Cette ville a peur de moi. J’ai vu son vrai visage. Chenil et abattoir puant la folie, le sexe et le sang. Camp d’extermination où la seule musique est celle des os de dégénérés qui s’entrechoquent en rythme, jouée par des chefs d’orchestre rognant nos restes en battant une mesure dictée par leur désir d’argent et de pouvoir. Élevés, parqués, mis en cage. Mis à mort. Lente. Douloureuse. Absurde. Sous les pavés, la crasse.
On croit qu’on vaut mieux que le bétail qui finit dans notre assiette. Comme si le bétail avait le choix.
Comme si le bétail se faisait baiser avec son consentement avant d’oublier à coup de pilules et de télévision.
Servitude volontaire. Singes nus qui font la queue en se graissant l’arrière-train dans l’espoir qu’on les trouve plus baisables que les autres. On doit être les seuls animaux à se faire reluire le cul pour attirer nos prédateurs. Parade nuptiale mortelle. Croyez que je rigole ? Non. La seule blague, c’est vous.
Ça vous fout en rogne pas vrai ? Vous jouez le jeu des tocards en costard, donnez la patte aux képis et remplissez les centres commerciaux comme on va à l’Église. Assis, debout, couché. Fais le beau. Les mieux dressés deviennent champions. Et les cadavres de ceux qui sont tombés les premiers finissent dans les gamelles ceux qui sont au sommet de la pyramide.
Vous vous croyez différents ? Faire illusion ? Donner le change ? Faux. Faites que cacher la honte sous une couche de ridicule. Vous vous cachez au grand jour.
On nous apprend à fermer les yeux, les oreilles, la bouche. À nous prendre pour ce qu’on est pas. À jouer à faire semblant que tout va bien. Le sage tend son doigt. L’apprenti regarde la lune. Et passe à côté du majeur que je lui tends.
Vous croyez malins ? Les mecs malins tirent leur épingle du jeu. Pensent pour vous, choisissent ce qu’il y a dans votre frigo, ce que vous allez mettre pour plaire à votre patron. Vous taillent un déguisement de mouton et vous apprennent à bêler. Ceux qui bêlent le mieux sont premiers de la classe. Et les premiers de la classe deviennent experts en sodomie. On a les modèles de réussite qu’on mérite.
Une farce. Du grand guignol auquel un môme sain d’esprit refuserait de prendre part. Mais on est tous fous. Aveuglés. Acteurs d’un rôle choisi pour nous dont on déclame le monologue par peur de réfléchir par et pour nous-mêmes. Conditionnés à la connerie qu’on dit humaine. Le Comédien a compris. Choisi son camp. Comme vous. À une différence près. Lui l’a fait en toute conscience.
Voulez la vérité ? Personne ne veille sur vous. Personne ne vous protège la nuit. Pas de Hibou, pas de surhomme, pas de solution miracle. Les miracles n’existent pas. Personne ne vous protégera de vous.
Si vous pensez comme moi, si vous voyez ce que je vois, si la puanteur du mensonge emplit vos poumons… si vous refusez de vous laisser formater pour la soumission totale et l’absence de pensée, de passer votre vie à attendre la mort déguisé en caricature de famille heureuse comme dans les publicités… soyez le ver dans la pomme. Le boulon manquant dans la machine. Le virus dans le programme. Et vous ferez ce que ni moi, ni le mec le plus malin du monde, ni aucun surhomme, dieu ou maître ne sera capable de faire à votre place.
Ce monde sans gouvernail n’est pas formé par de vagues forces métaphysiques. Ce n’est pas Dieu qui tue les enfants. Ni la malchance qui les massacre, ni le destin qui les fait dévorer par les chiens.
C’est nous. Rien que nous.
Les rues sont des caniveaux géants et les caniveaux sont pleins de sang. Et quand enfin les égouts déborderont toute la vermine sera balayée. La crasse accumulée de leurs sexes et de leurs crimes moussera jusqu’à leur taille et toutes les putes et les politiciens lèveront la tête et crieront : « Sauvez nous. »
Et dans un murmure je dirai : Non.
Journal de Rorschach, Rorschach, 2014.
Carcasses de veau dans le pavillon des viandes de boucherie du marché international de Rungis, Myrabella, 2011.
