Mémorial Bolo [1] aux Kallikaks & l’Ashram du Chaos : une proposition.
Nourrissant une obsession pour les mobile-homes – ces classiques dirigeables miniatures sur roues – & aussi pour les Pines Barrens du New Jersey, cet immense arrière-pays perdu de ruisseaux sablonneux & de pins, de marais de canneberges & de villes fantômes – une population approximative de 14 habitants par kilomètre carré ; des routes crasseuses envahies de fougères, des cabanes en ruines & des mobile-homes rouillés à l’abandon & des voitures usées
c’est le pays des mythiques Kallikaks – des familles étudiées par les eugénistes des années 20, afin de justifier la stérilisation des pauvres ruraux. Certains Kallikaks ont fait de bons mariages, ont prospéré & sont devenus des bourgeois grâce à de bon gènes – d’autres, cependant, n’ont jamais eu un véritable travail, mais ont vécu retirés dans les bois – inceste, sodomie, des troubles mentaux à gogo – des photos retouchées pour les faire paraître vides & moroses – ils descendaient de vauriens indiens, de mercenaires allemands, de contrebandiers de rhum, de déserteurs – des dégénérés lovecraftiens
j’y pense, il se pourrait très bien que les Kallikaks aient produits des chaotes secrets, des précurseurs radicalistes du sexe, des prophètes du zérotravail. Comme d’autres paysages monotones (déserts, mers, marécages), les Barrens semblent imprégnés de pouvoir érotique – pas tant du vril[2] ou de l’orgone[3] qu’un désordre langoureux, presque une débauche de la Nature, comme si le sol & l’eau eux-mêmes étaient constitués de chairs sexuelles, de membranes, de tissus spongieux érectiles. Nous voulons zoner ici, peut-être dans une cabane de chasse/de pêche abandonnée avec un vieux fourneau à bois & des toilettes extérieures – ou bien des cabines de vacanciers en ruine au bord d’une route abandonnée – ou simplement une clairière où parquer 2 ou 3 camping cars dissimulés derrière les pins, près d’un ruisseau ou d’un lac. Les Kallikaks étaient-ils sur la piste de quelque chose de chouette? Nous le découvrirons
quelque part des garçons rêvent que des extraterrestres viendront les sauver de leur famille, peut-être en vaporisant les parents avec un rayon alien. Très bien. Un Plan d’Enlèvement Par Des Pirates de l’Espace A Été Découvert – « Un Extraterrestre » Démasqué : Il se Cachait sous la Forme d’un Poète Shiite Gay– Un OVNI Aperçu Au-dessus de Pine Barrens – « Les Enfants Perdus Quitteront la Terre » Déclare le Soi-disant Prophète du Chaos, Hakim Bey
des garçons en fuite, du bordel & du désordre, extase & glande, baignade à poil, l’enfance comme insurrection permanente – des collections de grenouilles, d’escargots, de feuilles – pisse au clair de lune – 11, 12 13 ans – assez vieux pour reprendre le contrôle de leur propre histoire des mains de leurs parents, de l’école, de l’assistance sociale, de la TV – Venez vivre avec nous dans les Barrens – nous développerons une marque locale de tomates sans pépins afin de financer nos objets de luxe & nos réflexions sur l’alchimie de l’été – & autrement nous ne produirons rien d’autre que des artefacts du Terrorisme Poétique & des souvenirs de nos plaisirs
s’en aller pour des promenades sans buts dans de vieux pickups, pêchant & cueillant, allongés sous le soleil à lire des bédés & à manger du raisin – voilà notre économie. L’essence des choses lorsqu’elles sont libérées des chaînes de la Loi – chaque molécule est une orchidée, chaque atome une perle à la conscience attentive – voilà notre culte. Le camping-car est drapé de tapis persans, la pelouse abonde d’excellente ganja
la cabane dans les arbres devient un vaisseau de bois dans la nudité de juillet & de minuit, à demi ouverte sur les étoiles, chauffée par de la sueur épicurienne, secouée & apaisée par la respiration des Pins.
