La Société Discordienne est, selon ses propres termes, « une tribu de philosophes, de théologiens, de magiciens, de scientifiques, d’artistes, de clowns et autres dingues intrigués par Eris, déesse de la Confusion, et Ses agissements ». L’existence de cette Société fut popularisée par la célèbre trilogie de Robert Anton Wilson & Robert Shea, Illuminatus !, ainsi que par l’ouvrage de Malaclypse Le Jeune, Principia Discordia, lequel exposait les principes de base de la Religion Discordienne – une religion basée sur la Déesse grecque Eris.
Traditionnellement, Eris était fille de Nox – la Nuit et l’épouse de Chronos. Elle engendra tout un tas de divinités – la Tristesse, l’Oubli, la Faim, la Maladie, le Combat, le Meurtre, le Mensonge, etc. – de braves gosses ! Les anciens grecs lui attribuaient toute forme de querelle ou de discorde. Avec la chute des vieux empires, Eris disparut, bien qu’on la soupçonne d’avoir aidé à l’apparition des bureaucraties, des factures en triplicata et des compagnies d’assurances. Elle ne réapparut pas sur Terre avant la fin des années 50, lorsqu’elle se montra à deux jeunes californiens plus tard connus sous les noms d’Omar Ravenhurst et Malaclypse Le Jeune. Eris les nomma « Gardiens du Chaos Sacré » et leur délivra ce message : « Dites aux humains sous le joug qu’il n’y a pas de règles, à moins qu’ils ne choisissent d’en inventer ». Après quoi Omar et Mal nommèrent d’autres Grands Prêtres bien allumés, et déclarèrent qu’ils formaient une Société de la Discorde, quelle que soit la signification d’une telle affirmation.
Le Grand Pope : Eris est-elle vraie ?
Malaclypse : Tout est vrai.
G.P. : Même les choses fausses ?
Mal : Même les choses fausses sont vraies.
G.P. : Comment cela est-il possible ?
Mal : Je ne sais pas, mon gars, c’est pas moi le responsable.
Eris, depuis, a transité de la note historique en bas de page au statut de mégastar mythique, et le mouvement Discordien, si l’on peut dire qu’une telle chose existe, croît des deux côtés de l’Atlantique, aidé en cela par la tactique Discordienne consistant à affirmer que tout un chacun en est un Pope authentique. De plus en plus de gens se branchent sur l’idée d’une religion basée sur la célébration de la confusion et de la folie.
Le principal mythe grec où Eris joue un rôle prépondérant est le soap opera du « Mont Olympe, Demeure des Dieux », dans l’épisode qui déclencha par inadvertance la Guerre de Troie. Il semblerait que Zeus ait organisé une soirée où il n’a pas voulu inviter Eris en raison de sa réputation de fouteuse de merde. Courroucée par l’affront, Eris façonna une pomme d’or où était inscrit le mot Kallisti (A la plus belle) et la lança dans la salle où se trouvaient les invités. Trois des Déesses, Athéna, Héra et Aphrodite, revendiquèrent chacune la pomme, commencèrent à se battre, renversant la nourriture. Pour faire taire la querelle, Zeus leur ordonna à toutes trois de se soumettre au jugement d’un mortel, lequel aurait en charge de décider laquelle était « la plus belle », et il voulut que ce mortel fut Paris, fils du roi de Troie. Zeus les envoya donc à Paris, grâce à l’aide d’Hermès, mais chacune des Déesses voulut se montrer plus maligne que les autres et tenta de devancer furtivement ses rivales en offrant un pot-de-vin à Paris.
Athéna offrit à Paris la victoire dans les batailles, Héra une grande richesse, tandis qu’Aphrodite « se contenta de détacher les agrafes de sa tunique et de dénouer sa ceinture », offrant également à Paris la plus belle des mortelles. Elle remporta la pomme et Paris coucha avec Hélène, laquelle était malheureusement mariée à Ménélas, Roi de Sparte. Grâce aux manigances d’Athéna et d’Héra, la guerre de Troie s’ensuivit – et le reste appartient pour ainsi dire à l’histoire.
Aujourd’hui, à notre époque où le chaos est plus débonnaire, Eris s’est adoucie et les Discordiens modernes l’associent à toute intrusion « d’une inquiétante étrangeté » dans leurs vies, des événements synchrones aux phénomènes facétieux, des traits d’inspiration créatrice aux célébrations sauvages. Elle est par moments un peu garce – mais qui ne l’est pas ?
