Résolution pour les années 90[1] : boycott de la culture flic !!!
Par Hakim Bey
Si l’on peut dire qu’une figure fictive a bien dominé la culture populaire des années 80, c’est bien celle du Flic. Des putains de poulets partout, c’est pire que dans la vraie vie ! Que c’est rasoir !
De puissants flics – protégeant le docile & l’humble – aux dépens d’une demi-douzaine d’articles dans la Charte des Droits[2] – « Dirty Harry ». De gentils flics humains, s’occupant de la perversité humaine, venant vers vous avec un air sucré-salé, vous savez, bourrus & suspicieux, mais doux à l’intérieur – Hill Street Blues – la pire série télé de tous les temps. Des flics noirs du genre monsieur-je-sais-tout qui lancent des remarques racistes pleines d’esprit à leurs ploucs de collègues blancs – mais ils s’aiment tous en fin de compte – Eddy Murphy, le Traître de sa Classe. Pour ce qui est du frisson masochiste, nous avons les méchants flics, un peu tarlouzes sur les bords, qui menacent de renverser notre Réalité Konsensuelle Douillette de l’intérieur comme Giger – le ténia tout désigné, mais qui se fait exploser juste à temps par le dernier flic honnête, Robocop, l’amalgame idéal de la prothèse & du sentimentalisme.
Nous avons été obsédés par les flics depuis le commencement – mais le flicaillon d’antan a joué les idiots empotés, Keystone Cops[3], Car 54 Where Are You[4], des bobbies avec des gros nibards, qui s’écrasent & se dégonflent, inventés tout spécialement pour Fatty Arbuckle ou Buster Keaton. Mais dans le drame idéal des années 80, le « petit mec » qui a fait exploser une centaine de figurines bleues avec cette bombe anarchiste, allumée innocemment avec une cigarette – Charlot, la victime avec le pouvoir soudain du grand cœur – n’a plus sa place au centre de la narration. Autrefois « nous » étions ce vagabond, ce héros chaote quasi surréaliste qui l’emportait par le wu-weï (le non agir) sur les larbins ridicules d’un Ordre méprisé & décalé. Mais aujourd’hui « nous » sommes réduits au statut de victimes désarmées, ou pire de criminels. « Nous » n’occupons plus le premier rôle ; nous ne sommes plus les héros de nos propres histoires, nous avons été marginalisés & remplacés par l’Autre, par le Flic.
Ainsi, dans le Spectacle du Flic, il n’y a que trois personnages – la victime, le criminel & le policier –, les deux premiers ne sont pas totalement humains – seul le poulet est réel. Assez étrangement, la société humaine des années 80 (comme on le voit dans les autres médias) apparaît parfois être constituée des mêmes 3 clichés[5]/archétypes. Tout d’abord les victimes : ces minorités gémissantes qui rouspètent au sujet de leurs « droits » – & qui n’appartenait pas à une « minorité » dans ces années-là ? Merde ! Même les flics se plaignaient de la violation de leurs « droits » ! Ensuite, les criminels : majoritairement non blancs (malgré l’« intégration » obligatoire & hallucinante des médias), pauvres (ou si obscènement riches qu’ils n’en sont que plus zarbi), très largement pervers (miroirs interdits de « nos » désirs ») – j’ai entendu dire qu’un foyer sur quatre en Amérique était cambriolé chaque année & qu’un million de personnes sont arrêtées juste pour avoir fumé un joint ; face à de telles statistiques (même en présumant que ce ne sont que de foutus mensonges), on est en droit de se demander qui n’est PAS soit victime, soit criminel dans notre état policier de la conscience. La flicaille doit être notre arbitre à tous, que l’interface soit arbitraire ou non – ce ne sont que des moines-guerriers, mais profanes. America’s Most Wanted[6] – le jeu télé le plus populaire des années 80 – nous a tous mis dans le rôle du Flic Amateur, même s’il ne s’agit jusqu’ici que d’un simple fantasme médiatique du ressentiment & de la vengeance des classes moyennes. Naturellement le Flic dans la réalité ne hait personne plus que le membre d’un groupe d’autodéfense – regardez ce qui s’est passé avec les groupes d’autodéfense des quartiers pauvres &/ou non blancs, comme ces musulmans qui ont essayé d’éliminer le trafic de crack à Brooklyn : les flics ont tabassés les musulmans, les dealers s’en sont allés librement. Les véritables groupes d’autodéfense menacent le monopole de la police, lèse-majesté[7] encore plus abominable que l’inceste ou le meurtre. Mais les groupes d’autodéfense médiés[8] fonctionnent parfaitement au sein d’un État policier ; en fait, il serait plus juste de les concevoir comme des informateurs non rémunérés (même par un échange de mallettes !) : des mouchards télémétriques, des électro-balances, des agents doubles à la journée.