(Cher Bolo Log, tu as demandé une utopie pratique & réalisable – la voici donc, pas une simple fantaisie post-apocalyptique, pas de châteaux sur les lunes de Jupiter – un plan que nous pourrions entreprendre demain – si ce n’est que chacun de ses aspects brise une loi ; révèle quelque tabou secret de la société américaine, en menace le tissu même ; etc. Pas bon. Voilà quel est notre véritable désir, & pour l’atteindre, nous devons envisager non seulement une vie d’art pur, mais aussi un crime pur – une pure insurrection. Amen !)
(Merci à Grim Reaper & aux autres membres du Si Fan Temple de Providence pour les idées & pour YALU, GANO & SILA[4]).
The Kallikak Family : A Study in the Heredity of Feeble-Mindedness, Henry Herbert Goddard. The Macmillan Company, 1912.
Communiqué n° 2 par Hakim Bey. Traduction française par Spartakus FreeMann, 2014.
Notes :
[1]Le bolo est une forme de communauté autosuffisante dont le concept a été développé par P.M. dans son livre bolo’bolo. Un bolo comprend 500 personnes (maximum) et peut prendre diverses formes (grande maison, village, quartier).
[2]Ce mot apparaît dans le roman de Bulwer-Lytton, La Race à Venir, ouvrage décrivant le peuple infraterrestre des Vril-ya détenteur du Vril qui leur donne des pouvoirs psychiques comme la télépathie et la télékinésie.
[3] L’orgone est un terme inventé par le psychiatre et psychanalyste Wilhelm Reich pour désigner une forme hypothétique d’« énergie », dont il affirmait avoir établi l’existence. Ses résultats ne furent jamais reproduits et la théorie de l’orgone est considérée comme non scientifique.
[4] Ce sont là trois termes forgés par P.M. dans son livre bolo’bolo. YALU : chaque IBU (membre d’un bolo) peut recevoir dans chaque BOLO au moins une fois une ration de nourriture locale de 2000 calories. Le SILA : ce sont les règles de l’hospitalité de type tribal. Le GANO qui se rattache au sila, dont il est un sous-type : chaque IBU (membre d’un bolo) peut être logé pour au moins un jour dans n’importe quel BOLO.
Communiqué n° 2
Mémorial Bolo [1] aux Kallikaks & l’Ashram du Chaos : une proposition.
Nourrissant une obsession pour les mobile-homes – ces classiques dirigeables miniatures sur roues – & aussi pour les Pines Barrens du New Jersey, cet immense arrière-pays perdu de ruisseaux sablonneux & de pins, de marais de canneberges & de villes fantômes – une population approximative de 14 habitants par kilomètre carré ; des routes crasseuses envahies de fougères, des cabanes en ruines & des mobile-homes rouillés à l’abandon & des voitures usées
c’est le pays des mythiques Kallikaks – des familles étudiées par les eugénistes des années 20, afin de justifier la stérilisation des pauvres ruraux. Certains Kallikaks ont fait de bons mariages, ont prospéré & sont devenus des bourgeois grâce à de bon gènes – d’autres, cependant, n’ont jamais eu un véritable travail, mais ont vécu retirés dans les bois – inceste, sodomie, des troubles mentaux à gogo – des photos retouchées pour les faire paraître vides & moroses – ils descendaient de vauriens indiens, de mercenaires allemands, de contrebandiers de rhum, de déserteurs – des dégénérés lovecraftiens
j’y pense, il se pourrait très bien que les Kallikaks aient produits des chaotes secrets, des précurseurs radicalistes du sexe, des prophètes du zérotravail. Comme d’autres paysages monotones (déserts, mers, marécages), les Barrens semblent imprégnés de pouvoir érotique – pas tant du vril[2] ou de l’orgone[3] qu’un désordre langoureux, presque une débauche de la Nature, comme si le sol & l’eau eux-mêmes étaient constitués de chairs sexuelles, de membranes, de tissus spongieux érectiles. Nous voulons zoner ici, peut-être dans une cabane de chasse/de pêche abandonnée avec un vieux fourneau à bois & des toilettes extérieures – ou bien des cabines de vacanciers en ruine au bord d’une route abandonnée – ou simplement une clairière où parquer 2 ou 3 camping cars dissimulés derrière les pins, près d’un ruisseau ou d’un lac. Les Kallikaks étaient-ils sur la piste de quelque chose de chouette? Nous le découvrirons
