Par Jay Michaelson
Je viens juste de débuter la pratique de la méditation & déjà j’ai remarqué quel effet profond elle peut avoir sur ma pratique religieuse. C’est comme obtenir la réponse clé à ses questions. « Ah, c’est donc de cela qu’il s’agissait lorsqu’ils disaient que Dieu est partout ! » L’attention projetée sur les objets vulgaires les transforme en miracles de la vie de tous les jours & un coeur ouvert fait de la foi une expérience cathartique & curative. Soudain, des phrases simples qui semblent n’être que des « clichés » — « Être ici maintenant » — sont emplies de vérités & d’invitations à aller plus loin. Elles cessent de sonner comme des publicités psychologiques (« Si vous être plus présents ô bourgeois affairés, alors vous serez un meilleur amant/businessman ») & résonnent alors comme un appel vers l’Unique.
À un certain degré, cette dimension spirituelle n’est pas surprenante, même pour ceux qui n’en ont jamais fait l’expérience elle peut sembler évidente. Les personnes qui méditent parlent souvent d’unions magnifiques avec l’Être, ou de dissolution dans le Divin. Mais je ne m’attendais pas à ce que la méditation affecte ma vie sensuelle. Je suppose que j’imaginais qu’elle serait une simple pratique « spirituelle », oubliant que toute méditation est réellement conjointe à ce qui se déroule ici et maintenant en tant qu’expérience intime. Nous mangeons & nous utilisons la salle de bain beaucoup plus souvent que nous ne prions, & Dieu est partout. Ainsi, peut-être cela aurait-il dû être évident. Mais il y a quatre leçons que j’ai apprises au sujet de la méditation & de la sensualité.
1- Pourquoi les personnes qui utilisent des drogues aiment la méditation.
Lorsque vous être pété, bourré, que vous trippez sous certaines drogues, certaines sensations sensuelles sont augmentées. Vous pouvez réellement voir et sentir la musique lorsque vous êtes sous ecstasy. Le goût de certaines nourritures sous la marijuana est « intense ». Tout le monde sait cela et c’est pourquoi nombreux sont ceux qui prennent de la drogue. Il y a, je le sais, des personnes qui fument un joint juste pour se détendre, & qui n’en retirent pas d’expérience visuelle, tactile ou sensuelle. Mais pour moi, et pour mes amis, les drogues ne sont pas une échappatoire à la réalité ; elles sont un prisme qui la magnifie. Des détails intimes sont découverts sur le fonctionnement de l’esprit, sur la fabrication des sentiments, de la musique. Les drogues peuvent donner au moindre chips un délice infini.
La méditation fonctionne à peu près de la même manière en intensifiant les expériences de tous les jours, non en poursuivant un frisson viscéral de plus en plus fort, mais en apaisant l’esprit suffisamment pour qu’il — selon les mots de Warren Zevon — « apprécie chaque sandwich ». Je voyais alors une contradiction entre vivre aussi pleinement que possible et la vie contemplative que j’associais à un retrait des expériences humaines. En retraite récemment, j’ai réalisé qu’il n’y a aucune contradiction & qu’en fait le chemin contemplatif est l’extension logique de la vie consciente. Il y a, réellement, deux choix possibles à une personne qui désire sucer la moelle de la vie : soit il continue à chercher les expériences extrêmes soit il rend chaque expérience extrême. Certains peuvent, semble-t-il, réaliser le second choix, mais je trouve cela fatigant. Comme avec les drogues, mais sans leurs effets secondaires négatifs, la méditation me permet de sucer la moelle de cette table, de ce soda, ou de cette respiration. En éliminant simplement le bruit & en arrêtant la pensée, les vraies couleurs de l’univers phénoménal me sont révélées en leur éclat sans cesse croissant. Ce n’est pas comme être pété tout le temps, car il n’y a pas de désorientation, de montée de l’esprit qui arrive lors d’une prise. Mais cela ressemble à l’état d’high en termes de goût, de toucher, d’odeur, de son & de vision, qui sont alors améliorés, inter changés kinesthétiquement & — en leur présence non-conceptuelle — sont une raison suffisante de vivre.
Un second point de similitude entre l’utilisation de la drogue & la méditation est que toutes deux mènent à des états de conscience qui diffèrent de la normalité.
