Par Phil Hine
LES PRINCIPES DE LA CHAOS MAGIC
Alors que la plupart des systèmes magiques se basent sur un modèle spirituel et matériel de l’univers, par exemple l’Arbre de Vie – système qu’on pourrait éventuellement décrire comme un « agenda cosmique », la Chaos Magic repose sur un petit nombre de principes généraux qui sous-tendent sa conception de la magie ; il ne s’agit cependant pas d’axiomes universels, alors sentez-vous libre de les troquer contre d’autres.
1. Eviter le Dogmatisme.
Les Magiciens de la Chaos s’appliquent à éviter le dogmatisme – à moins que le dogmatisme ne fasse partie du système de croyances temporaire qu’ils ont choisi d’adopter. Les Discordiens emploient « Catmas ! » pour signifier « Nous, Discordiens, devons demeurer à l’écart ! » Les Magiciens de la Chaos s’estiment autorisés à changer d’opinion, à se contredire et à développer des arguments alternativement plausibles et invraisemblables. En règle générale, nous investissions beaucoup de temps et d’énergie pour être dans le vrai. Est-ce si grave que d’être occasionnellement dans l’erreur ?
2. L’Expérience Personnelle est primordiale.
En d’autres termes, ne me croyez pas sur parole lorsque j’affirme que ceci ou cela est capital, vérifiez-le par vous-même. La Magie a beaucoup souffert des « théoriciens en chambre » qui ont reconduit des mythes et des connaissances surannés, simplement par paresse. Il peut être intéressant de leur soumettre quelques questions gênantes, pour voir ce que répondront les experts autoproclamés. Certains se perdront dans une diarrhée verbale plutôt que d’admettre leur ignorance, cependant qu’un véritable adepte dirait probablement : « Je n’en ai pas la moindre foutue idée. » Les Magiciens de la Chaos firent assez tôt cette renversante découverte : une fois évacuées les différentes strates du dogme, les prises de position subjectives, anecdotes et croyances personnelles enrobant toute technique de magie pratique, celle-ci peut être exposée de manière tout à fait simple.
3. L’Excellence Technique.
L’un des plus vieux malentendus au sujet de la Chaos Magic est qu’elle donnerait carte blanche à ses pratiquants pour faire tout ce qu’ils désirent, au point qu’ils en deviendraient peu rigoureux – ou pire : brouillons. C’est faux. L’approche Chaote a toujours préconisé une rigoureuse évaluation de soi-même, de sévères auto-analyses, et fait porter l’accent sur la persévérance jusqu’à obtention du résultat désiré. Apprendre à « faire » de la magie implique le développement de talents et de compétences et, si vous décidez de vous impliquer dans cet univers étrange, pourquoi ne pas le faire du mieux que le vous pouvez ?
4. Le Déconditionnement.
Le paradigme de la Chaos préconise que l’une des premières tâches du magicien en herbe doit être de se déconditionner des croyances, attitudes et fictions relatives à soi-même, la société et le monde. Notre ego est une fiction au bénéfice d’une réalité stable, qui se maintient en perpétuant la distinction entre « ce que je suis » et « ce que je ne suis pas », « ce que j’aime » et « ce que je n’aime pas » ; catégorisations auxquelles s’ajoutent des adhésions politiques, religieuses, une préférence sexuelle, une certaine dose de libre arbitre, son appartenance raciale, des phénomènes culturels secondaires, etc. Toutes ces distinctions servent à maintenir une conscience stable de soi-même, tandis que les multiples petits procédés utilisés pour lutter contre un trop-plein de cette même stabilité nous permettent de nous appréhender comme si nous étions des individus uniques. En effectuant des exercices de déconditionnement, nous pouvons élargir les brèches dans notre réalité consensuelle, lesquelles nous permettrons de nous détacher de nos croyances et de nos fictions égotiques, et nous serons alors aptes à les abandonner ou à les modifier lorsque c’est nécessaire.