RITUEL D’OUVERTURE DISCORDIEN
Par Prince Prance :
1. Frapper 5 fois dans ses mains.
2. La Croix Erisienne : « Lumière dans ma Tête, Feu dans mes Organes Génitaux, Force à ma Droite, Rire à ma Gauche, Amour dans mon Cœur »
3. Tracer des Pentagrammes en Spirale* aux 4 points cardinaux et au zénith.
4. Face à l’Est : « Apôtre Béni Hung Mung [1], grand Sage de Cathay, équilibre le capharnaum et accorde-nous l’équilibre »
5. Face au Sud : « Apôtre Béni Van Van Mojo [2], Docteur ès Poisse et Emmerdes, accorde-nous la Puissance Vaudou et confonds nos ennemis ».
6. Face à l’Ouest : « Apôtre Béni Sri Syadasti [3], saint patron de la psychédélie, enseigne-nous la vérité relative et éblouis nos esprits ».
7. Face au Nord : « Apôtre Béni Zarathud [4], ermite têtu, accorde-nous le doute Erisien, et la constance du Chaos ».
8. Regarder vers le haut – ou bien vers le bas : « Apôtre Béni Malaclypse [5], Saint Aîné de Discordia, accorde-nous l’illumination et protège-nous de la stupidité ».
9. Regarder tout autour de soi : « Grande Déesse Discordia, Sainte Mère Eris, Joie de l’Univers, Rire de l’Espace, accorde-nous la Vie, la Lumière, l’Amour et la Liberté, et fais que cette satanée magie veuille bien marcher ! »
10. « Hail Eris ! Que Tous saluent Discordia ! »
Notes :
* Au sujet des Pentagrammes en Spirale, voir la section suivante.
1. Hung Mung constitue le lien unissant la Discordia aux Mystères Chinois ; il n’est autre que celui qui conçut le Chaos Sacré. C’est le saint patron de la Saison du Chaos.
2. Le Dr. Van Van Mojo est membre de la Guérilla Haïtienne Intergalactique et le saint patron de la Saison de la Discorde.
3. Sri Syadasti est l’Apôtre de la Psychédélie et le saint patron de la Saison de la Confusion.
4. Zarathud, un ermite de l’Europe médiévale, a été surnommé « le Malfaiteur de la Foi ». C’est le saint patron de la Saison de la Bureaucratie.
5. On dit de Malaclypse l’Ancien qu’il était un sage antique déambulant avec, pour signe de reconnaissance le mot « muet », dans les ruelles de Rome, Bagdad, la Mecque, Jérusalem et quelques autres lieux. Il est le saint patron de la Saison de l’Après-Guerre.
LES PENTAGRAMMES EN SPIRALE
Cette section « explique » les Pentagrammes en Spirale évoqués dans le Rite d’Ouverture Discordien ci-dessus.
Le Pentagramme traditionnel est une figure géométrique très rigide – je trouve son association au bannissement tout à fait appropriée. « Mais que se passerait-il », me suis-je dit un jour, « si je me mettais à employer une étoile à cinq branches faite de courbes ? ». Vous pouvez découvrir plus bas le résultat de quelques minutes passées un compas à la main – ça aurait pris des siècles avec un ordinateur ! Contrairement au pentagramme traditionnel, qui possède en son centre un pentagone, celui-ci évoque la forme d’un pétale. Et lorsque je le dessine – il faudrait être stupide pour le tracer en l’air dès le début, je visualise les pétales extérieurs tournant dans le sens solaire, et les pétales intérieurs tournant dans l’autre sens – il n’y a pas de raison particulière à cela. La figure tout entière devient ainsi un tunnel en trois dimensions, twistant dans l’espace infini. Joli, hein ?
La première fois que nous les essayâmes, ce fut, de manière plutôt appropriée, au cours d’une invocation à Eris, et ils semblèrent bien fonctionner. Ils n’empêchent pas ce qui à l’extérieur d’entrer, mais ont plutôt tendance à attirer les énergies à l’intérieur. Vous pouvez également les utiliser comme portes lors des projections astrales (ce que dans le langage Chaos nous appelons la « Magie Virtuelle »), et je les ai déjà vus se présenter spontanément en rêve en tant que telles. Pour les sceller, j’inverse la rotation des pétales, je les rends à nouveau « sans vie », traçant quelquefois par-dessus un pentagramme normal – pour faire bonne mesure. Ils semblent bien fonctionner lorsqu’ils sont employés dans un travail du type spontané, moins dans les systèmes traditionnels comme la Clavicule de Salomon (m’est avis que les entités concernées sont rigoureusement conservatrices quant à la manière dont elles aiment être invoquées). Soit dit en passant, si vous décidez d’expérimenter avec ces Pentagrammes en Spirale, j’aimerais en avoir des échos.