Nombreux sont ceux qui craignent les états de conscience altérée. Je pense qu’ils ont peur de leur esprit non rationnel. Le consensus qui veut que les lois rationnelles de décence, de propriété, etc. gouvernent tous les aspects de notre vie signifie que l’on base toutes nos décisions sur nos capacités de jugement rationnel. Et ainsi, un état d’esprit différent fait peur. Et attention ici, je suis pour le jugement rationnel pour la plupart des décisions à prendre, mais ce jugement peut-il danser, mener à l’orgasme, tomber amoureux ? Non… Certains de nos moments les plus transcendants surviennent lorsque notre esprit rationnel est endormi & que quelque chose d’autre prend sa place. Relativement à certains aspects de la vie, être non rationnel est être essentiellement humain.
La méditation comme l’utilisation des drogues, mène à un état d’esprit dans lequel l’esprit rationnel ordinaire ne domine pas les expériences du moi. Bien sûr, il y a une différence critique entre les états induits par la drogue et la méditation : l’esprit rationnel n’est pas supprimé dans la méditation comme cela peut arriver avec l’utilisation de certaines drogues. C’est plutôt le flot incessant des idées, pensées, jugements, décisions qui s’arrête. Ou, si ce flot continue, il est perçu comme ce qu’il est plutôt que comme une production de ma pensée. La perception directe voila ce que c’est, plutôt que de le penser, c’est ce qui arrive.
Ainsi, les drogues et la méditation partagent deux phénomènes essentiels : une expérience sensuelle accrue du monde & une conscience a-ordinaire. Et, bien sûr, la méditation n’a aucune des potentialités néfastes ou addictives des drogues. Ses effets secondaires sont plutôt la compassion, une plus grande gentillesse & une colère moindre. Quel trip !
2- La méditation et le sexe.
Au moins une fois dans notre vie nous avons entendu parler du Kama Sutra, mais, en général, l’image que nous en avons est celle d’un médiateur plutôt désexualisé. Il se peut que nous ayons entendu parler de pratiques tantriques que nous associons à la prolongation de l’orgasme, mais cela reste vague…
Je n’ai aucune expérience du tantra, mais la méditation est certainement super pour ce qui est du sexe. Très vite, lors de mes méditations, j’ai découvert que cela améliorait ma concentration & mes orgasmes lors de relations sexuelles quelles qu’elles soient (en solitaire, en duo, etc.), et la méditation à altéré la manière dont je percevais le sexe selon une perspective éthique ou religieuse.
Comme beaucoup de personnes (je l’espère), je pense que mon plus grand problème quant à la performance sexuelle résidait dans la distraction. Même des idées les plus communes peuvent surgir lors d’une partie de jambes en l’air : les impôts, la vaisselle, les courses… Parfois, les pensées sont moins innocentes et peuvent impliquer d’autres personnes, mettant ainsi en péril le lien intime qui doit exister entre les deux partenaires. Dans tous les cas, ces pensées étrangères me retiraient de mon plaisir sensuel et de mon délice émotionnel.
Par la méditation, j’ai commencé à apprendre comment découvrir ces pensées et à les abandonner. Notez que cela ne marche habituellement pas de repousser les pensées : car cela reste une action de l’esprit. Dans la méditation, cela interfère avec l’Observation de la Conscience qui ne doit pas devenir un emprisonnement dans l’esprit, et durant la relation sexuelle, cela retire de l’esprit les pensées érotiques que nous laissons naître en nous, mais sur lesquelles nous avons des difficultés à rester concentrés dessus. « Merde, pourquoi ne puis-je me concentrer !? » n’est pas une pensée très aphrodisiaque, n’est-ce pas ? Ainsi, ces pensées doivent être simplement abandonnées et l’attention doit être guidée doucement vers ce qui se déroule ici et maintenant. Dans la méditation, il existe un certain nombre de directions vers lesquelles notre esprit est tourné : parfois c’est vers la respiration, parfois vers la conscience de ce qui se déroule autour de nous, etc. Dans le sexe, la concentration dirigée peut mener vers des expériences très intenses au niveau sexuel et vers une conscience accrue des besoins et désirs de notre partenaire. Ces pratiques nous ramènent vers ce qui est hot et vers ce qui est réel !