Mais que « veut le plus l’Amérique » au juste ? Cette phrase se rapporte-t-elle aux criminels – ou aux crimes, aux objets désirés dans leur présence réelle, non représentés, directs, littéralement volés & appropriés ? L’Amérique veut merder le travail, se débarrasser de son épouse, prendre de la drogue (parce qu’il n’y a que ça qui vous fasse vous sentir aussi bons que les gens à la télé), baiser avec une jeunette nubile, de la sodomie, du cambriolage, oh putain oui… Quels plaisirs directs/non médiés ne sont PAS illégaux ? Même les barbecues dans le jardin violent les règles communales de nos jours. Les plaisirs les plus simples nous mettent en défaut par rapport à la loi ; en fin de compte le plaisir devient trop stressant & seule demeure la télé ! – & le plaisir de la vengeance, de la trahison par procuration, le frisson vicieux du mouchard. L’Amérique ne peut pas avoir ce qu’elle recherche le plus, & donc elle n’a que America’s Most Wanted. Une nation de lèche-culs de cour d’école qui fait reluire la rondelle d’une élite de tyrans de cours d’école.
Bien sûr, le programme souffre encore de quelques bugs de réalité : par exemple, les moments dramatiques sont représentés dans un style cinéma-vérité par les acteurs ; certains spectateurs sont si stupides qu’ils croient qu’ils regardent de véritables scènes de crimes. Il s’ensuit que les acteurs sont continuellement harcelés & même arrêtés, avec (si ce n’est à leur place) les véritables criminels dont les portraits sont diffusés après chaque petit documentaire. Comme c’est curieux, hein ? Personne n’éprouve réellement quoi que ce soit – tout le monde étant réduit au statut de fantômes – des images médiatiques qui se détachent & s’évadent de tout contact avec la vie de tous les jours – Phone Sex – Cyber Sex. La transcendance finale du corps : la cybergnose.
Les flics des médias, comme leurs prédécesseurs télévangéliques, nous préparent pour l’Avent, la Venue Finale ou l’Extase de l’État policier : la « guerre » au sexe & aux drogues – un contrôle absolu totalement épuré de tout contenu ; une carte sans coordonnées dans aucun espace connu ; bien au-delà du simple Spectacle ; de la pure extase (« en dehors du corps ») ; un simulacre obscène ; des spasmes violents insensés qui sont élevés comme derniers principes de la gouvernance. L’image d’un pays consumé par les images de sa haine pour lui-même, d’une guerre entre les moitiés schizoïdes d’une personnalité éclatée – Super-Ego vs. ID-Kid – pour le Championnat du monde des poids lourds d’un paysage abandonné, brûlé, pollué, vide, désolé, irréel. Tout comme le thriller meurtrier est toujours un exercice du sadisme, ainsi la fiction policière implique-t-elle toujours la contemplation du contrôle. L’image de l’inspecteur ou du détective prend la mesure de l’image de « notre » manque de substance autonome, de notre transparence devant le regarde de l’autorité. Notre perversité, notre impuissance. Que nous l’imaginions « bonne » ou « mauvaise », notre invocation obsessionnelle des eidolons[9] du Flic révèle l’étendue de notre acceptation de la vision du monde manichéenne qu’Il symbolise. Des millions de petits flics grouillent, partout, comme des qlippoth[10], des fantômes larvaires affamés – ils remplissent l’écran, comme dans ce célèbre film muet de Keaton[11], envahissant le premier plan, un Antarctique où rien ne bouge si ce n’est une horde de sinistres pingouins bleus.
Nous proposons une exégèse herméneutique ésotérique du slogan surréaliste « Mort aux vaches ! »[12] Nous comprenons cette phrase non comme un appel à la mort des flics (« des vaches » selon l’argot de l’époque) – une simple vengeance gauchiste imaginaire – du sadisme inversé insignifiant – mais bien plutôt la mort de l’image du flic[13], du Contrôle Interne & de ses reflets innombrables dans le Non-Lieu des médias – la « chambre grise » ainsi que l’appelait Burroughs. L’autocensure, la peur de ses propres désirs, la « conscience » comme voix intériorisée de l’autorité consensuelle. Assassiner ces « forces de sécurité » déchaînerait des flots d’énergie libidinale, pas la folie meurtrière prédite par la théorie de la Loi & l’Ordre.