Dans toutes les techniques magiques et les rituels, il est important de faire la distinction entre Procédés et Contenus. L’un des messages fondamentaux du Courant du Chaos est que, bien que le contenu soit dans une certaine mesure arbitraire, les procédés sous-jacents sur lesquels sont basés les rituels sont primordiaux. Par exemple, le Rituel d’Ouverture Discordien est une variante sur le thème des Rituels de Centrage (ou de Bannissement), dont l’objectif est de vous placer au « centre » de votre « psychocosme », « axis mundi » ou « point zéro » d’où procèdent tous les actes de magie. Les rituels de centrage sont également là pour vous échauffer avant les choses sérieuses ; ils constituent, pour ainsi dire, l’entrée dans un espace où, durant un moment, Rien ne sera Vrai et Tout sera Permis. Tout en restant concentré sur le but du travail, effectuer à nouveau le Rite de Centrage, vous permettra de retourner dans la Réalité Consensuelle commune. Des rites tels que le classique Rituel de Bannissement du Pentagramme, ou le Bannissement Gnostique de l’IOT, mélangent gestes, paroles, respiration et visualisation dans diverses proportions mais obéissent aux mêmes principes – l’identification des quatre points cardinaux plus le cinquième point qui représente l’union à l’esprit, au chaos, ou au Kia. De tels actes rituels produisent des changements dans « l’atmosphère » de l’endroit où ils sont effectués et, avec la pratique, ces sensations surviennent automatiquement où que soit réalisé le rite, de sorte que le décalage entre la réalité quotidienne avec son lot de préoccupations (par exemple, qui fera la vaisselle après le rituel, etc.) et la Réalité Magique (par exemple le but du rituel) apparaît clairement.
Le travail avec les sigils est l’une des techniques les plus simples et les plus efficaces employées par les magiciens d’aujourd’hui. Une fois que vous avez compris les principes de base et expérimenté quelques-unes des façons les plus classiques de créer un sigil, vous pouvez continuer en expérimentant des formes de magie sigillaire qui vous seront propres.
Le processus général de la sigillisation peut être divisé en six étapes [1] :
La première étape du processus consiste à clarifier votre intention magique – il faut qu’elle soit aussi précise que possible sans être, pour autant, trop complexe. De vagues intentions mènent généralement à de vagues résultats, et plus clair sera l’énoncé initial, plus vous aurez de chances d’obtenir des issues en conséquence. L’une de mes connaissances réalisa une fois un sceau afin de trouver un petit ami, en donnant des indications très précises quant à son apparence, le type de voiture qu’il conduirait, etc. Inutile de le souligner, son « souhait » se manifesta exactement comme elle l’avait spécifié, mais elle découvrit trop tard qu’elle avait omis de mentionner « intelligence » dans son sceau, et elle se retrouva encombrée d’un raseur !
2. Voies Disponibles ?
En général, les sceaux sont excellents pour obtenir des résultats précis à court terme, ce qui les rend idéaux pour des travaux de Magie Pratique – guérison, modification des habitudes, inspiration, contrôle des rêves, etc. Il est généralement utile « d’ouvrir » une voie pour que s’y engouffre votre but. Voici un exemple classique relatif à l’argent : Frater Bater réalise un sort pour devenir plus riche et attend que le cosmos [2] lui expédie la monnaie. Les mois qui suivent, il gagne en effet de l’argent suite au décès subit de membres de sa famille, reçoit une indemnité de son employeur après être passé sous une moissonneuse-batteuse, et ainsi de suite. S’il s’était assuré d’une possible voie, d’un chemin pouvant être emprunté, comme écrire un livre (ah ! ah !), envoyer une lettre de motivation pour trouver un emploi, ou jouer à la loterie, les choses se seraient peut-être mieux passées. C’est la manière dont fonctionne souvent la magie, et cela prouve que l’univers, ou autre chose, possède un sens de l’humour plutôt acide.
3. Etablissement d’un trajet Symbolique
Une fois que vous avez précisé votre intention, celle-ci peut être formulée sous la forme d’une analogie ou d’un code symbolique – un signe sur lequel vous pouvez concentrer votre attention, sans vous remémorer votre désir initial. Les approches les plus communes sont :
(a) le Monogramme : couchez par écrit votre objectif, supprimez toutes les lettres en double, et à partir de celles qui restent ; concevez un glyphe.
(b) le Mantra : couchez par écrit votre objectif, transformez le en un mot ou une phrase dénués de sens pouvant être psalmodiés. Vous pouvez également employer des supports tels que les odeurs, les saveurs, les couleurs, le langage corporel, les gestes.
4. Gnose Intense/ Indifférence au désir
Les sceaux peuvent être projetés dans le cosmos via un acte de Gnose – généralement, mais pas nécessairement, dans un contexte de nature rituélique / magique. Les manières classiques d’accéder à la Gnose sont : tourner [3], psalmodier, danser, visualiser, l’excès de stimulation sensorielle ou la privation sensorielle, l’excitation sexuelle. L’autre type d’état modifié de conscience est la Vacuité Indifférente – un état où l’on ne se sent « pas spécialement emmerdé ». Un exemple de sigillisation effectuée de cette manière consiste à griffonner des sceaux tout en écoutant un discours ennuyeux, mais à propos duquel vous êtes contraint de prendre des notes.