Dans ce que les mystiques juifs nomment « le petit esprit » (mochin d’katnut), dans l’esprit qui divise le monde en sujet et en objet et qui pense et désire sans cesse, j’ai eu des orgasmes où je ne remarquais qu’à peine ce qui se passait, trop affairé avec des zones de mon esprit dirigées sur des sujets autres que mon pénis. Et, d’autre part, j’ai eu des relations sexuelles avec des personnes dont je chérissais le plaisir de telle manière que j’en oubliais mon propre plaisir, concentré que j’étais dans ce que l’autre personne ressentait. Pourquoi s’emmerder avec de la baise comme celle-là ?
Mais, dans l’« esprit étendu » (mochin d’gadlut), lorsque ma concentration était fixée sur le plaisir sexuel que je ressentais (parfois dans une zone particulière de mon corps, et parfois de manière plus généralisée), je peux conserver mon esprit présent pendant les secondes d’extase de l’orgasme. Seulement quelques secondes — je ne puis qu’imaginer ce qu’expérimentent les méditants expérimentés, flottant dans un plaisir physique pendant dix ? Vingt ? Trente ? Secondes avant qu’une pensée extérieure naisse à nouveau. Et je ne puis qu’imaginer ce qu’expérimentent les trantrika au travers de leur concentration extrême, la période d’orgasme pouvant durant pendant des minutes entières.
Enfin, puisque la méditation nous enseigne à abandonner les identifications naturelles que nous avons tous par rapport à nos pensées (j’ai faim, je suis content, j’ai peur), cela réduit la conscience de soi. « Je ne suis pas cette sorte de personne qui crie/gémis/pleure pendant la baise » peut dire le petit esprit, identifié qu’il est avec une certaine personne ou personnalité. Ce petit esprit peut être repoussé & tout comme nous pouvons adorer avec un coeur ouvert, pleurant et riant et chantant par delà les larmes, ainsi est-il possible d’accéder à des zones de notre être sexuel que notre personnalité aurait autrement rejetées…
3- Méditation et Sexe.
Le second changement majeur dans ma vie sexuelle qui est survenu par la méditation est la modification de ma vision du sexe sous la perspective religieuse. Je suis homo au départ, et célibataire sexuellement actif dans la ville de New York. Cela est souvent perçu comme problématique par nombre de personnes juives, et même sous un angle spirituel ou moral/religieux non spécifique. Et j’ai intériorisé ces critiques. Être un homo c’est mal ; être sexuellement actif n’est pas saint ; la décence et la modestie sont d’importantes valeurs religieuses.
Si vous y regardez de plus près, ces jugements ne sont que des opérations de l’esprit rationnel. Une idée du bien et du mal, plutôt qu’une perception de ce que cela est ; un concept de la sainteté plutôt qu’une sensation de la sainteté ; une confusion des normes sociales avec des règles de comportements. Lorsque l’esprit rationnel est apaisé, une ouverture à ce qui est vraiment prend le dessus, et tout est alors perçu comme n’étant rien de moins que Dieu.
Maintenant, très souvent, l’ouverture mène à des sensations négatives, car elle nous expose à la signification profonde de l’ouverture : la cruauté, la souffrance, la réification, la maladie, la destruction du corps et de la terre, etc. La souffrance des humains du fait de la guerre devient de plus en plus dure à supporter. Autrefois, je pensais que les personnes spirituelles étaient hyper sensibles. Aujourd’hui, je vois que la pratique spirituelle authentique rend hyper sensible, du moins selon les critères de notre société.
Ainsi, l’ouverture n’est pas la douceur — qui rend doux l’amour sexuel dans une sainteté toute resplendissante. Lorsque le rationnel, décidant de fermer l’esprit, j’ai, comme la plupart des gens, une habilité à connaître l’expression de l’amour, de la vie, de l’énergie charnelle — ce Dieu — du plaisir donné & du lien émotionnel — tout cela étant saint. L’amour étend le coeur, nous rend plus gentils, nous mène vers l’expérience de nos corps naturels. Et cela n’est pas un dogme, c’est de l’expérience.
