Magie du Chaos

Chaos Prêt à Cuire [1]

123889899 Gnosticism Its History And Influence - Chaos Prêt à Cuire [1]

Par Phil Hine

Ce livre est dédié aux Dents de l’Hydre — où qu’elles tombent et quoi qu’il en surgisse.

Nous tenons à remercier : Charlie Brewster, Dave Lee, Hannibal The Cannibal, Ian Read, Kelly Standish, MC Medusa, Prince Prance, et Frater Remarkable.

Art et graphismes renversants : Nathaniel Harris.

Ce livre fut initialement publié par Chaos International, en 1992 — tirage limité à 300 exemplaires, sous le titre Condensed Chaos. Cette version on-line a un titre différent pour éviter une confusion avec l’ouvrage Condensed Chaos publié chez New Falcon Publications en 1995.

Rien n’est Vrai,

Tout est Permis.

Oven02 - Chaos Prêt à Cuire [1]

QU’EST-CE QUE LA MAGIE ?

Qu’est-ce que la Magie ? Plusieurs définitions me traversent l’esprit, mais aucune susceptible de la montrer sous son meilleur jour. Le monde est magique : nous pouvons en prendre conscience en contemplant le paysage qui s’étend devant nous après avoir escaladé une montagne, ou dans cette sereine satisfaction concluant une journée où tout s’est déroulé à merveille. La Magie est une porte qui nous conduit vers l’inconnu, l’extravagance, et l’immanence.

Nous vivons dans un monde régi par de vastes systèmes englobants de contrôle social et personnel, qui nous gavent continuellement de cette idée que nous sommes seuls, faibles, et incapables de produire des changements dans l’univers qui nous entoure. La Magie porte sur ces possibilités de transformation. Elle nous propose de moduler les contingences extérieures de façon à mener notre vie avec une conscience toujours plus aiguë de notre responsabilité personnelle, sachant que chacun peut effectuer des changements s’il le désire, conscient de n’être pas un simple rouage impuissant dans un univers mécanique.

Tous les actes de libération personnelle ou collective sont des actes magiques. La Magie nous conduit à la joie de vivre et à l’extase, à appréhender les nuances de la psychologie et à comprendre les choses en profondeur ; elle nous conduit à nous changer nous-mêmes ainsi que le monde dont nous participons. Par la magie, nous pouvons explorer l’éventail des possibles de la liberté.

Et sans doute, cela est-il simple ?… En fait, non. Car la magic est devenue la proie d’un jargon compliqué — des termes techniques ou voulus tels, hermétiques aux non-initiés — de ceux qui pensent ainsi légitimer leur entreprise, en faire quelque chose de suffisant et de pompeux.

Des espaces spirituels abstraits ont été créés, au centre desquels se dressent des Babel-Lego — les « plans secrets », les hiérarchies spirituelles et les « vérités occultes » —, qui nous font oublier que le monde qui nous entoure est par essence magique.

Le vrai mystère a été déplacé. Nous recherchons la « connaissance secrète » dans des tombes et des langues oubliées, ignorant le mystère de la vie qui nous environne.

Vous allez donc devoir oublier tout ce que vous avez lu au sujet de l’illumination spirituelle, toutes ces recettes pour devenir un Mage du 99e degré et impressionner vos amis par votre charabia de grand-prêtre. La Magic est en réalité étonnamment simple. Mais qu’est-elle en mesure d’offrir ?

1. Un moyen de se dépêtrer des attitudes et restrictions dans lesquelles vous avez été élevés et qui définissent les limites de ce que vous pourriez devenir.

2. Des outils pour analyser votre vie, afin de comprendre et modifier les comportements, schémas intellectuels et émotionnels, qui vous empêchent de croître et d’apprendre.

3. Des moyens pour accroître votre confiance en vous et votre charisme personnel.

4. Une façon d’élargir votre appréhension de ce qui est possible, à condition d’y mettre votre cœur et votre âme.

5. Un moyen de développer vos capacités personnelles, vos dons et vos perceptions : plus notre vue est étendue sur le monde et plus nous percevons à quel point il est vivant.

6. S’amuser. La Magie devrait être amusante.

7. Provoquer des changements en accord avec votre volonté.

La Magie peut faire tout cela, et plus encore. C’est une approche qui s’intéresse aux principes les plus fondamentaux de l’existence : de quoi ai-je besoin pour survivre ? Comment est-ce que je désire vivre ? Qu’est-ce que je veux être ? Elle fournit ensuite un assortiment d’armes conceptuelles et techniques permettant de parvenir à ses objectifs.