La « victoire sur soi » nietzschéenne fournit le principe d’organisation pour l’esprit libre (ainsi que pour la société anarchiste, du moins en théorie). Dans la personnalité état policier, l’énergie libidinale est damnée & détournée vers la répression de soi ; toute menace sur le Contrôle résulte en spasmes de violence. Dans la personnalité de l’esprit libre, l’énergie s’écoule sans obstacle & donc de manière turbulente, mais en douceur – son chaos trouve son étrange attracteur[14], permettant à de nouveaux ordres spontanés d’apparaître.
En ce sens, donc, nous appelons à un boycott de l’image du Flic & à un moratoire sur sa reproduction dans l’art. En ce sens…
MORT AUX VACHES !
Traduction française par Spartakus FreeMann, 2014.
[1] Il faut se souvenir que la TAZ a été écrite dans les années 1980…
[2] Ce sont les 10 premiers amendements dans la Constitution américaine, garantissant les droits et libertés des citoyens.
[3] Les Keystone Cops sont des policiers de fiction, vulgaires, hystériques et incompétents apparaissant dans des séries des années 1910.
[4] Sitcom américaine des années 1960.
[5] En français dans le texte.
[6] Implicitement traduisible par « Les criminels les plus recherchés ».
[7] En français dans le texte.
[8] Terme jouant sur média.
[9] Eidolon est un terme grec (εἴδωλον) signifiant simulacre ou fantôme.
[10] Les qlipphoth sont les coquilles déficientes ou maléfiques de l’Arbre de Vie de la Kabbale.
[11] Cops (1922).
[12] En français dans le texte.
[13] En français dans le texte.
[14] Terme de mathématique. Une courbe qui n’est pas celle du mouvement ; une représentation des états du système. Démonstration que dans l’impression de désordre, il y a cependant un certain type d’ordre, de lois – un « chaos déterministe » par excellence.
Résolution pour les années 90[1] : boycott de la culture flic !!!
Par Hakim Bey
Si l’on peut dire qu’une figure fictive a bien dominé la culture populaire des années 80, c’est bien celle du Flic. Des putains de poulets partout, c’est pire que dans la vraie vie ! Que c’est rasoir !
De puissants flics – protégeant le docile & l’humble – aux dépens d’une demi-douzaine d’articles dans la Charte des Droits[2] – « Dirty Harry ». De gentils flics humains, s’occupant de la perversité humaine, venant vers vous avec un air sucré-salé, vous savez, bourrus & suspicieux, mais doux à l’intérieur – Hill Street Blues – la pire série télé de tous les temps. Des flics noirs du genre monsieur-je-sais-tout qui lancent des remarques racistes pleines d’esprit à leurs ploucs de collègues blancs – mais ils s’aiment tous en fin de compte – Eddy Murphy, le Traître de sa Classe. Pour ce qui est du frisson masochiste, nous avons les méchants flics, un peu tarlouzes sur les bords, qui menacent de renverser notre Réalité Konsensuelle Douillette de l’intérieur comme Giger – le ténia tout désigné, mais qui se fait exploser juste à temps par le dernier flic honnête, Robocop, l’amalgame idéal de la prothèse & du sentimentalisme.
Nous avons été obsédés par les flics depuis le commencement – mais le flicaillon d’antan a joué les idiots empotés, Keystone Cops[3], Car 54 Where Are You[4], des bobbies avec des gros nibards, qui s’écrasent & se dégonflent, inventés tout spécialement pour Fatty Arbuckle ou Buster Keaton. Mais dans le drame idéal des années 80, le « petit mec » qui a fait exploser une centaine de figurines bleues avec cette bombe anarchiste, allumée innocemment avec une cigarette – Charlot, la victime avec le pouvoir soudain du grand cœur – n’a plus sa place au centre de la narration. Autrefois « nous » étions ce vagabond, ce héros chaote quasi surréaliste qui l’emportait par le wu-weï (le non agir) sur les larbins ridicules d’un Ordre méprisé & décalé. Mais aujourd’hui « nous » sommes réduits au statut de victimes désarmées, ou pire de criminels. « Nous » n’occupons plus le premier rôle ; nous ne sommes plus les héros de nos propres histoires, nous avons été marginalisés & remplacés par l’Autre, par le Flic.