5. Des Approches Différentes.
Comme nous l’avons dit plus haut, les approches « traditionnelles » de la magie impliquent de choisir un système donné et de s’y tenir. La Chaos – ne ferait-elle que cela, encourage a contrario une approche éclectique de l’évolution personnelle, et les Magiciens du Chaos sont libres de choisir tout système magique disponible, ou encore d’évoluer dans des univers issus de la littérature, de la télévision, des religions, des sectes, de la parapsychologie, etc. Cette approche signifie que si vous rencontrez deux Magiciens du Chaos et leur demandez ce qu’ils font à tel ou tel moment, il est peu probable que vous découvriez une quelconque unanimité dans la démarche. Cet état de fait rend la Chaos Magic difficile à épingler comme étant ceci ou cela, ce qui, une nouvelle fois, tend à perturber ceux qui ont besoin d’approches claires et soigneusement étiquetées.
6. Gnose.
L’une des clés de la puissance magique réside dans la capacité d’accéder à volonté à des états modifiés de conscience. Nous tendons à imaginer une frontière stricte entre la conscience dite « ordinaire » et ces « états modifiés », alors que nous évoluons en fait entre différents états de conscience – des rêves éveillés, aux fonctionnements en « pilotage automatique » (ceux où nous agissons sans réfléchir), en passant par divers niveau d’attention. Néanmoins, dans le domaine de la magie, l’entrée intentionnelle dans des états modifiés de conscience intenses peut être divisée en deux pôles de « Gnose Physiologique » : les Etats Inhibiteurs et les Etats Excitatifs. Les premiers incluent des techniques « physiquement passives » comme la méditation, le yoga, la vision dans le cristal, la contemplation et la privation sensorielle, les seconds incluent le chant, les percussions, la danse, l’excitation émotionnelle et sexuelle.
INFINIE DIVERSITE, COMBINAISONS INFINIES
Comme je l’ai dit plus haut, l’une des caractéristiques de la Chaos Magic est la diversité des systèmes magiques où peuvent puiser ses pratiquants, plutôt que s’en tenir à un seul bien précis. Il existe, bien entendu bien sûr, de nombreuses approches possibles pour cette utilisation des systèmes dans la Chaos ; nous allons en examiner quelques-unes.
DO IT YOURSELF
En d’autres termes, créez votre propre système, ainsi que le fit Austin Osman Spare. Créer ses propres systèmes magiques, efficaces sur le plan opérationnel, est une bonne démarche ; amener ensuite quelqu’un d’autre à les employer ne dépend que de vous. D’autre part, les nouveaux systèmes de magie sont parfois de bonnes affaires sur le plan commercial. Un livre consacré à un système = quelques bonnes idées ; vous pourrez ensuite rédiger une suite pour développer les idées d’origine, et puis vous poursuivrez en créant un jeu de tarot, en réalisant des vidéos, des cassettes, des jeux de Lego, etc. Œuvrer à bâtir son propre système, la plupart du temps original, est mieux – du point de vue du Chaos, que de répéter les rituels des autres et perpétuellement suivre des idées qui ne sont pas les vôtres. Faire quelque chose de novateur – tout particulièrement si vous ne connaissez personne l’ayant jamais tenté, est excellent pour ce qui relève de votre confiance en vous-même. Je me souviens, il y a des années, avoir fait un rituel et avoir pensé : « Tiens, je me suis trompé dans tous les pentagrammes, je ne m’en étais pas aperçu » et rien de négatif n’est advenu – du moins jusqu’à présent !
METASYSTEMES
De nos jours, les gens développent une certaine tendance à tester ou créer des méta-systèmes – c’est-à-dire des systèmes pouvant inclure tout et n’importe quoi, et qui bénéficieront si nécessaire d’une théorisation. On a vu des tentatives visant à connecter runes et tarot, à faire correspondre à peu près n’importe quoi à l’Arbre de Vie, à élaborer quantités de théorisations – pour tout foutre ensuite à la poubelle, le cas échéant. Rien de mal à cela, il s’agit là une fois de plus d’exercices très utiles & qui peuvent être amusants, tout spécialement si vous sortez une explication pour quelque chose basé sur des faits inventés ou douteux, et qu’un tas de gens vous disent que « c’est vraiment « éblouissant ! » – il y a quelques années, un auteur publia une version du Nécronomicon de Lovecraft qui sonnait juste, mais n’était qu’un apocryphe. Il reçut énormément de courriers de personnes ayant effectué les rituels et désirant parler de leurs résultats). Ceci a une grande importance dans la « croyance » appréhendée comme outil magique ; je reviendrai sur ce point.