Cette étape consiste en la projection du sceau dans le vide ou le Cosmos au moment de l’ « apogée » de la Gnose/Vacuité. Des exemples : l’orgasme, être sur le point de s’évanouir à cause de l’hyperventilation, ou être interrogé sur le discours ennuyeux que vous étiez supposé écouter.
6. Oubli
Une fois votre sceau « enflammé », vous êtes censé oublier l’intention originelle et laisser l’Effet Papillon ou autre, s’occuper de la suite. Oublier ce que l’on vient juste de faire est souvent la partie la plus dure du processus. Ce n’est pas si difficile si votre dessein est quelque chose dont vous ne vous souciez pas vraiment – par conséquent, débuter par des sceaux se rapportant à des choses qui ne vous tiennent que modérément à cœur est une bonne façon d’entamer les expériences, mais c’est plus difficile si vous voulez que cela arrive pour de bon. Aussi longtemps que vous ne donnez pas prise aux pensées lorsqu’elles surgissent, ce n’est pas trop important. Il est temps de passer à une autre analogie.
L’enchevêtrement toujours changeant de désirs, de souhaits, de peurs, de fantasmes, etc., se bousculant dans nos esprits peut être comparé à un jardin, bien qu’il s’agisse d’un jardin quelque peu bordélique et envahi de mauvaises herbes : fleurs, herbes sauvages, plantes grimpantes, et parfois le râteau enterré du jardinier. S’engager dans le processus de sigillisation peut être comparé au fait de s’enthousiasmer subitement pour la remise en état du jardin. Vous isolez une plante – votre dessein, la séparez des autres, l’engraissez, l’arrosez et la taillez jusqu’à ce qu’elle détonne par rapport au reste et se démarque nettement du paysage ; puis vous en avez soudainement marre de tout ça et rentrez chez vous pour regarder la télévision. Le truc étant, la prochaine fois que vous regarderez le « jardin », de ne pas prêter attention à la plante à laquelle vous avez prodigué vos soins tout récemment.
Si le dessein demeure enchevêtré avec plein d’autres choses dans votre tête, vous aurez tendance à projeter divers résultats fantasmatiques – ce que vous ferez avec l’argent lorsqu’il arrivera, comment ça se passera avec l’homme, la femme, ou le fourmilier de vos rêves, etc., et ce désir interférera avec les autres, amoindrissant alors la probabilité que ceux-ci se manifestent de la façon que vous le souhaitez.
Une attitude intelligente à adopter lorsqu’on travaille avec les sigils, consiste, après en avoir posté un au cosmos – lequel, comme le Père Noël, reçoit tous les messages, être certain que cela va fonctionner, de telle sorte que vous n’aurez plus besoin d’y consacrer d’efforts. Cette confiance tend se manifester lorsque vous avez bénéficié d’expériences heureuses antérieures avec les sigils. Le résultat survient souvent lorsque le désir s’est engourdi – c’est-à-dire lorsque vous l’avez totalement oublié et perdu toute illusion quant à sa réalisation. C’est comme faire du stop sur une route déserte au plus profond de la nuit. Vous êtes là depuis des heures, il pleut à torrents et vous « savez », avec une certitude mêlée de crainte, que personne ne s’arrêtera pour vous prendre maintenant ; malgré tout vous continuez à brandir votre pouce. Et pourquoi donc ? Cinq minutes plus tard, quelqu’un s’arrête. Et le gars, ou la fille, ou le fourmilier, invoqués deux sceaux plus tôt, au volant d’une Porsche, vous demandent où vous voulez aller. De quoi rendre fou, pas vrai ? Mais la sigillisation semble fonctionner souvent de la sorte.
[1] Phil Hine présente ces étapes sous la forme d’un acronyme intransposable en français : S.P.L.I.F.F. (Specify Intent, Pathways Available ?, Link Intent to Symbolic Carrier, Intense Gnosis/Indifférent Vacuity, Fire, Forget). NDT.
[2] Phil Hine emploie le terme « multiverse » qui désigne en anglais un hypothétique cosmos constitué d’univers et d’espace-temps multiples. NDT.
[3] A la façon des derviches tourneurs. NDT.
Chaos prêt à cuire 3.Titre original « Oven Ready Chaos ». Traduction française par Melmothia, 2009.
Par Phil Hine
QUE TOUS SALUENT DISCORDIA !