Ainsi, dans le Spectacle du Flic, il n’y a que trois personnages – la victime, le criminel & le policier –, les deux premiers ne sont pas totalement humains – seul le poulet est réel. Assez étrangement, la société humaine des années 80 (comme on le voit dans les autres médias) apparaît parfois être constituée des mêmes 3 clichés[5]/archétypes. Tout d’abord les victimes : ces minorités gémissantes qui rouspètent au sujet de leurs « droits » – & qui n’appartenait pas à une « minorité » dans ces années-là ? Merde ! Même les flics se plaignaient de la violation de leurs « droits » ! Ensuite, les criminels : majoritairement non blancs (malgré l’« intégration » obligatoire & hallucinante des médias), pauvres (ou si obscènement riches qu’ils n’en sont que plus zarbi), très largement pervers (miroirs interdits de « nos » désirs ») – j’ai entendu dire qu’un foyer sur quatre en Amérique était cambriolé chaque année & qu’un million de personnes sont arrêtées juste pour avoir fumé un joint ; face à de telles statistiques (même en présumant que ce ne sont que de foutus mensonges), on est en droit de se demander qui n’est PAS soit victime, soit criminel dans notre état policier de la conscience. La flicaille doit être notre arbitre à tous, que l’interface soit arbitraire ou non – ce ne sont que des moines-guerriers, mais profanes. America’s Most Wanted[6] – le jeu télé le plus populaire des années 80 – nous a tous mis dans le rôle du Flic Amateur, même s’il ne s’agit jusqu’ici que d’un simple fantasme médiatique du ressentiment & de la vengeance des classes moyennes. Naturellement le Flic dans la réalité ne hait personne plus que le membre d’un groupe d’autodéfense – regardez ce qui s’est passé avec les groupes d’autodéfense des quartiers pauvres &/ou non blancs, comme ces musulmans qui ont essayé d’éliminer le trafic de crack à Brooklyn : les flics ont tabassés les musulmans, les dealers s’en sont allés librement. Les véritables groupes d’autodéfense menacent le monopole de la police, lèse-majesté[7] encore plus abominable que l’inceste ou le meurtre. Mais les groupes d’autodéfense médiés[8] fonctionnent parfaitement au sein d’un État policier ; en fait, il serait plus juste de les concevoir comme des informateurs non rémunérés (même par un échange de mallettes !) : des mouchards télémétriques, des électro-balances, des agents doubles à la journée.
Mais que « veut le plus l’Amérique » au juste ? Cette phrase se rapporte-t-elle aux criminels – ou aux crimes, aux objets désirés dans leur présence réelle, non représentés, directs, littéralement volés & appropriés ? L’Amérique veut merder le travail, se débarrasser de son épouse, prendre de la drogue (parce qu’il n’y a que ça qui vous fasse vous sentir aussi bons que les gens à la télé), baiser avec une jeunette nubile, de la sodomie, du cambriolage, oh putain oui… Quels plaisirs directs/non médiés ne sont PAS illégaux ? Même les barbecues dans le jardin violent les règles communales de nos jours. Les plaisirs les plus simples nous mettent en défaut par rapport à la loi ; en fin de compte le plaisir devient trop stressant & seule demeure la télé ! – & le plaisir de la vengeance, de la trahison par procuration, le frisson vicieux du mouchard. L’Amérique ne peut pas avoir ce qu’elle recherche le plus, & donc elle n’a que America’s Most Wanted. Une nation de lèche-culs de cour d’école qui fait reluire la rondelle d’une élite de tyrans de cours d’école.
Bien sûr, le programme souffre encore de quelques bugs de réalité : par exemple, les moments dramatiques sont représentés dans un style cinéma-vérité par les acteurs ; certains spectateurs sont si stupides qu’ils croient qu’ils regardent de véritables scènes de crimes. Il s’ensuit que les acteurs sont continuellement harcelés & même arrêtés, avec (si ce n’est à leur place) les véritables criminels dont les portraits sont diffusés après chaque petit documentaire. Comme c’est curieux, hein ? Personne n’éprouve réellement quoi que ce soit – tout le monde étant réduit au statut de fantômes – des images médiatiques qui se détachent & s’évadent de tout contact avec la vie de tous les jours – Phone Sex – Cyber Sex. La transcendance finale du corps : la cybergnose.
