération de ces Flammes Noires par le dépassement des limites imposées par le temps et l’espace cosmiques. Ce dépassement anticosmique ne peut être atteint […] que grâce à la réception de la Gnose, c’est-à-dire de la connaissance. Cette connaissance / gnose est synonyme de la torche de Lucifer, du Feu de Prométhée, du cadeau de Samyaza, du Feu Noir d’Ahriman, du venin de Taninsam, du feu sans fumée de Typhon et de la pierre philosophale des alchimistes ».

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Lam, la tête au TOTO [Fin]

Les jeux de renversement typiques du satanisme peuvent prêter à confusion, mais quelques réajustements suffisent. Par exemple, dans le MLO, on veut sympathiser avec le Dragon, un symbole qui, dans la Pistis Sophia, incarne la fortification séparant le cosmos de Dieu : « Les ténèbres extérieures sont un grand dragon, dont la queue est dans sa gueule ; elles sont au-delà du monde et elles entourent le monde entier »[18]. À l’inverse, dans le MLO, le Dragon est salvateur et représente l’image extérieure de la Flamme Noire interne. Avec cette manie de tout mettre tête-bêche, c’est à se demander s’ils n’ont pas participé au colloque de Messine.

Et comme tout satanisme et /ou gnosticisme qui se respecte, le Misanthropic Luciferian Order prêche l’élitisme. Le Chaos, destiné à libérer les « forts », aura tendance à pulvériser les moins forts. Une idée somme toute classique chez les prophètes de l’Apocalypse qui révèle, ainsi que le souligne le toujours génial Robert Anton Wilson, « une composante sadique mêlée au masochisme de la mentalité millénariste : Nous, nous ne souffrirons que modérément, tandis que vous, bandes d’enfoirés, vous allez en chier un maximum »[19].

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Le pentagramme brisé ou ouvert, l’un des symboles du Misanthropic Luciferian Order.

Pour se libérer du « plan causal » afin de retourner gazouiller dans le Grand Tout, les adeptes préconisent la technique du pic-vert. Chacun sa petite aiguille et on va s’efforcer de faire des trous dans la cloche à fromage, en espérant qu’elle ait le bon goût de céder. C’est l’une des originalités de ce mouvement que de recycler les contenus classiques du côté obscur en kérosène pour faire exploser le cosmos ou, pour le dire autrement : le projet consiste à injecter un maximum d’acausal dans le causal en espérant qu’au bout d’un moment, les plombs disjonctent.

En instrumentalisant ainsi les systèmes de croyances, les membres du MLO se révèlent foncièrement modernes et vaguement parents des Chaotes, n’hésitant pas, pour parfumer la soupe, à y ajouter Satan, Lucifer, Choronzon, etc. et à piller le potager des voisins – l’Atazoth de l’ONA, etc. selon ce principe que « Les formes spirituelles, philosophiques et magiques ne sont que des outils et des instruments externes destinés à fédérer l’Ordre, ouvrir des canaux et stimuler l’essence acausale, c’est-à-dire le Chaos se trouvant au-delà de toutes les formes de causalité »[20].

C’est peut-être le moment où la future recrue doit se remémorer l’intitulé du mouvement, Misanthropic Luciferian Order, car il n’est pas exclu que les adeptes, auxquels il est suggéré d’accueillir chez eux Belzébuth, Lilith et Astaroth et à se tenir « prêts à tout sacrifier sur l’autel ensanglanté de la liberté », fassent également partie du carburant.

La Chaos Magic nous a appris que Dieu était recyclable. Le MLO complète en précisant que Satan aussi, une démarche qui a le mérite de donner tout son sens à l’expression « mise en abîme ».

Erreur de Genèse ©Melmothia, 2014.

 Bibliographie

Serge Hutin, Les Gnostiques, Presses universitaires de France, 1958.

Hans Leisegang, La gnose, Payot, 1971.

Jacques Matter, Histoire critique du gnosticisme et de son influence sur les sectes religieuses et philosophiques de six premiers siècles de l’ère chrétienne, Levrault, 1828.