La Société Discordienne est, selon ses propres termes, « une tribu de philosophes, de théologiens, de magiciens, de scientifiques, d’artistes, de clowns et autres dingues intrigués par Eris, déesse de la Confusion, et Ses agissements ». L’existence de cette Société fut popularisée par la célèbre trilogie de Robert Anton Wilson & Robert Shea, Illuminatus !, ainsi que par l’ouvrage de Malaclypse Le Jeune, Principia Discordia, lequel exposait les principes de base de la Religion Discordienne – une religion basée sur la Déesse grecque Eris.
Traditionnellement, Eris était fille de Nox – la Nuit et l’épouse de Chronos. Elle engendra tout un tas de divinités – la Tristesse, l’Oubli, la Faim, la Maladie, le Combat, le Meurtre, le Mensonge, etc. – de braves gosses ! Les anciens grecs lui attribuaient toute forme de querelle ou de discorde. Avec la chute des vieux empires, Eris disparut, bien qu’on la soupçonne d’avoir aidé à l’apparition des bureaucraties, des factures en triplicata et des compagnies d’assurances. Elle ne réapparut pas sur Terre avant la fin des années 50, lorsqu’elle se montra à deux jeunes californiens plus tard connus sous les noms d’Omar Ravenhurst et Malaclypse Le Jeune. Eris les nomma « Gardiens du Chaos Sacré » et leur délivra ce message : « Dites aux humains sous le joug qu’il n’y a pas de règles, à moins qu’ils ne choisissent d’en inventer ». Après quoi Omar et Mal nommèrent d’autres Grands Prêtres bien allumés, et déclarèrent qu’ils formaient une Société de la Discorde, quelle que soit la signification d’une telle affirmation.
Le Grand Pope : Eris est-elle vraie ?
Malaclypse : Tout est vrai.
G.P. : Même les choses fausses ?
Mal : Même les choses fausses sont vraies.
G.P. : Comment cela est-il possible ?
Mal : Je ne sais pas, mon gars, c’est pas moi le responsable.
Eris, depuis, a transité de la note historique en bas de page au statut de mégastar mythique, et le mouvement Discordien, si l’on peut dire qu’une telle chose existe, croît des deux côtés de l’Atlantique, aidé en cela par la tactique Discordienne consistant à affirmer que tout un chacun en est un Pope authentique. De plus en plus de gens se branchent sur l’idée d’une religion basée sur la célébration de la confusion et de la folie.
Le principal mythe grec où Eris joue un rôle prépondérant est le soap opera du « Mont Olympe, Demeure des Dieux », dans l’épisode qui déclencha par inadvertance la Guerre de Troie. Il semblerait que Zeus ait organisé une soirée où il n’a pas voulu inviter Eris en raison de sa réputation de fouteuse de merde. Courroucée par l’affront, Eris façonna une pomme d’or où était inscrit le mot Kallisti (A la plus belle) et la lança dans la salle où se trouvaient les invités. Trois des Déesses, Athéna, Héra et Aphrodite, revendiquèrent chacune la pomme, commencèrent à se battre, renversant la nourriture. Pour faire taire la querelle, Zeus leur ordonna à toutes trois de se soumettre au jugement d’un mortel, lequel aurait en charge de décider laquelle était « la plus belle », et il voulut que ce mortel fut Paris, fils du roi de Troie. Zeus les envoya donc à Paris, grâce à l’aide d’Hermès, mais chacune des Déesses voulut se montrer plus maligne que les autres et tenta de devancer furtivement ses rivales en offrant un pot-de-vin à Paris.
Athéna offrit à Paris la victoire dans les batailles, Héra une grande richesse, tandis qu’Aphrodite « se contenta de détacher les agrafes de sa tunique et de dénouer sa ceinture », offrant également à Paris la plus belle des mortelles. Elle remporta la pomme et Paris coucha avec Hélène, laquelle était malheureusement mariée à Ménélas, Roi de Sparte. Grâce aux manigances d’Athéna et d’Héra, la guerre de Troie s’ensuivit – et le reste appartient pour ainsi dire à l’histoire.
Aujourd’hui, à notre époque où le chaos est plus débonnaire, Eris s’est adoucie et les Discordiens modernes l’associent à toute intrusion « d’une inquiétante étrangeté » dans leurs vies, des événements synchrones aux phénomènes facétieux, des traits d’inspiration créatrice aux célébrations sauvages. Elle est par moments un peu garce – mais qui ne l’est pas ?
