Pratiques et Rituels

Rituel en Psychiatrie

cry 1682140 1920 - Rituel en Psychiatrie

Rituel en Psychiatrie par Spartakus FreeMann.

Il y a quelques temps, nous avons été amené à entrer dans une institution psychiatrique afin de soigner officiellement une dépression nerveuse et officieusement afin de prendre quelques mois de congés aux frais de la princesse. Faire un break, prendre du recul par rapport à l’ennui de la vie, changer d’air pendant quelques temps… Il n’est pas facile d’entrer dans ce genre d’endroit, il y a d’abord le regard que l’on porte sur vous – on vous juge subitement comme un « fou » ou du moins comme assez « bizarre » – et ensuite le regard que l’on porte sur soi-même. Comme le but de ce papier n’est pas de parler des raisons qui m’ont fait choisir d’entrer dans un hôpital psychiatrique plutôt que de rester chez moi, je vais me contenter de vous raconter deux opérations magickes qui y furent pratiquées, à titre d’exemples à suivre ou non. On peut lire ce qui suit comme un témoignage ou comme une marche à suivre dans une œuvre magicke. Le ton est léger et totalement chaotique, refusant toutes les contingences de l’art écrit, nous avons laissé parler nos tripes… Notre plus grand espoir serait de faire rire.

psy01 - Rituel en Psychiatrie
Illustration : gravure d’Ambroise Tardieu. Domaine Public.

Passer les grilles fut la première opération de magick réalisée dans cet endroit. Bizarre me direz-vous de faire une telle chose en un tel lieu. Et pourtant, entrer quelque part est un acte d’une extrême importance et ne pas respecter certaines règles peut avoir des conséquences tragiques sur les événements à venir. Entrer dans un lieu avec une attitude de conquérant peut, par exemple, vous jouer bien des tours : vous risquez fort de vous retrouver avec une belle camisole de force à psalmodier des mantras dans une chambre capitonnée. A l’inverse, jouer le malade compulsif peut vous y faire colloquer à vie. Il est donc bien important de réaliser un rituel qui aura pour but de vous donner la faveur des esprits du lieu tout en vous protégeant des influences néfastes qui pourraient vous tomber dessus.

Devant la grille verte – le vert la couleur de Vénus – je me suis tenu bras le long du corps, les yeux fermés. Afin d’entrer en contact avec les esprits tutélaires de l’endroit j’ai allumé une cigarette rituelle, j’ai alors inhalé la fumée puis ai pris dans ma main gauche mes parties génitales tout en récitant cette incantation : « Esprits du lieu, soyez le témoin de mon entrée pacifique sur le territoire magicke par vous gardé. Par le pouvoir de mon Saint Ange Gardien, par la Force de ma Volonté, j’entre en ce lieu en paix, libre et heureux. Esprits du lieu, soyez mes aides pour la durée de mon séjour et préservez-moi de tout mal connu ou inconnu ». Ensuite, j’ai ouvert les yeux et là, devant moi, la grille s’est ouverte et au-dessus d’elle une lueur, signe que je pouvais sans crainte passer la porte avec la bienveillance des esprits du lieu. Revenons sur la couleur de la grille qui doit nous renseigner sur la qualité des gardiens. Le vert est la couleur de Vénus comme nous l’avons dit, et il y avait exactement 13 barreaux, 13 la valeur numérique de Ahavah, l’Amour en hébreu. Ce lieu devait donc, très certainement, être sous la tutelle d’Esprits vénusiaques. Ayant passé la porte, je récitai alors un hymne à la gloire de Vénus, une érection fut le signe de la bienveillance et de la réponse de déesse.

LIRE
Le Baphomet, Figure de l’ésotérisme templier

Bon, je vous ferai grâce de mes moments d’extases passés entre les bras de diverses compagnes et des orgies sacrées, dignement accomplies dans des endroits clos et à l’abris du regard des profanes infirmières…

Heureusement pas de maladie de Vénus…

Le second rituel majeur fut le plus spontané et le plus étrange de toute mon existence. A vrai dire, est-ce un rituel ou une rage de l’esprit exprimée par des invocations ? Et alors ? Qu’importe pourvu que le résultat soit là. C’est d’ailleurs le grand débat actuel sur la magie du chaos : est-ce un système valable voire valide ? Nous ne chercherons pas à répondre à cette question inepte car ceux qui se bougent le cul sont, de toute manière, plus efficaces que ceux qui restent bouche bée à rêvasser…

Dans ma chambre, j’écoutais ce jour-là le magnifique album « Roots » de Sepultura – vous savez cet album très ethnique enregistré au sein d’une tribu amazonienne. Je vous le conseille si vous avez le blues ou si vous avez envie de sentir vos tripes bouger en vous. Allongé sur mon lit je repensais aux jours anciens à jamais disparus et c’est là que j’eus le désir impulsif de pratiquer un rituel du sang. Un rituel sauvage, improvisé et totalement personnel. Il restera dans ma mémoire comme un bijou subtile et sombre…

Préludes : tout d’abord je devais rassembler le matériel improvisé. Une lame de rasoir Bic, une bougie noire (amenée avec moi), une cigarette. Assez simple, à la portée de tout magickien, voire de tout profane. Ensuite, j’ai dû ouvrir un Temple personnel improvisé. Pour ce faire : j’ai repéré où se trouvait l’est, approximativement par rapport à la position du soleil. Enfin, pour l’ouverture, j’ai procédé comme suit : se tenir à l’est, les bras le long du corps, pointer l’index devant soi et tracer un pentagramme invocatoire de l’Esprit en vibrant « He », se tourner vers le nord, tracer le pentagramme et vibrer « He », se tourner vers l’ouest, tracer le pentagramme et vibrer « He », se tourner vers le sud, tracer le pentagramme et vibrer « He ». Ramener les bras le long du corps puis se saisir de ses parties génitales et vibrer « Shin » jusqu’à en perdre le souffle… Prononcer alors la formule de consécration : « Par ma Volonté, par mon Ame, par mes Pouvoirs que ce lieu soit ici, maintenant et à jamais le temple de ma magie ». J’ai alors allumé la cigarette, ai inhalé la fumée et je l’ai soufflée aux quatre coins du temple, en haut puis en bas, puis j’ai fait passer la cigarette sur mon corps afin que la fumée le sanctifie. J’ai alors éteint la cigarette et j’ai allumé la bougie noire.