Bien sûr, il y a toujours un doute que notre petit esprit qu’il soit capable de juger ce qui est saint ou si je veux simplement nommer ce dont jouis comme tel. Cependant, une chose que j’ai remarqué à propos du doute : vous doutez toujours du bonheur, mais jamais de la peine. Ainsi, peut-être qu’une bonne utilisation du doute est de douter du doute : le doute est-il réellement une objection objective comme il le prétend ?
4- Pourquoi tout ceci est véritablement juif.
D’une certaine manière, le judaïsme est une voie tantrique. Par cela je veux dire qu’il existe un choix de vie contemplative entre vivre totalement dans le monde (et donc d’y voir Dieu en ce monde) ou de vivre dans un environnement moins complet qui permet la concentration & la contemplation de prendre place plus facilement. Ce dernier choix, l’ascétisme, n’est pas du masochisme, c’est un outil qui permet un processus mental — émotionnel et spirituel — ascétique.
Cependant, l’ascétisme n’est pas une voie habituelle du judaïsme. Il y a des exceptions – la plupart des auteurs de la Kabbale, des personnes comme Abraham Aboulafia ou les piétistes allemands, etc., par exemple. Généralement, cependant, la voie juive est sanctification des mondes sensuels et matériels. La nourriture, le sexe, les affaires — tout ce en quoi nous sommes engagés — est sanctifié. Dans une perspective contemporaine, les restrictions juives dans ces domaines de la vie peuvent sembler très restrictives. Cependant, elles peuvent être perçues comme une progression vers la sainteté dans tous les aspects de la vie humaine. Les lois de la Kashrut qui gouvernent la nourriture, la manière de manger correctement sont perçues comme saintes. Toutes les lois qui gouvernent le sexe et le sexe également sont perçues comme saintes. La loi juive est basée sur un modèle commun de responsabilité et assume que les personnes sont engagées dans ce monde. La voie de la renonciation, bien que pratiquée par de nombreux mystiques juifs, n’en constitue pas le courant principal.
Dans ce contexte, jouir de toutes sortes de plaisirs sensuels par la méditation dont j’ai discuté ici est en ligne avec la sensualité juive. Évidemment, cette voie n’est une interprétation ni orthodoxe ni traditionnelle de la sensualité. Une critique orthodoxe serait qu’il est interdit d’explorer la sensualité en dehors des limites de la halakha.
Il est également possible de vivre une pratique tantrique dans des expériences sensuelles ou charnelles autres — l’exercice physique par exemple. Cependant, en adoptant une vision plus large et en comparant la voie tantrique aux pratiques de contemplation ascétiques d’un côté et les formes de la négation de la sensualité de la chrétienté paulinienne d’un autre côté, je pense que l’application de l’attention spirituelle dans la vie physique est très juive en vérité. Nous prenons nos consciences et pratiques religieuses et nous les joignons au monde sensuel dans lequel nous vivons. Cela, à un niveau fondamental, est l’unité des shamayim (des cieux) & d’aretz (la terre) dont il est question dans le judaïsme.
Bien sûr, la méditation n’est pas la seule ou même la principale voie sensuelle. Elle n’est pas non plus limitée à l’esprit individuel. Elle augmente les aspects communs de l’existence dans le monde que le judaïsme essaye de maximiser. Elle nourrit la compassion, la gentillesse. Elle rend la colère et l’injustice sociale insupportable.
Et, elle accroît l’amour. Lorsque j’entre dans une relation, mon esprit et mon coeur commencent à s’emballer. Plus je tombe amoureux, et plus l’anxiété grandit : il ne m’aime pas autant que je l’aime, que puis-je faire pour le garder, comment les choses vont-elles évoluer, qu’est-ce que cela signifie, qu’est-ce que je veux signifier… Lorsque je calme l’esprit, j’apprends à ne pas laisser grandir la peur. Dieu n’est pas dans le futur, lorsque mon partenaire se conformera ou non à mes rêves ou à mes attentes. Dieu est Ici et Maintenant, se manifestant de cette manière, conditionné par une chaîne infinie de causes qui remontent à la Yehi Or. Les faux dieux idolâtres de mes désirs sont repoussés et l’Unique qui est Qui Il est (ehyeh asher ehyeh) emplit mon âme divine, mon âme animale et les liens qui m’unissent à mon partenaire, qui nous unissent.