Les écoles des mystères : De l’Ancienne Égypte au Christianisme de l’origine, jusqu’à la Rose-Croix actuelle, Konrad Dietzfelbinger, Septénaire, 2007.

Irénée de Lyon, Contre les hérésies, 2e siècle.

Edina Bozoky, Le livre secret des Cathares Interrogatio lohannis. Apocryphe d’origine bogomile, Beauchesne, 2009.

Frater Nemidial, Liber Azerate : The Book of Wrathful Chaos, 2002.

Madeleine Scopello, « La gnose, une doctrine du salut », Les premiers temps de l’Église, collectif sous la direction de Marie-Françoise Baslez, 2007.

« Les gnostiques vus par Pacôme Thiellement », Pacôme Thiellement, 2013. La Revue des Ressources.

« Le gnostique, un étranger au monde », Philippe Annaba, sur le site de l’auteur.

« La difficile naissance de l’Homme dans l’Antiquité », Gilbert Romeyer Dherbey, 2004. Bibliothèque  de  philosophie comparée.

« Qu’est-ce que le gnosticisme Chrétien ? » Sur le site GotQuestions.

NOTES :

[1] « Le gnostique, un étranger au monde », Philippe Annaba, sur le site de l’auteur.

[2]A l’inverse du texte biblique où le récit de la création est scandé de : “Et Dieu vit que cela était bon”.

[3] Philippe Annaba, Op. Cit.

[4] Dans un article intitulé « Qu’est-ce que le gnosticisme Chrétien ? », l’auteur précise : « Jésus n’a jamais parlé d’un salut par la connaissance, mais par la foi en lui comme sauveur du péché. « Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les oeuvres afin que personnes ne se glorifie. » (Ephésiens 2, 8-9). De plus, le salut que Christ nous offre est gratuit et offert à tous (Jean 3, 16), et pas seulement à quelques privilégiés qui ont reçu une révélation spéciale ». Sur le site GotQuestions.

[5] Madeleine Scopello, « La gnose, une doctrine du salut », Les premiers temps de l’Eglise, collectif sous la direction de Marie-Françoise Baslez, 2007.

[6] Madeleine Scopello, Op. Cit.

[7] Évangile des Égyptiens, 2e siècle.

[8] Parfois intitulé La Cène Secrète, cet ouvrage se présente comme un apocryphe du Nouveau Testament, dans lequel l’apôtre Jean interroge Jésus pendant le repas de la Cène sur Dieu, Satan, la chute des anges, la création du monde et la nature humaine.

[9]J’adore cette précision !

[10] Edina Bozoky, Le livre secret des Cathares Interrogatio lohannis. Apocryphe d’origine bogomile, Beauchesne, 2009.

[11] Ibid.

[12]Ibid.

[13]Ibid.

[14] « Interview with Jon Nödtveidt », par Anastasiya, juin 2003. Metal Center Webzine.

[15] « Final Interview with Jon Nödtveidt ». Questions by the Dissection fans at the Official Dissection Forum, mai 2006.

[16]Frater Nemidial, Liber​ Azera​te :​ The Book of Wrath​ful Chaos, 2002.

[17]Ibid.

[18]Pistis Sophia, vers 330.

[19] Robert Anton Wilson, « La Revanche Orgasmique du Mythe Apocalyptique », sur le site KAosphOruS.

[20]Frater Nemidial, Op. Cit.

About

Nouvelle version de KAosphOruS, le WebZine Chaote francophone. Ce projet est né en 2002 suite à une discussion avec un ami, Prospéro, qui fut à la source d’Hermésia, la Tortuga de l’Occulte. Le webzine alors n’était pas exclusivement dédié à la Magie du Chaos, mais après la disparition de son fondateur, il a évolué vers la version que vous pouvez aujourd’hui lire. L’importance de la Chaos Magic(k) ou Magie du Chaos grandit au sein de la scène magique francophone. Nous espérons apporter notre clou au cercueil… Melmothia & Spartakus FreeMann

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