Pour ma part, j’aime employer de nombreux systèmes différents, que j’utilise de la manière que j’estime adéquate. J’ai tendance à osciller entre le « do it yourself » la Kabbale, le Tantra, les mythes de Cthulhu, le chamanisme, et tout ce que je peux trouver approprié à un moment donné. Cela peut valoir le coup d’explorer un système en profondeur pour y devenir plus ou moins compétent – et donc y être à l’aise, mais les magiciens ont tendance à considérer qu’en étant devenu habile dans un système, il est alors plus aisé d’en maîtriser un autre. Si vous êtes par exemple suffisamment bon en Enochien, vous ne devriez pas avoir trop de difficultés avec les Runes.
LA SCIENCE DU CHAOS
Certains Magiciens du Chaos ont tendance à employer dans leurs travaux des analogies et des métaphores d’ordre scientifique. C’est très bien – après tout, la science vend des poudres à laver et des automobiles, car si l’on peut démontrer qu’une chose possède une assise « scientifique », plein de gens s’y intéresseront, tout spécialement les mordus d’informatique, les étudiants en physique, etc., ce qui aidera beaucoup à consolider la croyance en question. Pas besoin d’aller jusqu’à la « pure science », la « pseudo science » marche aussi bien, ainsi qu’on l’a vu avec tous ces ouvrages New Age prétendant que les cristaux stockent de l’énergie « à la manière d’une puce informatique ». Je n’essaie pas de me montrer pointilleux (bon, juste un peu), et tant mieux, car c’est le facteur croyance qui est important et vous pouvez par conséquent employer l’astrologie, l’alchimie, la Théosophie ou toute chose susceptible de frapper votre imagination, aussi longtemps que vous (ou une tierce personne) le trouvez utile & cohérent. Ce n’est pas parce que vous êtes « scientifique » que vous devez, du coup, être sérieux.
LA SOTTISE DU CHAOS
Ce sont les Discordiens qui soulignèrent que, dans la longue liste de dualismes qu’aiment employer les occultistes, les opposés sérieux/humour avaient été mis de côté. L’humour est important dans la magie. Comme l’a dit une fois Janet Cliff, nous sommes trop importants pour nous prendre au sérieux. Certains membres du Pacte/IOT, par exemple, emploient le Rire en guise de bannissement. Et c’est sûr qu’il n’y a rien de mieux que le rire pour dégonfler les baudruches occultes, pompeuses et suffisantes, que nous gonflons de temps à autre. Voici une information importante : les rituels peuvent être ridicules et fonctionner aussi bien que ceux requérant une attitude sérieuse. La Magie est amusante – sinon, pourquoi en ferions-nous ?
LES MODELES MAGIQUES
La manière dont la magie est conceptualisée se modifie de la même façon que les paradigmes généraux changent dans les sociétés. Il n’y a pas si longtemps, et c’est historiquement important, les pratiquants de la magie souscrivaient au modèle « Spirituel », lequel affirme dans ses prémisses que les Autres Mondes sont réels, habités par divers panthéons d’êtres dissimulés – élémentaux, démons, anges, déesses, dieux, etc. La tâche du magicien ou du chaman consistait à élaborer un plan, ou à hériter d’un plan, de l’Autre Monde – afin d’apprendre à en connaître les raccourcis, et de se faire là-bas de nouveaux amis, d’y rencontrer ses habitants. Y étant parvenu, ils devaient interagir avec ces esprits d’une manière définie, afin que ceux-ci exécutent leur volonté. Ainsi les prêtres prient, les chamans se gavent de champignons pour rencontrer leurs ancêtres, cependant que les démonologues menacent les entités afin de les soumettre, en leur hurlant des passages de l’Ancien Testament.
