La lumière insondable de la pleine lune – une nuit de mi-mai en quelque État dont le nom commence par « I », & ainsi bidimensionnel & donc impossible à localiser géographiquement – les rayons si tangibles que vous devez faire de l’ombre afin de penser avec des mots.
Pas question d’écrire aux Enfants Sauvages. Ils pensent par des images – la prose est pour eux un code qu’ils ne maîtrisent pas entièrement, ossifié & digéré, dans lequel on ne peut avoir une totale confiance.
Vous pouvez écrire à leur sujet, afin que ceux qui ont perdu leur chaîne d’argent puissent suivre. Ou écrire pour eux, faisant de l’HISTOIRE & de l’EMBLÊME un processus de séduction en votre propre mémoire paléolithique, une séduction barbare de la liberté (chaos en tant que CHAOS).
Pour ces espèces d’un autre monde ou « troisième sexe », les enfants sauvages, la fantaisie & l’imagination sont toujours indifférenciées. Un JEU non bridé : la source de notre Art & le plus rare Éros de toutes les races.
Embrasser le désordre à la fois comme source de style & entrepôt voluptueux, le fondement de notre civilisation extra-terrestre & occulte, notre esthétique conspirationniste, notre espionnage lunatique – c’est l’action soit d’un artiste soit d’un enfant de dix à treize ans.
Les enfants, que les sens éveillés trahissent par une éclatante sorcellerie de plaisirs bestiaux, reflètent quelque chose de sauvage & d’obscène dans la nature de la réalité elle-même : des anarchistes ontologiques naturels, des anges du chaos – leurs gestes & leurs odeurs corporelles diffusent autour d’eux une jungle de présences, une forêt de prescience habitée par des serpents, des ninjas, des tortues, du chamanisme futuriste, de la pisse, des fantômes, des rayons de soleil, des éjaculations, des nids d’oiseaux & des œufs – une agression joyeuse contre le gémissement de ceux issus des Plans Inférieurs afin que l’impuissance englobe leurs épiphanies destructrices ou leurs créations sous la forme de singeries fragiles, mais assez aiguisées pour couper la lumière de la lune.
Et cependant, les résidents de ces dimensions aqueuses inférieures croient véritablement qu’ils contrôlent les Enfants Sauvages – & de telles croyances vicieuses sculptent effectivement la majeure partie de la substance du moment.
Les seuls qui désirent effectivement partager la destinée nuisible de ces fugitifs sauvages ou guérilleros, plutôt que de les diriger ; les seuls qui peuvent comprendre ce chérissement & ce débridement sont toujours les mêmes – ceux-là sont des artistes, des anarchistes, des pervers, des hérétiques, une bande à part qui se rencontre & se rassemble comme des Enfants Sauvages le feraient, des regards fixes autour d’une table alors que les adultes baragouinent derrière leurs masques.
Notre réalisation, notre libération dépend de la leur – non parce que nous singeons la Famille, cette misère de l’amour qui tient en otage un futur banal, ni l’État qui nous éduque tous à sombrer sous l’horizon de l’inutilité – non – mais, car nous & eux, les sauvages, sommes l’image les uns des autres, liés & entourés par cette chaîne d’argent qui définit la limite de la sensualité, de la transgression & de la vision.
Nous partageons les mêmes ennemis & nos moyens d’évasion sont les mêmes : un jeu délirant & obsédant, enthousiasmé par la spectrale brillance des loups & de leurs enfants.
Traduction française par Spartakus FreeMann, 2009.
A study in bronze : Nude Indian youth seated on large rock on top of mountain, Frederick Monsen, vers 1907.
Enfants Sauvages par Hakim Bey
La lumière insondable de la pleine lune – une nuit de mi-mai en quelque État dont le nom commence par « I », & ainsi bidimensionnel & donc impossible à localiser géographiquement – les rayons si tangibles que vous devez faire de l’ombre afin de penser avec des mots.
Pas question d’écrire aux Enfants Sauvages. Ils pensent par des images – la prose est pour eux un code qu’ils ne maîtrisent pas entièrement, ossifié & digéré, dans lequel on ne peut avoir une totale confiance.
Vous pouvez écrire à leur sujet, afin que ceux qui ont perdu leur chaîne d’argent puissent suivre. Ou écrire pour eux, faisant de l’HISTOIRE & de l’EMBLÊME un processus de séduction en votre propre mémoire paléolithique, une séduction barbare de la liberté (chaos en tant que CHAOS).
Pour ces espèces d’un autre monde ou « troisième sexe », les enfants sauvages, la fantaisie & l’imagination sont toujours indifférenciées. Un JEU non bridé : la source de notre Art & le plus rare Éros de toutes les races.
Embrasser le désordre à la fois comme source de style & entrepôt voluptueux, le fondement de notre civilisation extra-terrestre & occulte, notre esthétique conspirationniste, notre espionnage lunatique – c’est l’action soit d’un artiste soit d’un enfant de dix à treize ans.
Les enfants, que les sens éveillés trahissent par une éclatante sorcellerie de plaisirs bestiaux, reflètent quelque chose de sauvage & d’obscène dans la nature de la réalité elle-même : des anarchistes ontologiques naturels, des anges du chaos – leurs gestes & leurs odeurs corporelles diffusent autour d’eux une jungle de présences, une forêt de prescience habitée par des serpents, des ninjas, des tortues, du chamanisme futuriste, de la pisse, des fantômes, des rayons de soleil, des éjaculations, des nids d’oiseaux & des œufs – une agression joyeuse contre le gémissement de ceux issus des Plans Inférieurs afin que l’impuissance englobe leurs épiphanies destructrices ou leurs créations sous la forme de singeries fragiles, mais assez aiguisées pour couper la lumière de la lune.
Et cependant, les résidents de ces dimensions aqueuses inférieures croient véritablement qu’ils contrôlent les Enfants Sauvages – & de telles croyances vicieuses sculptent effectivement la majeure partie de la substance du moment.
Les seuls qui désirent effectivement partager la destinée nuisible de ces fugitifs sauvages ou guérilleros, plutôt que de les diriger ; les seuls qui peuvent comprendre ce chérissement & ce débridement sont toujours les mêmes – ceux-là sont des artistes, des anarchistes, des pervers, des hérétiques, une bande à part qui se rencontre & se rassemble comme des Enfants Sauvages le feraient, des regards fixes autour d’une table alors que les adultes baragouinent derrière leurs masques.
Notre réalisation, notre libération dépend de la leur – non parce que nous singeons la Famille, cette misère de l’amour qui tient en otage un futur banal, ni l’État qui nous éduque tous à sombrer sous l’horizon de l’inutilité – non – mais, car nous & eux, les sauvages, sommes l’image les uns des autres, liés & entourés par cette chaîne d’argent qui définit la limite de la sensualité, de la transgression & de la vision.
Nous partageons les mêmes ennemis & nos moyens d’évasion sont les mêmes : un jeu délirant & obsédant, enthousiasmé par la spectrale brillance des loups & de leurs enfants.
A study in bronze : Nude Indian youth seated on large rock on top of mountain, Frederick Monsen, vers 1907.