Méditation & Sensualité, Jay Michaelson (Zeek, Juillet 2003). Traduction par Spartakus FreeMann.
Par Jay Michaelson
Je viens juste de débuter la pratique de la méditation & déjà j’ai remarqué quel effet profond elle peut avoir sur ma pratique religieuse. C’est comme obtenir la réponse clé à ses questions. « Ah, c’est donc de cela qu’il s’agissait lorsqu’ils disaient que Dieu est partout ! » L’attention projetée sur les objets vulgaires les transforme en miracles de la vie de tous les jours & un coeur ouvert fait de la foi une expérience cathartique & curative. Soudain, des phrases simples qui semblent n’être que des « clichés » — « Être ici maintenant » — sont emplies de vérités & d’invitations à aller plus loin. Elles cessent de sonner comme des publicités psychologiques (« Si vous être plus présents ô bourgeois affairés, alors vous serez un meilleur amant/businessman ») & résonnent alors comme un appel vers l’Unique.
À un certain degré, cette dimension spirituelle n’est pas surprenante, même pour ceux qui n’en ont jamais fait l’expérience elle peut sembler évidente. Les personnes qui méditent parlent souvent d’unions magnifiques avec l’Être, ou de dissolution dans le Divin. Mais je ne m’attendais pas à ce que la méditation affecte ma vie sensuelle. Je suppose que j’imaginais qu’elle serait une simple pratique « spirituelle », oubliant que toute méditation est réellement conjointe à ce qui se déroule ici et maintenant en tant qu’expérience intime. Nous mangeons & nous utilisons la salle de bain beaucoup plus souvent que nous ne prions, & Dieu est partout. Ainsi, peut-être cela aurait-il dû être évident. Mais il y a quatre leçons que j’ai apprises au sujet de la méditation & de la sensualité.
1- Pourquoi les personnes qui utilisent des drogues aiment la méditation.
Lorsque vous être pété, bourré, que vous trippez sous certaines drogues, certaines sensations sensuelles sont augmentées. Vous pouvez réellement voir et sentir la musique lorsque vous êtes sous ecstasy. Le goût de certaines nourritures sous la marijuana est « intense ». Tout le monde sait cela et c’est pourquoi nombreux sont ceux qui prennent de la drogue. Il y a, je le sais, des personnes qui fument un joint juste pour se détendre, & qui n’en retirent pas d’expérience visuelle, tactile ou sensuelle. Mais pour moi, et pour mes amis, les drogues ne sont pas une échappatoire à la réalité ; elles sont un prisme qui la magnifie. Des détails intimes sont découverts sur le fonctionnement de l’esprit, sur la fabrication des sentiments, de la musique. Les drogues peuvent donner au moindre chips un délice infini.
La méditation fonctionne à peu près de la même manière en intensifiant les expériences de tous les jours, non en poursuivant un frisson viscéral de plus en plus fort, mais en apaisant l’esprit suffisamment pour qu’il — selon les mots de Warren Zevon — « apprécie chaque sandwich ». Je voyais alors une contradiction entre vivre aussi pleinement que possible et la vie contemplative que j’associais à un retrait des expériences humaines. En retraite récemment, j’ai réalisé qu’il n’y a aucune contradiction & qu’en fait le chemin contemplatif est l’extension logique de la vie consciente. Il y a, réellement, deux choix possibles à une personne qui désire sucer la moelle de la vie : soit il continue à chercher les expériences extrêmes soit il rend chaque expérience extrême. Certains peuvent, semble-t-il, réaliser le second choix, mais je trouve cela fatigant. Comme avec les drogues, mais sans leurs effets secondaires négatifs, la méditation me permet de sucer la moelle de cette table, de ce soda, ou de cette respiration. En éliminant simplement le bruit & en arrêtant la pensée, les vraies couleurs de l’univers phénoménal me sont révélées en leur éclat sans cesse croissant. Ce n’est pas comme être pété tout le temps, car il n’y a pas de désorientation, de montée de l’esprit qui arrive lors d’une prise. Mais cela ressemble à l’état d’high en termes de goût, de toucher, d’odeur, de son & de vision, qui sont alors améliorés, inter changés kinesthétiquement & — en leur présence non-conceptuelle — sont une raison suffisante de vivre.