Au dix-huitième siècle, avec l’émergence de la Science, l’idée de « Magnétisme Animal » surgit en Occident ; ce fut la première manifestation du modèle « Energétique » de la Magie. Ce modèle met l’accent sur la présence « d’énergies subtiles » pouvant être manipulées grâce à un certain nombre de techniques. Puis il y eut Bulwer Lytton et son idée d’énergie « Vril », Eliphas Lévi et la « Lumière Astrale », les médiums et les ectoplasmes, les versions occidentales et populaires du Prana, des Chakras, de la Kundalini, enfin, l’« Orgone » de Wilhelm Reich. La relève fut assurée par la vulgarisation de la psychologie, principalement due aux lubies psychanalytiques de Freud, Jung et cie. Durant cette phase, les Autres Mondes devinrent les mondes intérieurs, les démons furent relogés dans l’Inconscient, et les Maîtres Secrets devinrent des manifestations du « Moi Supérieur ». Ultérieurement, pour certains adeptes de ce modèle, les cartes du Tarot, de système magique et divinatoire, se firent outils de transformation personnelle, de même que les dieux et déesses ne furent plus perçus comme des entités réelles mais comme des symboles et des archétypes.
Le paradigme actuellement en cours d’émergence et promis à un bel avenir, est le Modèle « cybernétique » inhérent à notre culture basée sur l’information. Ce modèle maintient qu’en dépit des apparences, l’Univers est de nature stochastique. La Magie y consiste en un ensemble de techniques visant à créer un orage neurologique dans le cerveau, lequel engendrera de microscopiques fluctuations dans l’Univers, susceptibles de créer par la suite des changements macroscopiques – en accord avec la volonté du magicien. Cf la Science du Chaos, l’effet Papillon, et tout le reste. Une autre occurrence du Modèle Cybernétique qui commence à être connue, est l’assertion New Age selon laquelle les cristaux fonctionneraient « exactement » comme des puces informatiques. Ce sont là des signes que le Modèle Cybernétique rejoint le Modèle Spirituel et, dans Chaos Servitors : A User Guide, vous trouverez un argumentaire assez cohérent en faveur de l’idée que des champs d’informations localisés pourraient, avec le temps, devenir auto organisés au point que nous pourrions les percevoir comme des entités autonomes – des esprits.
Chaque modèle possède son propre pouvoir de séduction, ses partisans et ses détracteurs. De nombreux traités occultes mêlent, d’une façon assez heureuse, des éléments provenant des Modèles Spirituels, Energétiques et Psychologiques. Il faut également souligner que si vous vous retrouvez dans une position où il vous faut « expliquer » tous ces trucs étranges à un sceptique ou un non pratiquant, il sera sans doute plus productif de parier sur le modèle psychologique. De nos jours, les gens qui adhèrent au modèle spirituel, s’ils ne sont pas eux-mêmes de confession païenne ou occultiste, tendent à penser qu’ils possèdent un droit exclusif sur l’utilisation des esprits ! Un mordu d’informatique ou un fou de physique quantique, s’orientera évidemment plutôt vers le paradigme « cyberpunk ». Quant aux scientifiques, ils ont tendance à n’accepter quelque chose qu’à condition qu’un « raisonnement » scientifique en constitue le rouage. Un bon exemple est l’acupuncture, récemment encore expliquée par le modèle Energétique et ridiculisée par les institutions scientifiques, jusqu’à ce qu’un quidam évoque l’hypothèse de la stimulation endorphinique.
Bien que certains magiciens aient tendance à être fidèles à un modèle donné, il est utile d’en changer lorsque la situation l’exige, certains modèles ayant un pouvoir « explicatif » plus efficace que d’autres selon l’aspect de la magie considéré. Le Modèle Spirituel, le plus ancien, peut rendre compte de n’importe quel aspect de la magie. Le Modèle Psychologique, bien qu’utile lorsque l’on considère la magie en tant que processus de développement personnel, rencontre des difficultés avec certains aspects ; prenons l’exemple d’un chamane tribal maudissant des occidentaux qui (a) ne croient pas en la magie, (b) n’ont pas encore aperçu le chamane louchant dans leur direction, © continuent cependant à se couvrir de furoncles et de boutons. Si vous vous restreignez à l’emploi d’un seul modèle magique, tôt ou tard l’Univers vous présentera quelque chose qui ne se conformera pas à vos critères. Lorsque vous passerez plus de temps à défendre vos modèles qu’à les modifier, vous saurez alors que le temps est venu pour une nouvelle séance de déconditionnement.