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La Discordia

La Chaos Magic est l’une des nombreuses façons de « faire de la magie » et ce livre est une introduction concise à cette approche.

QU’EST-CE QUE LA CHAOS MAGIC ?

Qu’est-ce que la Magie du Chaos ? Bonne question. Depuis son apparition sur la scène magique à la fin des années 70, elle a engendré beaucoup de débats sur ce qu’elle est, ce qu’elle n’est pas, et qui la pratique « correctement » — ce genre d’ouroboriques arguments qu’affectionnent, semble-t-il, les occultistes.

À ce stade, il serait tentant d’ouvrir un long exposé sur l’histoire de la magie et comment finit par en émerger la Chaos Magic, mais je préfère m’en tenir à une grande généralité : avant que la Chaos ne déboule en hurlant et en lançant des ruades, l’approche prédominante — qui l’est toujours, dans une large mesure — était de type « systémique ».

Qu’est-ce donc qu’un système magique ? Les systèmes magiques associent des exercices pratiques, visant à réaliser des changements dans la réalité en accord avec la volonté du mage, avec des croyances, des règles de comportements, un ou des modèles abstraits de l’univers, une éthique, une morale, et quelques autres choses…

Pour ne citer que quelques exemples : la Kabbale, les différentes chapelles wiccanes, le système de la Golden Dawn, avec ses grades, ses costumes, ses devises, etc., ainsi que le marché du chamanisme occidental en pleine expansion de nos jours.

À la façon dont fonctionnent la plupart des systèmes magiques, avant de pouvoir commencer à agiter votre baguette ou rebondir sur la tête jusqu’à atteindre l’illumination, vous devrez consacrer beaucoup de temps à étudier les croyances associées au système pour ne pas commettre d’impair sur ce qui se fait ou pas, apprendre par cœur ses listes de symboles et de correspondances, intégrer comment il convient de parler à votre camarade-mage, et, dans certains cas extrêmes, comment il faut vous vêtir, marcher, ou mâcher du chewing-gum. Comment cela ? Hé bien, la magie, comme la plupart des grands messages religieux, est fondamentalement simple à la base, mais se trouve être la proie d’un processus faisant que des idées simples se transforment en croyances complexes, susceptibles de vous écarter de plus en plus de toute pratique magique.

Remontons dans le temps, jusqu’à « quelque part à l’ère paléolithique », pour y découvrir un chaman tribal, assis sur un rocher, contemplant bouche bée les visions que lui octroie un bout détrempé de champignon vénéneux. Quelques millénaires passent et l’on se retrouve avec un « système magique » comportant des centaines de milliers de sophistications, diagrammes abscons et appendices qui vous affirmeront probablement, à un moment ou à un autre, que les drogues sont déconseillées.

La naissance de la Chaos Magic a eu lieu vers la fin des années 70, au moment où le punk crachait à la gueule de l’industrie du disque, et que la Science du Chaos commençait à être prise au sérieux par les mathématiciens, les économistes et les physiciens.

Les deux noms les plus souvent associés à cette naissance sont Peter J. Carroll et Ray Sherwin, bien que d’autres y aient contribué comme les Stoke Newington Sorcerers (SNS), qui s’associèrent ultérieurement aux premières agitations du mouvement punk.

Certains des premiers écrits de Peter Carroll sur la Chaos furent publiés dans The New Equinox, une revue éditée par Ray Sherwin, et dont les éditos proclamaient l’avènement des Illuminés de Thanateros (IOT, pour Illuminates of Thanateros), un ordre magique à venir.

Détail intéressant, il n’est fait aucune mention du mot « chaos » dans les premières versions des écrits de l’IOT.

Par la suite, Morton Press, dirigé par Ray Sherwin, publia le Liber Null de Pete Carroll, ainsi que The Book of Results de Sherwin, lequel présentait une méthode très simple de sigillisation — cette technique développée par Austin Osman Spare et destinée à devenir l’une des techniques de base de la Chaos Magic.

Les débuts de la Chaos Magic se caractérisèrent par un réseau informel de groupes se réunissant en vue d’expérimenter les possibilités du nouveau courant. Lorsque The New Equinox cessa de paraître, les « enfants du Chaos » publièrent les résultats de leurs expériences et autres hérésies dans The Lamp of Thoth, le magazine de Chris Bray.

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Les premiers ouvrages parus sur le sujet furent accompagnés de deux cassettes : « The Chaos Concepts », traitant des fondements de la Chaos Magic, et « The Chaochamber », combinant des éléments provenant de Star Trek, de Michael Moorcock et d’H.G. Wells.