Un second point de similitude entre l’utilisation de la drogue & la méditation est que toutes deux mènent à des états de conscience qui diffèrent de la normalité.
Nombreux sont ceux qui craignent les états de conscience altérée. Je pense qu’ils ont peur de leur esprit non rationnel. Le consensus qui veut que les lois rationnelles de décence, de propriété, etc. gouvernent tous les aspects de notre vie signifie que l’on base toutes nos décisions sur nos capacités de jugement rationnel. Et ainsi, un état d’esprit différent fait peur. Et attention ici, je suis pour le jugement rationnel pour la plupart des décisions à prendre, mais ce jugement peut-il danser, mener à l’orgasme, tomber amoureux ? Non… Certains de nos moments les plus transcendants surviennent lorsque notre esprit rationnel est endormi & que quelque chose d’autre prend sa place. Relativement à certains aspects de la vie, être non rationnel est être essentiellement humain.
La méditation comme l’utilisation des drogues, mène à un état d’esprit dans lequel l’esprit rationnel ordinaire ne domine pas les expériences du moi. Bien sûr, il y a une différence critique entre les états induits par la drogue et la méditation : l’esprit rationnel n’est pas supprimé dans la méditation comme cela peut arriver avec l’utilisation de certaines drogues. C’est plutôt le flot incessant des idées, pensées, jugements, décisions qui s’arrête. Ou, si ce flot continue, il est perçu comme ce qu’il est plutôt que comme une production de ma pensée. La perception directe voila ce que c’est, plutôt que de le penser, c’est ce qui arrive.
Ainsi, les drogues et la méditation partagent deux phénomènes essentiels : une expérience sensuelle accrue du monde & une conscience a-ordinaire. Et, bien sûr, la méditation n’a aucune des potentialités néfastes ou addictives des drogues. Ses effets secondaires sont plutôt la compassion, une plus grande gentillesse & une colère moindre. Quel trip !
2- La méditation et le sexe.
Au moins une fois dans notre vie nous avons entendu parler du Kama Sutra, mais, en général, l’image que nous en avons est celle d’un médiateur plutôt désexualisé. Il se peut que nous ayons entendu parler de pratiques tantriques que nous associons à la prolongation de l’orgasme, mais cela reste vague…
Je n’ai aucune expérience du tantra, mais la méditation est certainement super pour ce qui est du sexe. Très vite, lors de mes méditations, j’ai découvert que cela améliorait ma concentration & mes orgasmes lors de relations sexuelles quelles qu’elles soient (en solitaire, en duo, etc.), et la méditation à altéré la manière dont je percevais le sexe selon une perspective éthique ou religieuse.
Comme beaucoup de personnes (je l’espère), je pense que mon plus grand problème quant à la performance sexuelle résidait dans la distraction. Même des idées les plus communes peuvent surgir lors d’une partie de jambes en l’air : les impôts, la vaisselle, les courses… Parfois, les pensées sont moins innocentes et peuvent impliquer d’autres personnes, mettant ainsi en péril le lien intime qui doit exister entre les deux partenaires. Dans tous les cas, ces pensées étrangères me retiraient de mon plaisir sensuel et de mon délice émotionnel.
Par la méditation, j’ai commencé à apprendre comment découvrir ces pensées et à les abandonner. Notez que cela ne marche habituellement pas de repousser les pensées : car cela reste une action de l’esprit. Dans la méditation, cela interfère avec l’Observation de la Conscience qui ne doit pas devenir un emprisonnement dans l’esprit, et durant la relation sexuelle, cela retire de l’esprit les pensées érotiques que nous laissons naître en nous, mais sur lesquelles nous avons des difficultés à rester concentrés dessus. « Merde, pourquoi ne puis-je me concentrer !? » n’est pas une pensée très aphrodisiaque, n’est-ce pas ? Ainsi, ces pensées doivent être simplement abandonnées et l’attention doit être guidée doucement vers ce qui se déroule ici et maintenant. Dans la méditation, il existe un certain nombre de directions vers lesquelles notre esprit est tourné : parfois c’est vers la respiration, parfois vers la conscience de ce qui se déroule autour de nous, etc. Dans le sexe, la concentration dirigée peut mener vers des expériences très intenses au niveau sexuel et vers une conscience accrue des besoins et désirs de notre partenaire. Ces pratiques nous ramènent vers ce qui est hot et vers ce qui est réel !