Les flics des médias, comme leurs prédécesseurs télévangéliques, nous préparent pour l’Avent, la Venue Finale ou l’Extase de l’État policier : la « guerre » au sexe & aux drogues – un contrôle absolu totalement épuré de tout contenu ; une carte sans coordonnées dans aucun espace connu ; bien au-delà du simple Spectacle ; de la pure extase (« en dehors du corps ») ; un simulacre obscène ; des spasmes violents insensés qui sont élevés comme derniers principes de la gouvernance. L’image d’un pays consumé par les images de sa haine pour lui-même, d’une guerre entre les moitiés schizoïdes d’une personnalité éclatée – Super-Ego vs. ID-Kid – pour le Championnat du monde des poids lourds d’un paysage abandonné, brûlé, pollué, vide, désolé, irréel. Tout comme le thriller meurtrier est toujours un exercice du sadisme, ainsi la fiction policière implique-t-elle toujours la contemplation du contrôle. L’image de l’inspecteur ou du détective prend la mesure de l’image de « notre » manque de substance autonome, de notre transparence devant le regarde de l’autorité. Notre perversité, notre impuissance. Que nous l’imaginions « bonne » ou « mauvaise », notre invocation obsessionnelle des eidolons[9] du Flic révèle l’étendue de notre acceptation de la vision du monde manichéenne qu’Il symbolise. Des millions de petits flics grouillent, partout, comme des qlippoth[10], des fantômes larvaires affamés – ils remplissent l’écran, comme dans ce célèbre film muet de Keaton[11], envahissant le premier plan, un Antarctique où rien ne bouge si ce n’est une horde de sinistres pingouins bleus.
Nous proposons une exégèse herméneutique ésotérique du slogan surréaliste « Mort aux vaches ! »[12] Nous comprenons cette phrase non comme un appel à la mort des flics (« des vaches » selon l’argot de l’époque) – une simple vengeance gauchiste imaginaire – du sadisme inversé insignifiant – mais bien plutôt la mort de l’image du flic[13], du Contrôle Interne & de ses reflets innombrables dans le Non-Lieu des médias – la « chambre grise » ainsi que l’appelait Burroughs. L’autocensure, la peur de ses propres désirs, la « conscience » comme voix intériorisée de l’autorité consensuelle. Assassiner ces « forces de sécurité » déchaînerait des flots d’énergie libidinale, pas la folie meurtrière prédite par la théorie de la Loi & l’Ordre.
La « victoire sur soi » nietzschéenne fournit le principe d’organisation pour l’esprit libre (ainsi que pour la société anarchiste, du moins en théorie). Dans la personnalité état policier, l’énergie libidinale est damnée & détournée vers la répression de soi ; toute menace sur le Contrôle résulte en spasmes de violence. Dans la personnalité de l’esprit libre, l’énergie s’écoule sans obstacle & donc de manière turbulente, mais en douceur – son chaos trouve son étrange attracteur[14], permettant à de nouveaux ordres spontanés d’apparaître.
En ce sens, donc, nous appelons à un boycott de l’image du Flic & à un moratoire sur sa reproduction dans l’art. En ce sens…
MORT AUX VACHES !
Traduction française par Spartakus FreeMann, 2014.
[1] Il faut se souvenir que la TAZ a été écrite dans les années 1980…
[2] Ce sont les 10 premiers amendements dans la Constitution américaine, garantissant les droits et libertés des citoyens.
[3] Les Keystone Cops sont des policiers de fiction, vulgaires, hystériques et incompétents apparaissant dans des séries des années 1910.
[4] Sitcom américaine des années 1960.
[5] En français dans le texte.
[6] Implicitement traduisible par « Les criminels les plus recherchés ».
[7] En français dans le texte.
[8] Terme jouant sur média.
[9] Eidolon est un terme grec (εἴδωλον) signifiant simulacre ou fantôme.
[10] Les qlipphoth sont les coquilles déficientes ou maléfiques de l’Arbre de Vie de la Kabbale.
[11] Cops (1922).
[12] En français dans le texte.
[13] En français dans le texte.
[14] Terme de mathématique. Une courbe qui n’est pas celle du mouvement ; une représentation des états du système. Démonstration que dans l’impression de désordre, il y a cependant un certain type d’ordre, de lois – un « chaos déterministe » par excellence.