Les éditions Sorcerer’s Apprentice de Chris Bray rééditèrent le Liber Null, The Book of Results, et sortirent deux nouveaux livres : Psychonaut de Pete Carroll et Theatre of Magic de Ray Sherwin.

Ces derniers ouvrages, ajoutés au matériel Chaote de plus en plus abondant dans la LOT (Lamp of Thoth), incitèrent de nombreuses personnes à expérimenter cette nouvelle approche.

Grâce aux efforts de Ralph Tegtmeier, la Chaos Magic devait également retenir l’attention des praticiens en Europe continentale.

Le message de base de la Chaos Magic est qu’en magie – comme dans la sexualité —, aucune théorie ou intellectualisation ne peut venir remplacer l’expérience.

Ainsi, si le Liber Null de Pete Carroll présente, dans les grandes lignes, les principes magiques pouvant être utilisés pour obtenir des changements dans le réel et donc sacrifie à la théorie, l’ouvrage se concentre surtout sur les techniques, affirmant que les véritables méthodes de la magie sont fondamentalement partagées par les différents systèmes, même si les symboles, les croyances et les dogmes divergent. Le système symbolique que vous emploierez est une question de choix, et les croyances l’habillant sont des moyens plutôt qu’une fin (nous en reparlerons).

Une influence importante pour l’évolution de la Chaos Magic fut l’œuvre de Robert Anton Wilson & Cie, tout particulièrement la Société Discordienne vénérant Eris, la déesse grecque du Chaos.

Les Discordiens firent observer que l’humour, l’ironie et l’allégresse en général étaient manifestement absents de la magie, laquelle avait tendance à devenir très « sérieuse et suffisante », suivant notamment cette propension des occultistes à se considérer comme une « élite » d’initiés séparée du reste de l’humanité. Contrairement à la plupart des systèmes magiques basés sur un passé mythique ou historique (l’Atlantide, la Lémurie, Albion, etc.), la Chaos Magic se sert librement dans la science-fiction, la physique quantique, et tout ce qui peut séduire ses pratiquants.

Plutôt que d’essayer de redécouvrir et maintenir une tradition liée au passé — et aux anciennes gloires, la Chaos Magic est une approche autorisant l’individu à employer tout ce qu’il estime adapté comme système symbolique ou croyance temporaire. Ce qui importe, ce sont les résultats que vous obtenez, pas « l’authenticité » du système utilisé.

La Chaos Magic n’est donc pas elle-même un système ; elle emploie les systèmes et encourage ses partisans à créer le leur, donnant ainsi à la magie une véritable saveur postmoderne.

Inutile de le souligner, la Chaos Magic commença à acquérir une sinistre réputation, due à trois facteurs : premièrement, son approche « sers-toi et mélange, do-it-yourself » très mal perçue par les écoles traditionnelles ; ensuite, beaucoup de gens associèrent le chaos à l’anarchie ou à d’autres images négatives ; enfin, le fait que certaines publications de la Chaos Magic furent stigmatisées comme « maléfiques, blasphématoires et dangereuses », ce qui n’était pourtant pas le cas, mais démontre la fascination qu’elle exerçait sur ceux capables de faire un tel tapage.

Le milieu des années 80 vit l’apparition d’une seconde vague du courant Chaote. En 1985, fut publié The Cardinal Rites of Chaos signé sous le pseudonyme Paula Pagani ; l’ouvrage ébauchait un ensemble de rituels saisonniers tels que pratiqués par le « Cercle du Chaos », basé dans le Yorkshire.

Hélas, à cette époque, la coopération entre adeptes du Chaos avait laissé la place à des querelles légales, des attaques littéraires et même à des guerres magiques. Pour certains, Chaos Magic devint synonyme d’« envoyez le pognon », tandis que d’autres se découvraient une vocation de porte-parole.

Fidèle à sa nature, le mouvement éclata et se mit à évoluer de diverses manières. Trois magazines distincts virent le jour et poursuivirent le débat : Chaos International, Nox, et Chaos animé par Joel Birroco.

Chaos International fut élaboré sur le concept de réseau, avec notamment comme principe, celui de changer de rédaction à chaque numéro. C’était a priori une bonne idée, mais elle suscita des problèmes pratiques liés aux changements d’adresse ; la commande d’anciens numéros était délicate, et la démarche impliquait que chaque numéro soit pratiquement indépendant.

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Chaos International survécut à cinq changements de rédaction, après quoi il passa aux mains de Ian Read, qui s’en occupe toujours depuis lors. Chaos International a aujourd’hui mûri pur devenir l’un des meilleurs magazines qui soient dans le domaine des idées magiques novatrices.