RITUEL D’OUVERTURE DISCORDIEN
Par Prince Prance :
1. Frapper 5 fois dans ses mains.
2. La Croix Erisienne : « Lumière dans ma Tête, Feu dans mes Organes Génitaux, Force à ma Droite, Rire à ma Gauche, Amour dans mon Cœur »
3. Tracer des Pentagrammes en Spirale* aux 4 points cardinaux et au zénith.
4. Face à l’Est : « Apôtre Béni Hung Mung [1], grand Sage de Cathay, équilibre le capharnaum et accorde-nous l’équilibre »
5. Face au Sud : « Apôtre Béni Van Van Mojo [2], Docteur ès Poisse et Emmerdes, accorde-nous la Puissance Vaudou et confonds nos ennemis ».
6. Face à l’Ouest : « Apôtre Béni Sri Syadasti [3], saint patron de la psychédélie, enseigne-nous la vérité relative et éblouis nos esprits ».
7. Face au Nord : « Apôtre Béni Zarathud [4], ermite têtu, accorde-nous le doute Erisien, et la constance du Chaos ».
8. Regarder vers le haut – ou bien vers le bas : « Apôtre Béni Malaclypse [5], Saint Aîné de Discordia, accorde-nous l’illumination et protège-nous de la stupidité ».
9. Regarder tout autour de soi : « Grande Déesse Discordia, Sainte Mère Eris, Joie de l’Univers, Rire de l’Espace, accorde-nous la Vie, la Lumière, l’Amour et la Liberté, et fais que cette satanée magie veuille bien marcher ! »
10. « Hail Eris ! Que Tous saluent Discordia ! »
Notes :
* Au sujet des Pentagrammes en Spirale, voir la section suivante.
1. Hung Mung constitue le lien unissant la Discordia aux Mystères Chinois ; il n’est autre que celui qui conçut le Chaos Sacré. C’est le saint patron de la Saison du Chaos.
2. Le Dr. Van Van Mojo est membre de la Guérilla Haïtienne Intergalactique et le saint patron de la Saison de la Discorde.
3. Sri Syadasti est l’Apôtre de la Psychédélie et le saint patron de la Saison de la Confusion.
4. Zarathud, un ermite de l’Europe médiévale, a été surnommé « le Malfaiteur de la Foi ». C’est le saint patron de la Saison de la Bureaucratie.
5. On dit de Malaclypse l’Ancien qu’il était un sage antique déambulant avec, pour signe de reconnaissance le mot « muet », dans les ruelles de Rome, Bagdad, la Mecque, Jérusalem et quelques autres lieux. Il est le saint patron de la Saison de l’Après-Guerre.
LES PENTAGRAMMES EN SPIRALE
Cette section « explique » les Pentagrammes en Spirale évoqués dans le Rite d’Ouverture Discordien ci-dessus.
Le Pentagramme traditionnel est une figure géométrique très rigide – je trouve son association au bannissement tout à fait appropriée. « Mais que se passerait-il », me suis-je dit un jour, « si je me mettais à employer une étoile à cinq branches faite de courbes ? ». Vous pouvez découvrir plus bas le résultat de quelques minutes passées un compas à la main – ça aurait pris des siècles avec un ordinateur ! Contrairement au pentagramme traditionnel, qui possède en son centre un pentagone, celui-ci évoque la forme d’un pétale. Et lorsque je le dessine – il faudrait être stupide pour le tracer en l’air dès le début, je visualise les pétales extérieurs tournant dans le sens solaire, et les pétales intérieurs tournant dans l’autre sens – il n’y a pas de raison particulière à cela. La figure tout entière devient ainsi un tunnel en trois dimensions, twistant dans l’espace infini. Joli, hein ?
La première fois que nous les essayâmes, ce fut, de manière plutôt appropriée, au cours d’une invocation à Eris, et ils semblèrent bien fonctionner. Ils n’empêchent pas ce qui à l’extérieur d’entrer, mais ont plutôt tendance à attirer les énergies à l’intérieur. Vous pouvez également les utiliser comme portes lors des projections astrales (ce que dans le langage Chaos nous appelons la « Magie Virtuelle »), et je les ai déjà vus se présenter spontanément en rêve en tant que telles. Pour les sceller, j’inverse la rotation des pétales, je les rends à nouveau « sans vie », traçant quelquefois par-dessus un pentagramme normal – pour faire bonne mesure. Ils semblent bien fonctionner lorsqu’ils sont employés dans un travail du type spontané, moins dans les systèmes traditionnels comme la Clavicule de Salomon (m’est avis que les entités concernées sont rigoureusement conservatrices quant à la manière dont elles aiment être invoquées). Soit dit en passant, si vous décidez d’expérimenter avec ces Pentagrammes en Spirale, j’aimerais en avoir des échos.