Dans ce que les mystiques juifs nomment « le petit esprit » (mochin d’katnut), dans l’esprit qui divise le monde en sujet et en objet et qui pense et désire sans cesse, j’ai eu des orgasmes où je ne remarquais qu’à peine ce qui se passait, trop affairé avec des zones de mon esprit dirigées sur des sujets autres que mon pénis. Et, d’autre part, j’ai eu des relations sexuelles avec des personnes dont je chérissais le plaisir de telle manière que j’en oubliais mon propre plaisir, concentré que j’étais dans ce que l’autre personne ressentait. Pourquoi s’emmerder avec de la baise comme celle-là ?
Mais, dans l’« esprit étendu » (mochin d’gadlut), lorsque ma concentration était fixée sur le plaisir sexuel que je ressentais (parfois dans une zone particulière de mon corps, et parfois de manière plus généralisée), je peux conserver mon esprit présent pendant les secondes d’extase de l’orgasme. Seulement quelques secondes — je ne puis qu’imaginer ce qu’expérimentent les méditants expérimentés, flottant dans un plaisir physique pendant dix ? Vingt ? Trente ? Secondes avant qu’une pensée extérieure naisse à nouveau. Et je ne puis qu’imaginer ce qu’expérimentent les trantrika au travers de leur concentration extrême, la période d’orgasme pouvant durant pendant des minutes entières.
Enfin, puisque la méditation nous enseigne à abandonner les identifications naturelles que nous avons tous par rapport à nos pensées (j’ai faim, je suis content, j’ai peur), cela réduit la conscience de soi. « Je ne suis pas cette sorte de personne qui crie/gémis/pleure pendant la baise » peut dire le petit esprit, identifié qu’il est avec une certaine personne ou personnalité. Ce petit esprit peut être repoussé & tout comme nous pouvons adorer avec un coeur ouvert, pleurant et riant et chantant par delà les larmes, ainsi est-il possible d’accéder à des zones de notre être sexuel que notre personnalité aurait autrement rejetées…
3- Méditation et Sexe.
Le second changement majeur dans ma vie sexuelle qui est survenu par la méditation est la modification de ma vision du sexe sous la perspective religieuse. Je suis homo au départ, et célibataire sexuellement actif dans la ville de New York. Cela est souvent perçu comme problématique par nombre de personnes juives, et même sous un angle spirituel ou moral/religieux non spécifique. Et j’ai intériorisé ces critiques. Être un homo c’est mal ; être sexuellement actif n’est pas saint ; la décence et la modestie sont d’importantes valeurs religieuses.
Si vous y regardez de plus près, ces jugements ne sont que des opérations de l’esprit rationnel. Une idée du bien et du mal, plutôt qu’une perception de ce que cela est ; un concept de la sainteté plutôt qu’une sensation de la sainteté ; une confusion des normes sociales avec des règles de comportements. Lorsque l’esprit rationnel est apaisé, une ouverture à ce qui est vraiment prend le dessus, et tout est alors perçu comme n’étant rien de moins que Dieu.
Maintenant, très souvent, l’ouverture mène à des sensations négatives, car elle nous expose à la signification profonde de l’ouverture : la cruauté, la souffrance, la réification, la maladie, la destruction du corps et de la terre, etc. La souffrance des humains du fait de la guerre devient de plus en plus dure à supporter. Autrefois, je pensais que les personnes spirituelles étaient hyper sensibles. Aujourd’hui, je vois que la pratique spirituelle authentique rend hyper sensible, du moins selon les critères de notre société.
Ainsi, l’ouverture n’est pas la douceur — qui rend doux l’amour sexuel dans une sainteté toute resplendissante. Lorsque le rationnel, décidant de fermer l’esprit, j’ai, comme la plupart des gens, une habilité à connaître l’expression de l’amour, de la vie, de l’énergie charnelle — ce Dieu — du plaisir donné & du lien émotionnel — tout cela étant saint. L’amour étend le coeur, nous rend plus gentils, nous mène vers l’expérience de nos corps naturels. Et cela n’est pas un dogme, c’est de l’expérience.