Le magazine Nox, né dans les régions sauvages du Sud du Yorkshire, mixa Chaos Magic, matériel relatif à la Voie de la Main Gauche, et expérimentations thélémites ; le cocktail aboutit à créer l’un des meilleurs magazines de magie expérimentale mêlant une grande variété de sources. Depuis sa naissance, Nox a évolué du fanzine format A5 au livre de poche.

Chaos, de Joel Birroco, introduisit une perspective situationniste dans le débat Chaotique, prédisant que la fascination pour le Chaosisme et ses expériences déboucherait sur la vente d’accessoires de mode ; il entreprit d’identifier divers « leaders » magiques Chaotes afin de les démolir ensuite avec l’enthousiasme d’une horde de cyniques grecs.

Le débat concernant l’évolution du Courant Chaote fit rage dans ces magazines ainsi que dans la sus-mentionnée Lamp of Thoth. Les arguments avancés dans une revue étaient repris dans une autre, des fronts se constituaient, des alliances — bien que rallier les positions iconoclastes de Birroco se révélât à chaque fois une erreur tactique, puisqu’il flattait systématiquement les ego de ses « alliés » pour mieux les démonter par la suite.

En 1986, S.A. Press publia Grimoire of Chaos Magic de Julian Wilde, le premier ouvrage consacré à la Chaos Magic en dehors des cercles de Sherwin et de Carroll.

Mr Wilde n’expliqua jamais ses idées, et l’on n’entendit plus jamais parler de lui. Le livre s’écartait radicalement de toutes les autres approches chaotes, particulièrement en affirmant que la Chaos Magic était elle-même un « système ». Le livre fut suivi d’une cassette intitulée « The Chaosphere », puis d’un autre livre, The Apogeton d’Alawn Tickhill, présenté comme un « Traité du Chaos » bien que l’ouvrage lui-même traite fort peu de Chaos Magic.

Aucune de ces publications ne fut reçue favorablement par les autres factions et cette « troisième vague » dans l’évolution de la Chaos déboucha sur des voix s’élevant avec colères, des concours d’insultes par voie de presse et des querelles tout aussi vives en coulisse.

Fin 1987, l’un des plus atypiques groupes Chaotes qui soient, le Lincoln Order of Neuromancers (L.O.O.N.) annonça la « mort » de la Chaos Magic, déclarant dans son bulletin gratuit, Apikorsus : « La Chaos Magic est déjà morte, et la seule question qui demeure est quel vautour emportera les os les plus gros. » Déclaration qui fut reprise par Stephen Sennitt, rédacteur en chef du magazine Nox.

Rétrospectivement, ce fut moins la « mort » de la Chaos Magic qu’une grande lassitude des querelles faisant rage un peu partout depuis des années et dans lesquelles la critique constructive avait cédé la place aux échanges d’insultes stériles.

Peut-être que certains Magiciens se reprirent et se demandèrent ce que signifiaient toutes ces histoires. À cette époque, Carroll avait commencé à reformer l’IOT sous le nom de The Pact, créant des temples au Royaume-Uni, aux USA et en Europe.

L’IOT est considéré comme l’Ordre destiné aux Magiciens du Chaos « sérieux », tout comme l’OTO est là pour les Thélémites « sérieux ».

Au moment où j’écris ces lignes, l’IOT/Pacte possède des temples actifs au Royaume-Uni, en Europe et en Amérique, et, malgré la structure hiérarchique présentée dans le dernier ouvrage de Pete Carroll, Liber Kaos/The Psychonomnicon, il semblerait qu’il y ait de la place pour de nouvelles excroissances et expérimentations au sein de cette structure assez lâche. Ayant examiné l’évolution de la Chaos Magic, nous allons maintenant en considérer les principes en détail.

Chaos Prêt à Cuire 1. Titre original « Oven Ready Chaos ». Traduction française par Melmothia, 2009.

About

Nouvelle version de KAosphOruS, le WebZine Chaote francophone. Ce projet est né en 2002 suite à une discussion avec un ami, Prospéro, qui fut à la source d’Hermésia, la Tortuga de l’Occulte. Le webzine alors n’était pas exclusivement dédié à la Magie du Chaos, mais après la disparition de son fondateur, il a évolué vers la version que vous pouvez aujourd’hui lire. L’importance de la Chaos Magic(k) ou Magie du Chaos grandit au sein de la scène magique francophone. Nous espérons apporter notre clou au cercueil… Melmothia & Spartakus FreeMann

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