Dans toutes les techniques magiques et les rituels, il est important de faire la distinction entre Procédés et Contenus. L’un des messages fondamentaux du Courant du Chaos est que, bien que le contenu soit dans une certaine mesure arbitraire, les procédés sous-jacents sur lesquels sont basés les rituels sont primordiaux. Par exemple, le Rituel d’Ouverture Discordien est une variante sur le thème des Rituels de Centrage (ou de Bannissement), dont l’objectif est de vous placer au « centre » de votre « psychocosme », « axis mundi » ou « point zéro » d’où procèdent tous les actes de magie. Les rituels de centrage sont également là pour vous échauffer avant les choses sérieuses ; ils constituent, pour ainsi dire, l’entrée dans un espace où, durant un moment, Rien ne sera Vrai et Tout sera Permis. Tout en restant concentré sur le but du travail, effectuer à nouveau le Rite de Centrage, vous permettra de retourner dans la Réalité Consensuelle commune. Des rites tels que le classique Rituel de Bannissement du Pentagramme, ou le Bannissement Gnostique de l’IOT, mélangent gestes, paroles, respiration et visualisation dans diverses proportions mais obéissent aux mêmes principes – l’identification des quatre points cardinaux plus le cinquième point qui représente l’union à l’esprit, au chaos, ou au Kia. De tels actes rituels produisent des changements dans « l’atmosphère » de l’endroit où ils sont effectués et, avec la pratique, ces sensations surviennent automatiquement où que soit réalisé le rite, de sorte que le décalage entre la réalité quotidienne avec son lot de préoccupations (par exemple, qui fera la vaisselle après le rituel, etc.) et la Réalité Magique (par exemple le but du rituel) apparaît clairement.
LA MAGIE DES SIGILS
Le travail avec les sigils est l’une des techniques les plus simples et les plus efficaces employées par les magiciens d’aujourd’hui. Une fois que vous avez compris les principes de base et expérimenté quelques-unes des façons les plus classiques de créer un sigil, vous pouvez continuer en expérimentant des formes de magie sigillaire qui vous seront propres.
Le processus général de la sigillisation peut être divisé en six étapes [1] :
1 – Intention Claire. 2 – Voies Disponibles ? 3 – Etablissement d’un trajet Symbolique. 4 – Gnose Intense / Vacuité 5 – Feu 6 – Oubli
1. Intention Claire
La première étape du processus consiste à clarifier votre intention magique – il faut qu’elle soit aussi précise que possible sans être, pour autant, trop complexe. De vagues intentions mènent généralement à de vagues résultats, et plus clair sera l’énoncé initial, plus vous aurez de chances d’obtenir des issues en conséquence. L’une de mes connaissances réalisa une fois un sceau afin de trouver un petit ami, en donnant des indications très précises quant à son apparence, le type de voiture qu’il conduirait, etc. Inutile de le souligner, son « souhait » se manifesta exactement comme elle l’avait spécifié, mais elle découvrit trop tard qu’elle avait omis de mentionner « intelligence » dans son sceau, et elle se retrouva encombrée d’un raseur !
2. Voies Disponibles ?
En général, les sceaux sont excellents pour obtenir des résultats précis à court terme, ce qui les rend idéaux pour des travaux de Magie Pratique – guérison, modification des habitudes, inspiration, contrôle des rêves, etc. Il est généralement utile « d’ouvrir » une voie pour que s’y engouffre votre but. Voici un exemple classique relatif à l’argent : Frater Bater réalise un sort pour devenir plus riche et attend que le cosmos [2] lui expédie la monnaie. Les mois qui suivent, il gagne en effet de l’argent suite au décès subit de membres de sa famille, reçoit une indemnité de son employeur après être passé sous une moissonneuse-batteuse, et ainsi de suite. S’il s’était assuré d’une possible voie, d’un chemin pouvant être emprunté, comme écrire un livre (ah ! ah !), envoyer une lettre de motivation pour trouver un emploi, ou jouer à la loterie, les choses se seraient peut-être mieux passées. C’est la manière dont fonctionne souvent la magie, et cela prouve que l’univers, ou autre chose, possède un sens de l’humour plutôt acide.
3. Etablissement d’un trajet Symbolique
Une fois que vous avez précisé votre intention, celle-ci peut être formulée sous la forme d’une analogie ou d’un code symbolique – un signe sur lequel vous pouvez concentrer votre attention, sans vous remémorer votre désir initial. Les approches les plus communes sont :
(a) le Monogramme : couchez par écrit votre objectif, supprimez toutes les lettres en double, et à partir de celles qui restent ; concevez un glyphe.
(b) le Mantra : couchez par écrit votre objectif, transformez le en un mot ou une phrase dénués de sens pouvant être psalmodiés. Vous pouvez également employer des supports tels que les odeurs, les saveurs, les couleurs, le langage corporel, les gestes.