Par Rorschach
Cette ville a peur de moi. J’ai vu son vrai visage. Chenil et abattoir puant la folie, le sexe et le sang. Camp d’extermination où la seule musique est celle des os de dégénérés qui s’entrechoquent en rythme, jouée par des chefs d’orchestre rognant nos restes en battant une mesure dictée par leur désir d’argent et de pouvoir. Élevés, parqués, mis en cage. Mis à mort. Lente. Douloureuse. Absurde. Sous les pavés, la crasse.
On croit qu’on vaut mieux que le bétail qui finit dans notre assiette. Comme si le bétail avait le choix.
Comme si le bétail se faisait baiser avec son consentement avant d’oublier à coup de pilules et de télévision.
Servitude volontaire. Singes nus qui font la queue en se graissant l’arrière-train dans l’espoir qu’on les trouve plus baisables que les autres. On doit être les seuls animaux à se faire reluire le cul pour attirer nos prédateurs. Parade nuptiale mortelle. Croyez que je rigole ? Non. La seule blague, c’est vous.
Ça vous fout en rogne pas vrai ? Vous jouez le jeu des tocards en costard, donnez la patte aux képis et remplissez les centres commerciaux comme on va à l’Église. Assis, debout, couché. Fais le beau. Les mieux dressés deviennent champions. Et les cadavres de ceux qui sont tombés les premiers finissent dans les gamelles ceux qui sont au sommet de la pyramide.
Vous vous croyez différents ? Faire illusion ? Donner le change ? Faux. Faites que cacher la honte sous une couche de ridicule. Vous vous cachez au grand jour.
On nous apprend à fermer les yeux, les oreilles, la bouche. À nous prendre pour ce qu’on est pas. À jouer à faire semblant que tout va bien. Le sage tend son doigt. L’apprenti regarde la lune. Et passe à côté du majeur que je lui tends.
Vous croyez malins ? Les mecs malins tirent leur épingle du jeu. Pensent pour vous, choisissent ce qu’il y a dans votre frigo, ce que vous allez mettre pour plaire à votre patron. Vous taillent un déguisement de mouton et vous apprennent à bêler. Ceux qui bêlent le mieux sont premiers de la classe. Et les premiers de la classe deviennent experts en sodomie. On a les modèles de réussite qu’on mérite.
Une farce. Du grand guignol auquel un môme sain d’esprit refuserait de prendre part. Mais on est tous fous. Aveuglés. Acteurs d’un rôle choisi pour nous dont on déclame le monologue par peur de réfléchir par et pour nous-mêmes. Conditionnés à la connerie qu’on dit humaine. Le Comédien a compris. Choisi son camp. Comme vous. À une différence près. Lui l’a fait en toute conscience.
Voulez la vérité ? Personne ne veille sur vous. Personne ne vous protège la nuit. Pas de Hibou, pas de surhomme, pas de solution miracle. Les miracles n’existent pas. Personne ne vous protégera de vous.
Si vous pensez comme moi, si vous voyez ce que je vois, si la puanteur du mensonge emplit vos poumons… si vous refusez de vous laisser formater pour la soumission totale et l’absence de pensée, de passer votre vie à attendre la mort déguisé en caricature de famille heureuse comme dans les publicités… soyez le ver dans la pomme. Le boulon manquant dans la machine. Le virus dans le programme. Et vous ferez ce que ni moi, ni le mec le plus malin du monde, ni aucun surhomme, dieu ou maître ne sera capable de faire à votre place.
Ce monde sans gouvernail n’est pas formé par de vagues forces métaphysiques. Ce n’est pas Dieu qui tue les enfants. Ni la malchance qui les massacre, ni le destin qui les fait dévorer par les chiens.
C’est nous. Rien que nous.
Les rues sont des caniveaux géants et les caniveaux sont pleins de sang. Et quand enfin les égouts déborderont toute la vermine sera balayée. La crasse accumulée de leurs sexes et de leurs crimes moussera jusqu’à leur taille et toutes les putes et les politiciens lèveront la tête et crieront : « Sauvez nous. »
Et dans un murmure je dirai : Non.
Carcasses de veau dans le pavillon des viandes de boucherie du marché international de Rungis, Myrabella, 2011.