Bien sûr, il y a toujours un doute que notre petit esprit qu’il soit capable de juger ce qui est saint ou si je veux simplement nommer ce dont jouis comme tel. Cependant, une chose que j’ai remarqué à propos du doute : vous doutez toujours du bonheur, mais jamais de la peine. Ainsi, peut-être qu’une bonne utilisation du doute est de douter du doute : le doute est-il réellement une objection objective comme il le prétend ?
4- Pourquoi tout ceci est véritablement juif.
D’une certaine manière, le judaïsme est une voie tantrique. Par cela je veux dire qu’il existe un choix de vie contemplative entre vivre totalement dans le monde (et donc d’y voir Dieu en ce monde) ou de vivre dans un environnement moins complet qui permet la concentration & la contemplation de prendre place plus facilement. Ce dernier choix, l’ascétisme, n’est pas du masochisme, c’est un outil qui permet un processus mental — émotionnel et spirituel — ascétique.
Cependant, l’ascétisme n’est pas une voie habituelle du judaïsme. Il y a des exceptions – la plupart des auteurs de la Kabbale, des personnes comme Abraham Aboulafia ou les piétistes allemands, etc., par exemple. Généralement, cependant, la voie juive est sanctification des mondes sensuels et matériels. La nourriture, le sexe, les affaires — tout ce en quoi nous sommes engagés — est sanctifié. Dans une perspective contemporaine, les restrictions juives dans ces domaines de la vie peuvent sembler très restrictives. Cependant, elles peuvent être perçues comme une progression vers la sainteté dans tous les aspects de la vie humaine. Les lois de la Kashrut qui gouvernent la nourriture, la manière de manger correctement sont perçues comme saintes. Toutes les lois qui gouvernent le sexe et le sexe également sont perçues comme saintes. La loi juive est basée sur un modèle commun de responsabilité et assume que les personnes sont engagées dans ce monde. La voie de la renonciation, bien que pratiquée par de nombreux mystiques juifs, n’en constitue pas le courant principal.
Dans ce contexte, jouir de toutes sortes de plaisirs sensuels par la méditation dont j’ai discuté ici est en ligne avec la sensualité juive. Évidemment, cette voie n’est une interprétation ni orthodoxe ni traditionnelle de la sensualité. Une critique orthodoxe serait qu’il est interdit d’explorer la sensualité en dehors des limites de la halakha.
Il est également possible de vivre une pratique tantrique dans des expériences sensuelles ou charnelles autres — l’exercice physique par exemple. Cependant, en adoptant une vision plus large et en comparant la voie tantrique aux pratiques de contemplation ascétiques d’un côté et les formes de la négation de la sensualité de la chrétienté paulinienne d’un autre côté, je pense que l’application de l’attention spirituelle dans la vie physique est très juive en vérité. Nous prenons nos consciences et pratiques religieuses et nous les joignons au monde sensuel dans lequel nous vivons. Cela, à un niveau fondamental, est l’unité des shamayim (des cieux) & d’aretz (la terre) dont il est question dans le judaïsme.
Bien sûr, la méditation n’est pas la seule ou même la principale voie sensuelle. Elle n’est pas non plus limitée à l’esprit individuel. Elle augmente les aspects communs de l’existence dans le monde que le judaïsme essaye de maximiser. Elle nourrit la compassion, la gentillesse. Elle rend la colère et l’injustice sociale insupportable.
Et, elle accroît l’amour. Lorsque j’entre dans une relation, mon esprit et mon coeur commencent à s’emballer. Plus je tombe amoureux, et plus l’anxiété grandit : il ne m’aime pas autant que je l’aime, que puis-je faire pour le garder, comment les choses vont-elles évoluer, qu’est-ce que cela signifie, qu’est-ce que je veux signifier… Lorsque je calme l’esprit, j’apprends à ne pas laisser grandir la peur. Dieu n’est pas dans le futur, lorsque mon partenaire se conformera ou non à mes rêves ou à mes attentes. Dieu est Ici et Maintenant, se manifestant de cette manière, conditionné par une chaîne infinie de causes qui remontent à la Yehi Or. Les faux dieux idolâtres de mes désirs sont repoussés et l’Unique qui est Qui Il est (ehyeh asher ehyeh) emplit mon âme divine, mon âme animale et les liens qui m’unissent à mon partenaire, qui nous unissent.