quelque part des garçons rêvent que des extraterrestres viendront les sauver de leur famille, peut-être en vaporisant les parents avec un rayon alien. Très bien. Un Plan d’Enlèvement Par Des Pirates de l’Espace A Été Découvert – « Un Extraterrestre » Démasqué : Il se Cachait sous la Forme d’un Poète Shiite Gay– Un OVNI Aperçu Au-dessus de Pine Barrens – « Les Enfants Perdus Quitteront la Terre » Déclare le Soi-disant Prophète du Chaos, Hakim Bey
des garçons en fuite, du bordel & du désordre, extase & glande, baignade à poil, l’enfance comme insurrection permanente – des collections de grenouilles, d’escargots, de feuilles – pisse au clair de lune – 11, 12 13 ans – assez vieux pour reprendre le contrôle de leur propre histoire des mains de leurs parents, de l’école, de l’assistance sociale, de la TV – Venez vivre avec nous dans les Barrens – nous développerons une marque locale de tomates sans pépins afin de financer nos objets de luxe & nos réflexions sur l’alchimie de l’été – & autrement nous ne produirons rien d’autre que des artefacts du Terrorisme Poétique & des souvenirs de nos plaisirs
s’en aller pour des promenades sans buts dans de vieux pickups, pêchant & cueillant, allongés sous le soleil à lire des bédés & à manger du raisin – voilà notre économie. L’essence des choses lorsqu’elles sont libérées des chaînes de la Loi – chaque molécule est une orchidée, chaque atome une perle à la conscience attentive – voilà notre culte. Le camping-car est drapé de tapis persans, la pelouse abonde d’excellente ganja
la cabane dans les arbres devient un vaisseau de bois dans la nudité de juillet & de minuit, à demi ouverte sur les étoiles, chauffée par de la sueur épicurienne, secouée & apaisée par la respiration des Pins.
(Cher Bolo Log, tu as demandé une utopie pratique & réalisable – la voici donc, pas une simple fantaisie post-apocalyptique, pas de châteaux sur les lunes de Jupiter – un plan que nous pourrions entreprendre demain – si ce n’est que chacun de ses aspects brise une loi ; révèle quelque tabou secret de la société américaine, en menace le tissu même ; etc. Pas bon. Voilà quel est notre véritable désir, & pour l’atteindre, nous devons envisager non seulement une vie d’art pur, mais aussi un crime pur – une pure insurrection. Amen !)
(Merci à Grim Reaper & aux autres membres du Si Fan Temple de Providence pour les idées & pour YALU, GANO & SILA[4]).
The Kallikak Family : A Study in the Heredity of Feeble-Mindedness, Henry Herbert Goddard. The Macmillan Company, 1912.
Notes :
[1]Le bolo est une forme de communauté autosuffisante dont le concept a été développé par P.M. dans son livre bolo’bolo. Un bolo comprend 500 personnes (maximum) et peut prendre diverses formes (grande maison, village, quartier).
[2]Ce mot apparaît dans le roman de Bulwer-Lytton, La Race à Venir, ouvrage décrivant le peuple infraterrestre des Vril-ya détenteur du Vril qui leur donne des pouvoirs psychiques comme la télépathie et la télékinésie.
[3] L’orgone est un terme inventé par le psychiatre et psychanalyste Wilhelm Reich pour désigner une forme hypothétique d’« énergie », dont il affirmait avoir établi l’existence. Ses résultats ne furent jamais reproduits et la théorie de l’orgone est considérée comme non scientifique.
[4] Ce sont là trois termes forgés par P.M. dans son livre bolo’bolo. YALU : chaque IBU (membre d’un bolo) peut recevoir dans chaque BOLO au moins une fois une ration de nourriture locale de 2000 calories. Le SILA : ce sont les règles de l’hospitalité de type tribal. Le GANO qui se rattache au sila, dont il est un sous-type : chaque IBU (membre d’un bolo) peut être logé pour au moins un jour dans n’importe quel BOLO.