LIRE
Les Carrés Magiques dans la Talismanie d'Agrippa

Le Temple étant à présent consacré, j’ai pu entreprendre le Rituel proprement dit. Tout d’abord, j’ai tracé le cercle de protection comme suit : avec la lame de rasoir, faire une entaille dans son bras gauche puis dans son bras droit. Il faut que l’entaille soit suffisante pour récolter le sang. Prendre du sang et tracer un cercle de protection à l’endroit où le rituel va avoir lieu.

Ensuite, avec l’index de la main gauche prendre du sang et tracer un Shin sur son front en vibrant « Shin », puis tracer de la même manière un Vav sur la joue droite en vibrant Vav, tracer alors un Aleph sur la main droite en vibrant le silence… Avec l’index de la main droite, tracer un Vav sur la joue gauche en vibrant « Vav », tracer un Aleph sur la main gauche en vibrant le silence.

On peut ensuite se barbouiller le reste du corps en récitant les phrases barbares suivantes « Rakamatrabatragoumatra Hagramatragata Ramatata Ouka Bouga Oum Ha ».

Fermer les yeux et réciter alors l’invocation suivante : « Par ma Volonté, je somme mon HGA se faire apparition visible en ce lieu à en ce moment précis afin de faire ma Volonté ». Si le rituel est correctement effectué l’HGA devrait apparaître. L’officiant pourra alors converser avec lui et demander que ses désirs les plus immédiats soient réalisés.

Pour fermer la cérémonie, on fait un bannissement du pentagramme aux quatre coins du Temple après avoir remercié son HGA pour l’entretien accordé. Il se peut que l’HGA demande à l’officiant de réaliser certains rituels secrets que la morale ne nous permet pas d’expliquer plus avant. Quoiqu’il en soit, l’officiant devrait se sentir calme et reposé, ses soucis devraient lui sembler d’un autre monde… Si le rituel n’était pas correctement exécuté, il se peut que la santé mentale soit malmenée…

LIRE
Compter les Coups : Combat Magique pour l’amusement et l’entraînement

Le Temple fermé, l’officiant doit impérativement sortir de la chambre en portant les symboles magickes tracés sur son visage et ses mains, se rendre dans un lieu où se trouvent des êtres humains « normaux » et s’exhiber sans pudeur ou crainte.

Les résultats sont immédiats. Dans notre cas, nous avions demandé à notre HGA une solitude absolue et la réalisation d’un acte de copulation. L’isolement nous fut prodigué par les infirmières qui nous isolèrent dans la Chambre n°1, c’est-à-dire la chambre d’isolement. Pour l’acte de copulation, deux jours plus tard, l’aura d’invincibilité et de folie qui planait sur nous aboutira à une union sous les auspices de Vénus et de Sacher Masoch. Résultat positif sur toute la ligne donc.

En plus du plaisir de ce rituel, nous garderons en mémoire les instants délicieux qui suivirent la sortie de la chambre. Tous ces visages livides de peur à la vue du sang, toute cette agitation médicale autour de notre sainte personne, toute cette féerie et ce sentiment de puissance absolue, passant tel un roi parmi les gueux, nous sentions couler en nous le sang des Crowley et autres chanteurs de hard-rock, la tête emplie des hymnes de Sepultura, nous avancions tel un prince au milieu d’un parvis de mendiants de lumière… Le monde semblait irréel et fade, la seule couleur que je pouvais voir était le rouge de mon sang… Que dire de la réaction du corps médical ? Elle fut à la hauteur de sa bassesse. Les infirmières finirent par me laver de mon sang – les hérétiques ! – et mon psychiatre – blême lors de notre entrevue – rouge d’indignation, on n’avait jamais vu chose pareille dans son hôpital et puis avais-je seulement pensé aux risques liés à l’hygiène ? Pensant qu’il me parlait de ce que j’encourais, je n’ai pas répondu mais, à la réflexion, il voulait, sans doute, parler de ceux liés à la contagion de mon acte. Imaginez un hôpital rempli de fous, rouges de leur sang et psalmodiant des phrases barbares…

Kaotikement votre…

Rituel en Psychiatrie, Spartakus FreeMann, Nadir de Guantanamo, février 2004 e.v.

About

Nouvelle version de KAosphOruS, le WebZine Chaote francophone. Ce projet est né en 2002 suite à une discussion avec un ami, Prospéro, qui fut à la source d’Hermésia, la Tortuga de l’Occulte. Le webzine alors n’était pas exclusivement dédié à la Magie du Chaos, mais après la disparition de son fondateur, il a évolué vers la version que vous pouvez aujourd’hui lire. L’importance de la Chaos Magic(k) ou Magie du Chaos grandit au sein de la scène magique francophone. Nous espérons apporter notre clou au cercueil… Melmothia & Spartakus FreeMann

Partagez
Tweetez
Enregistrer