Chaos Prêt à Cuire 2. Titre original « Oven Ready Chaos ». Traduction française par Melmothia, 2009.
Par Phil Hine
LES PRINCIPES DE LA CHAOS MAGIC
Alors que la plupart des systèmes magiques se basent sur un modèle spirituel et matériel de l’univers, par exemple l’Arbre de Vie – système qu’on pourrait éventuellement décrire comme un « agenda cosmique », la Chaos Magic repose sur un petit nombre de principes généraux qui sous-tendent sa conception de la magie ; il ne s’agit cependant pas d’axiomes universels, alors sentez-vous libre de les troquer contre d’autres.
1. Eviter le Dogmatisme.
Les Magiciens de la Chaos s’appliquent à éviter le dogmatisme – à moins que le dogmatisme ne fasse partie du système de croyances temporaire qu’ils ont choisi d’adopter. Les Discordiens emploient « Catmas ! » pour signifier « Nous, Discordiens, devons demeurer à l’écart ! » Les Magiciens de la Chaos s’estiment autorisés à changer d’opinion, à se contredire et à développer des arguments alternativement plausibles et invraisemblables. En règle générale, nous investissions beaucoup de temps et d’énergie pour être dans le vrai. Est-ce si grave que d’être occasionnellement dans l’erreur ?
2. L’Expérience Personnelle est primordiale.
En d’autres termes, ne me croyez pas sur parole lorsque j’affirme que ceci ou cela est capital, vérifiez-le par vous-même. La Magie a beaucoup souffert des « théoriciens en chambre » qui ont reconduit des mythes et des connaissances surannés, simplement par paresse. Il peut être intéressant de leur soumettre quelques questions gênantes, pour voir ce que répondront les experts autoproclamés. Certains se perdront dans une diarrhée verbale plutôt que d’admettre leur ignorance, cependant qu’un véritable adepte dirait probablement : « Je n’en ai pas la moindre foutue idée. » Les Magiciens de la Chaos firent assez tôt cette renversante découverte : une fois évacuées les différentes strates du dogme, les prises de position subjectives, anecdotes et croyances personnelles enrobant toute technique de magie pratique, celle-ci peut être exposée de manière tout à fait simple.
3. L’Excellence Technique.
L’un des plus vieux malentendus au sujet de la Chaos Magic est qu’elle donnerait carte blanche à ses pratiquants pour faire tout ce qu’ils désirent, au point qu’ils en deviendraient peu rigoureux – ou pire : brouillons. C’est faux. L’approche Chaote a toujours préconisé une rigoureuse évaluation de soi-même, de sévères auto-analyses, et fait porter l’accent sur la persévérance jusqu’à obtention du résultat désiré. Apprendre à « faire » de la magie implique le développement de talents et de compétences et, si vous décidez de vous impliquer dans cet univers étrange, pourquoi ne pas le faire du mieux que le vous pouvez ?
4. Le Déconditionnement.
Le paradigme de la Chaos préconise que l’une des premières tâches du magicien en herbe doit être de se déconditionner des croyances, attitudes et fictions relatives à soi-même, la société et le monde. Notre ego est une fiction au bénéfice d’une réalité stable, qui se maintient en perpétuant la distinction entre « ce que je suis » et « ce que je ne suis pas », « ce que j’aime » et « ce que je n’aime pas » ; catégorisations auxquelles s’ajoutent des adhésions politiques, religieuses, une préférence sexuelle, une certaine dose de libre arbitre, son appartenance raciale, des phénomènes culturels secondaires, etc. Toutes ces distinctions servent à maintenir une conscience stable de soi-même, tandis que les multiples petits procédés utilisés pour lutter contre un trop-plein de cette même stabilité nous permettent de nous appréhender comme si nous étions des individus uniques. En effectuant des exercices de déconditionnement, nous pouvons élargir les brèches dans notre réalité consensuelle, lesquelles nous permettrons de nous détacher de nos croyances et de nos fictions égotiques, et nous serons alors aptes à les abandonner ou à les modifier lorsque c’est nécessaire.