4. Gnose Intense/ Indifférence au désir
Les sceaux peuvent être projetés dans le cosmos via un acte de Gnose – généralement, mais pas nécessairement, dans un contexte de nature rituélique / magique. Les manières classiques d’accéder à la Gnose sont : tourner [3], psalmodier, danser, visualiser, l’excès de stimulation sensorielle ou la privation sensorielle, l’excitation sexuelle. L’autre type d’état modifié de conscience est la Vacuité Indifférente – un état où l’on ne se sent « pas spécialement emmerdé ». Un exemple de sigillisation effectuée de cette manière consiste à griffonner des sceaux tout en écoutant un discours ennuyeux, mais à propos duquel vous êtes contraint de prendre des notes.
5. Feu
Cette étape consiste en la projection du sceau dans le vide ou le Cosmos au moment de l’ « apogée » de la Gnose/Vacuité. Des exemples : l’orgasme, être sur le point de s’évanouir à cause de l’hyperventilation, ou être interrogé sur le discours ennuyeux que vous étiez supposé écouter.
6. Oubli
Une fois votre sceau « enflammé », vous êtes censé oublier l’intention originelle et laisser l’Effet Papillon ou autre, s’occuper de la suite. Oublier ce que l’on vient juste de faire est souvent la partie la plus dure du processus. Ce n’est pas si difficile si votre dessein est quelque chose dont vous ne vous souciez pas vraiment – par conséquent, débuter par des sceaux se rapportant à des choses qui ne vous tiennent que modérément à cœur est une bonne façon d’entamer les expériences, mais c’est plus difficile si vous voulez que cela arrive pour de bon. Aussi longtemps que vous ne donnez pas prise aux pensées lorsqu’elles surgissent, ce n’est pas trop important. Il est temps de passer à une autre analogie.
L’enchevêtrement toujours changeant de désirs, de souhaits, de peurs, de fantasmes, etc., se bousculant dans nos esprits peut être comparé à un jardin, bien qu’il s’agisse d’un jardin quelque peu bordélique et envahi de mauvaises herbes : fleurs, herbes sauvages, plantes grimpantes, et parfois le râteau enterré du jardinier. S’engager dans le processus de sigillisation peut être comparé au fait de s’enthousiasmer subitement pour la remise en état du jardin. Vous isolez une plante – votre dessein, la séparez des autres, l’engraissez, l’arrosez et la taillez jusqu’à ce qu’elle détonne par rapport au reste et se démarque nettement du paysage ; puis vous en avez soudainement marre de tout ça et rentrez chez vous pour regarder la télévision. Le truc étant, la prochaine fois que vous regarderez le « jardin », de ne pas prêter attention à la plante à laquelle vous avez prodigué vos soins tout récemment.
Si le dessein demeure enchevêtré avec plein d’autres choses dans votre tête, vous aurez tendance à projeter divers résultats fantasmatiques – ce que vous ferez avec l’argent lorsqu’il arrivera, comment ça se passera avec l’homme, la femme, ou le fourmilier de vos rêves, etc., et ce désir interférera avec les autres, amoindrissant alors la probabilité que ceux-ci se manifestent de la façon que vous le souhaitez.
Une attitude intelligente à adopter lorsqu’on travaille avec les sigils, consiste, après en avoir posté un au cosmos – lequel, comme le Père Noël, reçoit tous les messages, être certain que cela va fonctionner, de telle sorte que vous n’aurez plus besoin d’y consacrer d’efforts. Cette confiance tend se manifester lorsque vous avez bénéficié d’expériences heureuses antérieures avec les sigils. Le résultat survient souvent lorsque le désir s’est engourdi – c’est-à-dire lorsque vous l’avez totalement oublié et perdu toute illusion quant à sa réalisation. C’est comme faire du stop sur une route déserte au plus profond de la nuit. Vous êtes là depuis des heures, il pleut à torrents et vous « savez », avec une certitude mêlée de crainte, que personne ne s’arrêtera pour vous prendre maintenant ; malgré tout vous continuez à brandir votre pouce. Et pourquoi donc ? Cinq minutes plus tard, quelqu’un s’arrête. Et le gars, ou la fille, ou le fourmilier, invoqués deux sceaux plus tôt, au volant d’une Porsche, vous demandent où vous voulez aller. De quoi rendre fou, pas vrai ? Mais la sigillisation semble fonctionner souvent de la sorte.
[1] Phil Hine présente ces étapes sous la forme d’un acronyme intransposable en français : S.P.L.I.F.F. (Specify Intent, Pathways Available ?, Link Intent to Symbolic Carrier, Intense Gnosis/Indifférent Vacuity, Fire, Forget). NDT.
[2] Phil Hine emploie le terme « multiverse » qui désigne en anglais un hypothétique cosmos constitué d’univers et d’espace-temps multiples. NDT.
[3] A la façon des derviches tourneurs. NDT.