5. Des Approches Différentes.
Comme nous l’avons dit plus haut, les approches « traditionnelles » de la magie impliquent de choisir un système donné et de s’y tenir. La Chaos – ne ferait-elle que cela, encourage a contrario une approche éclectique de l’évolution personnelle, et les Magiciens du Chaos sont libres de choisir tout système magique disponible, ou encore d’évoluer dans des univers issus de la littérature, de la télévision, des religions, des sectes, de la parapsychologie, etc. Cette approche signifie que si vous rencontrez deux Magiciens du Chaos et leur demandez ce qu’ils font à tel ou tel moment, il est peu probable que vous découvriez une quelconque unanimité dans la démarche. Cet état de fait rend la Chaos Magic difficile à épingler comme étant ceci ou cela, ce qui, une nouvelle fois, tend à perturber ceux qui ont besoin d’approches claires et soigneusement étiquetées.
6. Gnose.
L’une des clés de la puissance magique réside dans la capacité d’accéder à volonté à des états modifiés de conscience. Nous tendons à imaginer une frontière stricte entre la conscience dite « ordinaire » et ces « états modifiés », alors que nous évoluons en fait entre différents états de conscience – des rêves éveillés, aux fonctionnements en « pilotage automatique » (ceux où nous agissons sans réfléchir), en passant par divers niveau d’attention. Néanmoins, dans le domaine de la magie, l’entrée intentionnelle dans des états modifiés de conscience intenses peut être divisée en deux pôles de « Gnose Physiologique » : les Etats Inhibiteurs et les Etats Excitatifs. Les premiers incluent des techniques « physiquement passives » comme la méditation, le yoga, la vision dans le cristal, la contemplation et la privation sensorielle, les seconds incluent le chant, les percussions, la danse, l’excitation émotionnelle et sexuelle.
INFINIE DIVERSITE, COMBINAISONS INFINIES
Comme je l’ai dit plus haut, l’une des caractéristiques de la Chaos Magic est la diversité des systèmes magiques où peuvent puiser ses pratiquants, plutôt que s’en tenir à un seul bien précis. Il existe, bien entendu bien sûr, de nombreuses approches possibles pour cette utilisation des systèmes dans la Chaos ; nous allons en examiner quelques-unes.
DO IT YOURSELF
En d’autres termes, créez votre propre système, ainsi que le fit Austin Osman Spare. Créer ses propres systèmes magiques, efficaces sur le plan opérationnel, est une bonne démarche ; amener ensuite quelqu’un d’autre à les employer ne dépend que de vous. D’autre part, les nouveaux systèmes de magie sont parfois de bonnes affaires sur le plan commercial. Un livre consacré à un système = quelques bonnes idées ; vous pourrez ensuite rédiger une suite pour développer les idées d’origine, et puis vous poursuivrez en créant un jeu de tarot, en réalisant des vidéos, des cassettes, des jeux de Lego, etc. Œuvrer à bâtir son propre système, la plupart du temps original, est mieux – du point de vue du Chaos, que de répéter les rituels des autres et perpétuellement suivre des idées qui ne sont pas les vôtres. Faire quelque chose de novateur – tout particulièrement si vous ne connaissez personne l’ayant jamais tenté, est excellent pour ce qui relève de votre confiance en vous-même. Je me souviens, il y a des années, avoir fait un rituel et avoir pensé : « Tiens, je me suis trompé dans tous les pentagrammes, je ne m’en étais pas aperçu » et rien de négatif n’est advenu – du moins jusqu’à présent !
METASYSTEMES
De nos jours, les gens développent une certaine tendance à tester ou créer des méta-systèmes – c’est-à-dire des systèmes pouvant inclure tout et n’importe quoi, et qui bénéficieront si nécessaire d’une théorisation. On a vu des tentatives visant à connecter runes et tarot, à faire correspondre à peu près n’importe quoi à l’Arbre de Vie, à élaborer quantités de théorisations – pour tout foutre ensuite à la poubelle, le cas échéant. Rien de mal à cela, il s’agit là une fois de plus d’exercices très utiles & qui peuvent être amusants, tout spécialement si vous sortez une explication pour quelque chose basé sur des faits inventés ou douteux, et qu’un tas de gens vous disent que « c’est vraiment « éblouissant ! » – il y a quelques années, un auteur publia une version du Nécronomicon de Lovecraft qui sonnait juste, mais n’était qu’un apocryphe. Il reçut énormément de courriers de personnes ayant effectué les rituels et désirant parler de leurs résultats). Ceci a une grande importance dans la « croyance » appréhendée comme outil magique ; je reviendrai sur ce point.
Pour ma part, j’aime employer de nombreux systèmes différents, que j’utilise de la manière que j’estime adéquate. J’ai tendance à osciller entre le « do it yourself » la Kabbale, le Tantra, les mythes de Cthulhu, le chamanisme, et tout ce que je peux trouver approprié à un moment donné. Cela peut valoir le coup d’explorer un système en profondeur pour y devenir plus ou moins compétent – et donc y être à l’aise, mais les magiciens ont tendance à considérer qu’en étant devenu habile dans un système, il est alors plus aisé d’en maîtriser un autre. Si vous êtes par exemple suffisamment bon en Enochien, vous ne devriez pas avoir trop de difficultés avec les Runes.
LA SCIENCE DU CHAOS
Certains Magiciens du Chaos ont tendance à employer dans leurs travaux des analogies et des métaphores d’ordre scientifique. C’est très bien – après tout, la science vend des poudres à laver et des automobiles, car si l’on peut démontrer qu’une chose possède une assise « scientifique », plein de gens s’y intéresseront, tout spécialement les mordus d’informatique, les étudiants en physique, etc., ce qui aidera beaucoup à consolider la croyance en question. Pas besoin d’aller jusqu’à la « pure science », la « pseudo science » marche aussi bien, ainsi qu’on l’a vu avec tous ces ouvrages New Age prétendant que les cristaux stockent de l’énergie « à la manière d’une puce informatique ». Je n’essaie pas de me montrer pointilleux (bon, juste un peu), et tant mieux, car c’est le facteur croyance qui est important et vous pouvez par conséquent employer l’astrologie, l’alchimie, la Théosophie ou toute chose susceptible de frapper votre imagination, aussi longtemps que vous (ou une tierce personne) le trouvez utile & cohérent. Ce n’est pas parce que vous êtes « scientifique » que vous devez, du coup, être sérieux.
LA SOTTISE DU CHAOS
Ce sont les Discordiens qui soulignèrent que, dans la longue liste de dualismes qu’aiment employer les occultistes, les opposés sérieux/humour avaient été mis de côté. L’humour est important dans la magie. Comme l’a dit une fois Janet Cliff, nous sommes trop importants pour nous prendre au sérieux. Certains membres du Pacte/IOT, par exemple, emploient le Rire en guise de bannissement. Et c’est sûr qu’il n’y a rien de mieux que le rire pour dégonfler les baudruches occultes, pompeuses et suffisantes, que nous gonflons de temps à autre. Voici une information importante : les rituels peuvent être ridicules et fonctionner aussi bien que ceux requérant une attitude sérieuse. La Magie est amusante – sinon, pourquoi en ferions-nous ?
LES MODELES MAGIQUES
La manière dont la magie est conceptualisée se modifie de la même façon que les paradigmes généraux changent dans les sociétés. Il n’y a pas si longtemps, et c’est historiquement important, les pratiquants de la magie souscrivaient au modèle « Spirituel », lequel affirme dans ses prémisses que les Autres Mondes sont réels, habités par divers panthéons d’êtres dissimulés – élémentaux, démons, anges, déesses, dieux, etc. La tâche du magicien ou du chaman consistait à élaborer un plan, ou à hériter d’un plan, de l’Autre Monde – afin d’apprendre à en connaître les raccourcis, et de se faire là-bas de nouveaux amis, d’y rencontrer ses habitants. Y étant parvenu, ils devaient interagir avec ces esprits d’une manière définie, afin que ceux-ci exécutent leur volonté. Ainsi les prêtres prient, les chamans se gavent de champignons pour rencontrer leurs ancêtres, cependant que les démonologues menacent les entités afin de les soumettre, en leur hurlant des passages de l’Ancien Testament.
Au dix-huitième siècle, avec l’émergence de la Science, l’idée de « Magnétisme Animal » surgit en Occident ; ce fut la première manifestation du modèle « Energétique » de la Magie. Ce modèle met l’accent sur la présence « d’énergies subtiles » pouvant être manipulées grâce à un certain nombre de techniques. Puis il y eut Bulwer Lytton et son idée d’énergie « Vril », Eliphas Lévi et la « Lumière Astrale », les médiums et les ectoplasmes, les versions occidentales et populaires du Prana, des Chakras, de la Kundalini, enfin, l’« Orgone » de Wilhelm Reich. La relève fut assurée par la vulgarisation de la psychologie, principalement due aux lubies psychanalytiques de Freud, Jung et cie. Durant cette phase, les Autres Mondes devinrent les mondes intérieurs, les démons furent relogés dans l’Inconscient, et les Maîtres Secrets devinrent des manifestations du « Moi Supérieur ». Ultérieurement, pour certains adeptes de ce modèle, les cartes du Tarot, de système magique et divinatoire, se firent outils de transformation personnelle, de même que les dieux et déesses ne furent plus perçus comme des entités réelles mais comme des symboles et des archétypes.
Le paradigme actuellement en cours d’émergence et promis à un bel avenir, est le Modèle « cybernétique » inhérent à notre culture basée sur l’information. Ce modèle maintient qu’en dépit des apparences, l’Univers est de nature stochastique. La Magie y consiste en un ensemble de techniques visant à créer un orage neurologique dans le cerveau, lequel engendrera de microscopiques fluctuations dans l’Univers, susceptibles de créer par la suite des changements macroscopiques – en accord avec la volonté du magicien. Cf la Science du Chaos, l’effet Papillon, et tout le reste. Une autre occurrence du Modèle Cybernétique qui commence à être connue, est l’assertion New Age selon laquelle les cristaux fonctionneraient « exactement » comme des puces informatiques. Ce sont là des signes que le Modèle Cybernétique rejoint le Modèle Spirituel et, dans Chaos Servitors : A User Guide, vous trouverez un argumentaire assez cohérent en faveur de l’idée que des champs d’informations localisés pourraient, avec le temps, devenir auto organisés au point que nous pourrions les percevoir comme des entités autonomes – des esprits.
Chaque modèle possède son propre pouvoir de séduction, ses partisans et ses détracteurs. De nombreux traités occultes mêlent, d’une façon assez heureuse, des éléments provenant des Modèles Spirituels, Energétiques et Psychologiques. Il faut également souligner que si vous vous retrouvez dans une position où il vous faut « expliquer » tous ces trucs étranges à un sceptique ou un non pratiquant, il sera sans doute plus productif de parier sur le modèle psychologique. De nos jours, les gens qui adhèrent au modèle spirituel, s’ils ne sont pas eux-mêmes de confession païenne ou occultiste, tendent à penser qu’ils possèdent un droit exclusif sur l’utilisation des esprits ! Un mordu d’informatique ou un fou de physique quantique, s’orientera évidemment plutôt vers le paradigme « cyberpunk ». Quant aux scientifiques, ils ont tendance à n’accepter quelque chose qu’à condition qu’un « raisonnement » scientifique en constitue le rouage. Un bon exemple est l’acupuncture, récemment encore expliquée par le modèle Energétique et ridiculisée par les institutions scientifiques, jusqu’à ce qu’un quidam évoque l’hypothèse de la stimulation endorphinique.
Bien que certains magiciens aient tendance à être fidèles à un modèle donné, il est utile d’en changer lorsque la situation l’exige, certains modèles ayant un pouvoir « explicatif » plus efficace que d’autres selon l’aspect de la magie considéré. Le Modèle Spirituel, le plus ancien, peut rendre compte de n’importe quel aspect de la magie. Le Modèle Psychologique, bien qu’utile lorsque l’on considère la magie en tant que processus de développement personnel, rencontre des difficultés avec certains aspects ; prenons l’exemple d’un chamane tribal maudissant des occidentaux qui (a) ne croient pas en la magie, (b) n’ont pas encore aperçu le chamane louchant dans leur direction, © continuent cependant à se couvrir de furoncles et de boutons. Si vous vous restreignez à l’emploi d’un seul modèle magique, tôt ou tard l’Univers vous présentera quelque chose qui ne se conformera pas à vos critères. Lorsque vous passerez plus de temps à défendre vos modèles qu’à les modifier, vous saurez alors que le temps est venu pour une nouvelle séance de déconditionnement.